Mais cette disposition bien connue du monde syndical ne rassure pas pour autant les représentants du personnel de Delhaize.
"On est d’accord que les conditions ne peuvent pas être changées immédiatement, dès le lendemain du transfert, acquiesce Sébastien Robeet, juriste et secrétaire général adjoint de la CNE. Mais sur le moyen terme, deux choses nous inquiètent. D’abord, à un moment donné, le nouvel employeur voudra harmoniser les conditions de travail et de rémunération dans son entreprise via une convention collective d’une entreprise, et il harmonisera plutôt à la baisse. Ensuite, il pourra assez rapidement dénoncer une convention collective de travail, même s’il y est lié par la CCT 32 bis dans un premier temps."
Là encore, des explications s’imposent. L’article 20 de la Loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives et les commissions paritaires, indique ceci :
En cas de cession totale ou partielle d’une entreprise, le nouvel employeur est tenu de respecter la convention qui liait l’ancien employeur, jusqu’à ce qu’elle cesse de produire ses effets.
Mais cet article 20 a priori clair, ne l’est pas tout à fait. "Lorsqu’il y a un changement de commissions paritaires, deux visions s’opposent, développe Joëlle Boutefeu, juriste au secrétariat social Securex. Une partie de la jurisprudence indique que les conventions collectives de travail conclues dans la CP précédente vont rester en application jusqu’à ce que ces CCT cessent de produire leurs effets."
Autrement dit, dans le cas de Delhaize, les conditions de la CP202 vont s’appliquer jusqu’à la fin des CCT qui ont actuellement cours dans la CP 202, indépendamment du fait que les magasins Delhaize y soient encore ou non.
"Mais une autre partie de la jurisprudence va dans l’autre sens. Elle indique qu’un employeur ne relève que d’une seule commission paritaire et donc cet article 20 ne s’applique pas." Et dans ce cas-ci, l’employeur pourrait dénoncer son lien avec la CP 202, et c’est précisément ce que craignaient les syndicats ci-dessus. Ces syndicats indiquent par ailleurs que le préavis pour dénoncer une CCT est généralement de 6 mois.
"Nous avons de la jurisprudence et de la doctrine qui vont dans les deux sens. Et il est tout à fait imaginable que le cessionnaire utilise une jurisprudence pour dire que seules les CCT liées à la CP 202.01 s’appliquent", conclut Joëlle Boutefeu.