Le temps d'une histoire

Patrick Weber raconte… Les femmes de pouvoir : Arletty

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Par Le temps d'une histoire : les femmes de pouvoir via

Arletty, un amour vert de gris

Le Temps d’une histoire : Les femmes de pouvoir

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Une voix, une gouaille qui ne peuvent appartenir qu’à une seule actrice. Impossible de la confondre et que l’on aime ou qu’elle nous agace, elle possède ce don rare de ne jamais laisser personne indifférent. Une actrice entrée dans l’histoire du 7e art par ses rôles bien sûr… Mais la vie d’Arletty est aussi indissociable d’une grande romance. Un amour couleur vert-de-gris, comme l’uniforme de l’envahisseur.

Léonie Marie Julia Bathiat raconte, dans son livre La Défense, qu’elle est née à Courbevoie, 33, rue de Paris (ça ne s’invente pas !), " dans un rez-de-chaussée sombre éclairé par le sourire de mes parents ". Elle est la fille de Michel Bathiat, ajusteur tourneur pour les tramways de Paris, et de Marie Marguerite Philomène Dautreix qui exerce la profession de lingère.

Enfant, elle souffre de problèmes respiratoires. Ensuite, on la destine au métier de secrétariat… L’une des rares issues ‘honorables’à ses yeux pour une femme qui doit travailler. Elle tombe aussi très amoureuse d’un jeune homme qu’elle baptise ‘Ciel’ à cause de la couleur de ses yeux. Mais il perd la vie lors de la guerre de 1914 et la jeune femme se promet de ne jamais se marier. Elle refuse de devenir une veuve de guerre.

Arletty
Arletty © ullstein bild via Getty Images

Premiers pas dans le monde

En 1917, elle commence une relation avec un jeune banquier Jacques-Georges Lévy. Elle commence à faire ses premières rencontres mondaines dont des couturiers ou des acteurs. Elle fait la connaissance ensuite d’un marchand de tableaux qui la met en contact avec des personnalités du monde du spectacle.

Un directeur de théâtre lui trouve un pseudonyme qu’elle ne quittera plus : Arletty. Elle fait aussi la rencontre de Jean-Pierre Dubost, un homme avec une bonne situation qui deviendra son ami de cœur et un fidèle compagnon.

Elle crève l’écran

© Hôtel du Nord – Marcel Carné

Dès 1930, elle fait ses débuts au cinéma et pose pour des peintres. Muse et actrice, la carrière d’Arletty est lancée. En 1938, elle joue un rôle mythique dans le film Hôtel du Nord signé Marcel Carné. Elle y prononce la rubrique qui la rendra célèbre :

" Atmosphère ! Atmosphère ! Est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère ? "

Elle lance cette phrase à Louis Jouvet avec une gouaille qui n’appartient qu’à elle.

Dans " Circonstances atténuantes ", elle prononce une autre phrase mythique pas folle la guêpe ! ".

Dans la foulée, Arletty se révèle aussi chanteuse et signe un tube avant la lettre avec " Comme de bien entendu ".

A la fin des années 30, Arletty a accompli un sacré chemin… C’est une véritable star du cinéma français.

Pendant la guerre ? Elle bosse !

A la fin des années 30, l’Europe bascule dans l’incertitude. De l’Italie à l’Allemagne en passant par l’Espagne, les dictatures se mettent en place et narguent des démocraties. Les nations s’arment ou se réarment mais rares sont encore ceux qui veulent croire à la guerre. Mais pour certains, à Paris, la vie continue.

Et même sous la botte allemande certains continuent à chanter, à danser, à s’amuser. Arletty prétend n’en avoir rien à faire de politique. Elle continue à faire son métier. On la retrouve notamment dans le rôle principal de Madame Sans Gêne en 1941. Puis dans les Visiteurs du Soir. C’est un sujet qui est longtemps resté tabou. Comment réagissent les artistes en temps de guerre ? En fait, ils n’ont que deux solutions : s’accommoder de l’occupant s’ils veulent travailler ou alors renoncer à leur carrière.

A Paris pendant la guerre, le très francophile Otto Abetz ambassadeur d’Allemagne fait tout pour se concilier les bonnes grâces du gratin artistique. Et parmi les stars de l’époque… Il en est une qui a la cote et qui n’a pas sa langue en poche : Arletty. Elle est issue d’un milieu populaire et incarne mieux que quiconque la gouaille parisienne. A 43 ans, elle affirme n’en avoir rien à fiche de la politique mais est-il possible de ne pas prendre parti en temps de guerre ?

L’actrice et l’officier allemand

Arletty et de Hans Jürgen Soehring, en promenade à cheval, au château de Condé, en 1942, avant le tournage des Visiteurs du soir.
Arletty et de Hans Jürgen Soehring, en promenade à cheval, au château de Condé, en 1942, avant le tournage des Visiteurs du soir. © Collection privée

Puis, son chemin croise un homme et sa vie va s’en trouver bouleversée… Un certain Hans Jürgen Soehring, un officier allemand qu’elle trouve très à son goût. Arletty est amoureuse ou, si vous préférez… Elle a le béguin ! Et elle se soucie du qu’en-dira-t-on comme de son premier jambon beurre ! Elle a choisi de rester à Paris et s’accommode d’une époque difficile. Elle aime Soehring et elle est prête à tout pour vivre sa passion. Quitte à intégrer la société des collabos… Mais comment va-t-elle s’en tirer quand les Allemands perdront la partie ? Et que va devenir son histoire d’amour ?

Après la guerre, l’actrice Arletty n’a pas été tondue mais elle a été pointée du doigt pour son histoire d’amour avec son officier allemand. Soehring lui propose de fuir avec lui après la guerre mais elle refuse. Elle symbolise la " collaboration horizontale " mais veut rester en France. Internée quelques semaines puis assignée à résidence, elle veut laisser la tempête. Avec humour, Arletty affirmait qu’elle était la femme la plus invitée de Paris… Avant de devenir la femme la plus évitée de Paris.

Pour finir, elle s’en sort avec un blâme et une interdiction de travailler pendant trois ans. Quant à son histoire d’amour ? Elle semble s’en être lassée. En 1949, elle se sépare de Soehring qui se marie finalement en Allemagne. Avec une autre

La longue nuit d’Arletty

© GEORGES BENDRIHEM - AFP

Arletty poursuit sa carrière mais dans au début des années 60, elle est victime des crises glaucomes. En 1966, elle se retrouve quasi-aveugle. Un drame pour cette femme qui a toujours été éprise de liberté et d’indépendance. Et pourtant, ce handicap devient pour elle une nouvelle raison de vivre. Elle soutient l’Association des artistes aveugles. Bravant l’adversité, Arletty vit avec son handicap pendant près de trois décennies, jusqu’à sa mort en 1992 à l’âge de 94 ans. Pour l’artiste, ce fut un interminable hiver. Arletty meurt le 23 juillet 1992 à l’âge de 94 ans, dans son appartement parisien. Ses cendres sont inhumées dans le caveau familial à Courbevoie. Chez elle, à la maison. Pas très loin de ce Paris dont elle est devenue un monument, célèbre comme la tour Eiffel, contestée comme le Centre Pompidou et gouailleuse comme Montmartre.

 

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