Différents experts de la commission parlementaire qui se penche sur le passé colonial de la Belgique ont insisté lundi sur la nécessité de mener un processus inclusif et transparent. À leurs yeux, exclure les victimes du colonialisme constituerait une injustice de plus pour elles.
Les experts mandatés par la commission ont présenté lundi leur rapport aux députés. Le document de 689 pages aborde différents aspects de cette page de l'histoire belge, non seulement dans ses dimensions historiques mais aussi dans la représentation des personnes d'origine africaine aujourd'hui ou pour ce qui concerne d'éventuelles réparations.
"En tant qu'historiens, nous voulons insister sur le fait qu'il est grand temps que la responsabilité historique belge, dans toutes ses facettes, pour les violences massives et la grande et insupportable injustice que fut le colonialisme, soit reconnue clairement et de manière forte", a souligné l'historienne Gillyan Matthys (UGent).
Constats sévères
Les constats sont sévères: racisme comme pierre angulaire du système colonial, violences physiques et psychologiques systématiques, violation des droits humains, exploitation économique, propagande coloniale qui s'est poursuivie après les indépendances où se mêlent les images d'une colonie modèle et une vision des Africains comme des êtres subalternes, etc.
Ce rapport doit permettre à la commission mise sur pied en juillet 2020 de poursuivre ses travaux qui visent à la fois à faire la clarté sur le passé colonial et formuler des recommandations en vue d'une "réconciliation".
"Le colonialisme s'est déplacé, il n'a pas changé", a souligné l'historienne de l'art Anne Wetsi Mpoma.
Transparence, participation inclusive et prise de temps nécessaire
Transparence, participation inclusive et prise de temps nécessaire sont les maîtres mots du rapport sur ce volet. La question des réparations est abordée sous ses différentes formes: réhabilitation, restitution, indemnisation, et en fonction des bénéficiaires de ces mesures, qu'il s'agisse des victimes directes et de leurs descendants, ou de celles qui se sentent victimes en fonction de leur origine. Si certains pas ont déjà été faits, par exemple vis-à-vis des métis, ou la lettre du Roi Philippe exprimant les regrets belges pour la colonisation, de nombreux autres faits et phénomènes restent ignorés, comme celui des zoos humains.
Les excuses ne sont pas suffisantes, nous avons besoin de symboles mais aussi d'actes concrets
"Notre travail ne pourra se faire seulement entre députés, il faudra associer toutes les parties prenantes", a souligné Guillaume Defossé (Ecolo-Groen). Le PS se méfie du terme de "réconciliation". "Les excuses ne sont pas suffisantes, nous avons besoin de symboles mais aussi d'actes concrets. La dialectique des excuses et du pardon ne peut être le seul guide de nos travaux", a expliqué Malik Ben Achour (PS).
L'une des difficultés du rapport est que chacune des recommandations est celle de l'expert ou du groupe d'experts qui l'a formulée. Les appréciations ont varié dans les groupes politiques. Des critiques se sont fait entendre sur certains chapitres, plus particulièrement à droite. Nathalie Gilson (MR) a déploré qu'"au nom sans doute du politiquement correct", les "multiples facettes" de cette page de l'histoire ne soient pas abordées, c'est-à-dire aussi des aspects jugés "positifs". Il faut se prémunir, estime-t-elle, d'un "racisme décolonial" qui accroîtrait encore les divisions dans la société. L'Open Vld s'est montré très réticent sur la question de dommages-intérêts. "Le Belge d'aujourd'hui ne porte pas de dette", a affirmé Goedele Liekens.
►►► À lire aussi : L’ONU plaide en faveur d’une justice réparatrice dans le cadre du débat sur les conséquences de l’esclavagisme et du colonialisme
Le regret a aussi été exprimé que le rôle de certains acteurs, comme l'Église catholique, n'ait été que peu abordé ou que le Rwanda et le Burundi soient peu évoqués comparés au Congo. Comme d'autres groupes, le PTB a aussi épinglé l'absence de la période qui a suivi les indépendances et du "néocolonialisme" qui l'a marquée. Une remarque de la N-VA a trouvé comme un écho chez les communistes. Les nationalistes estiment que c'est la Belgique plutôt que la Flandre alors "colonisée" par une élite francophone qui porte une responsabilité dans le colonialisme. "Ce n'est pas la population belge, les travailleurs belges qui ont colonisé le Congo car ils étaient eux aussi exploités", a souligné Marco Van Hees (PTB).