Politique

Paul Magnette à Jeudi en Prime : impôt sur la fortune, réforme des pensions et barrage à la droite en vue des prochaines élections

© RTBF

Par Jean-François Noulet

Paul Magnette, président du Parti socialiste, était l’invité de l’émission Jeudi en Prime, sur la Une. Quasi un an avant les prochaines élections législatives, régionales et européennes qui auront lieu le 9 juin 2024, le président du PS a balisé quelques chantiers qui sont encore sur la table du gouvernement fédéral tels que la réforme des pensions et la réforme fiscale.

En faveur d’un impôt européen sur la fortune pour les millionnaires

Un impôt européen sur les grandes fortunes. C’est ce que défendent plusieurs personnalités européennes, dont Paul Magnette, qui ont déposé une initiative allant dans ce sens auprès de la Commission européenne. Si cette initiative obtient le soutien, via signature, d’un million de citoyens de citoyens européens dans au moins sept pays, la Commission européenne devra décider de l’action à entreprendre.

Le projet d’impôt européen défendu, entre autres, par Paul Magnette vise ceux qui détiennent au moins un million d’euros. "A partir d’un million d’euros en dehors de son habitation et de son outil de travail, de son entreprise", précise Paul Magnette qui vise "les gens qui ont un million d’euros sur le compte en banque, sous forme de titres, d’action ou autres". Selon lui, cela concernait "à peu près 1% de la population européenne".

Le président du PS parle d"urgence" parce que "les gens qui ont les plus grandes fortunes ont vu se concentrer de plus en plus de richesse ces dernières années". Il estime aussi que "ce sont les mêmes qui sont responsables, largement, du dérèglement climatique". Il entend donc "faire payer les grandes fortunes pour financer la transition climatique, la transition sociale et améliorer aussi les salaires".

Paul Magnette réclame aussi cette mesure européenne de taxation des grandes fortunes en raison de la concurrence fiscale entre Etats membres. La Belgique "est un paradis fiscal pour les plus riches", rappelle-t-il, qu’on ne paye pas d’impôts sur les plus-values". "En ayant une règle européenne identique partout, ça permettrait de récolter entre 150 et 200 milliards d’euros par an", estime le président du PS.

 

Pas d’impôt sur la fortune en Belgique, pourtant les socialistes ont été et sont au gouvernement : pourquoi ?"

Lorsqu’on demande à Paul Magnette pourquoi la Belgique ne s’est pas dotée d’un impôt sur la fortune alors que les socialistes ont été présents dans plusieurs gouvernements et le sont encore, celui-ci rejette la faute sur "les libéraux". Paul Magnette rappelle au passage qu’une proposition PS allant dans ce sens a déjà été déposée il y a plusieurs années, bientôt dix ans, et explique que si rien n’avance sur ce terrain, c’est "tout simplement le fait que systématiquement les libéraux l’ont bloqué". Il évoque ainsi "la transparence bancaire totale" et le "cadastre des fortunes" dont les libéraux ne veulent pas.

"80% des Belges sont d’accord avec l’idée qu’il faut une transparence bancaire totale et avec l’idée qu’il faut que les riches payent davantage sur leur fortune", fait remarquer Paul Magnette. Il rappelle aussi que lors des négociations gouvernementales en 2019, son parti a "tordu le bras aux libéraux" pour faire passer "un 1er impôt sur la fortune". Il rapporte, explique Paul Magnette, "500 millions d’euros cette année". Selon le président du PS, le taux de 0,5% à partir d’un million d’euros pourrait être relevé "pour aller à 1,2 ou 3% pour ceux qui ont plus".

Paul Magnette Premier ministre après les prochaines élections : "Je ne me suis jamais battu pour des titres !"

Dans un an, le 9 juin, ce seront les élections, notamment fédérales. Dans la famille socialiste, Paul Magnette est qualifié de potentiel Premier ministre. Au nord du pays, le président des socialistes flamands, Conner Rousseau, n’a pas caché son ambition. Aujourd’hui Paul Magnette tempère. "J’ai tout simplement dit si la famille socialiste est la première, si le PS est premier, je suis disponible, c’est tout", explique le président du PS. "Si Vooruit a davantage de sièges que nous, et dans cette hypothèse, c’est tout à fait logique que ce soit aux socialistes flamands".

"Je ne me suis jamais battu pour des titres", souligne Paul Magnette. "Je me suis battu pour les gens et pas pour moi-même et cela restera ma ligne de conduite", ajoute-t-il.

Le prochain gouvernement ? "Faire obstacle aux tentatives confédérales" et "aux politiques de droite"

A un an du prochain scrutin, on peut se demander ce que sera l’après élections. Faut-il s’attendre à de nouvelles discussions en vue de réformer les institutions ? "Je pense qu’une réforme de l’Etat n’est absolument pas nécessaire", déclare Paul Magnette. Pour lui, "le Fédéral doit consolider ses propres compétences". On pourrait même, selon lui, refédéraliser certaines compétences.

Paul Magnette ne semble pas non plus croire à de nouvelles réformes institutionnelles car "les choses ont changé en Flandre". "Aujourd’hui, les socialistes flamands ne demandent pas de réforme de l’Etat. Les écologistes non plus. Même les libéraux ne le demandent pas", explique Paul Magnette. "Il n’y a que les nationalistes qui le demandent, mais ils sont tout seuls", ajoute-t-il. "Donc, je pense qu’il n’y aura pas de réforme de l’Etat", estime-t-il.

Le président du PS explique ainsi qu’en raison du cordon sanitaire, "le Vlaams Belang ne sera pas associé au gouvernement fédéral". Quant à la N-VA, "il faut tout faire pour l’éviter parce que c’est un parti de droite".

Et Paul Magnette de pointer le MR du doigt. "On voit bien que le MR et la N-VA sont en plein rapprochement, en pleins mamours et que M. Bouchez n’a pas caché qu’il souhaiterait gouverner encore avec la N-VA et revenir aux politiques de droite de l’ancien gouvernement", souligne Paul Magnette.

Les libéraux, le "boulet" du gouvernement ?

C’était il y a un jour, sur la chaîne LN24, Paul Magnette qualifiait les libéraux de "boulet du gouvernement". Aujourd’hui, il nuance. "La presse flamande a qualifié le MR et son président de 'dood gewicht', de poids mort. Ce n’est pas mon expression, je l’ai simplement citée", explique le président du PS. C’est donc, selon lui, la presse flamande "qui considère que le MR bloque toute une série de réformes".

Le 17 et le 18 juin prochain, le gouvernement tiendra un conclave consacré à la réforme fiscale. Paul Magnette y voit "un test". "On a déposé des propositions pour baisser les impôts pour les travailleurs, pour que tous les travailleurs qui ont un bas ou moyen salaire puissent gagner entre 150 et 200 euros net en plus tous les mois", explique Paul Magnette. "On va voir si le MR suit ou si c’est à nouveau le MR qui bloque", ajoute le président du PS.

Un accord sur la réforme fiscale lors du week-end du 17 et 18 juin ?

Ce conclave consacré à la réforme fiscale accouchera-t-il d’un accord ? "Je ne crois pas qu’il ait dit qu’il fallait que tout soit bouclé le 17-18 juin", réagit Paul Magnette à propos de la décision d’Alexander De Croo de convoquer ce conclave.

Depuis que le ministre des Finances a présenté son projet de réformes, chaque parti a donné son avis. "A un moment donné, il faut qu’il y ait une vraie négociation", selon Paul Magnette. "Mais c’est un sujet suffisamment important pour qu’on lui donne du temps", ajoute-t-il. "S’il n’y a pas d’accord le 18 juin, on peut très bien en reparler la semaine d’après ou encore après", relativise le président du PS qui rappelle qu’il reste encore un an avant les élections. "Il faut que pendant un an les gouvernements travaillent", poursuit-il.

Du côté du PS, dans ce dossier de la réforme fiscale où il est aussi question de modifier l’impôt des personnes physiques, Paul Magnette estime que "toucher tout le monde, ce n’est pas nécessaire". "Les gens qui ont des très hauts revenus n’ont pas besoin de gagner 800 euros en plus par an", contrairement à "ceux qui travaillent et ont des bas ou moyens salaires", explique Paul Magnette qui place la barre "aux alentours du salaire médian", soit "3500 euros brut".

En revanche, le président du PS est nettement moins enthousiaste par rapport à une réforme des taux de TVA, "pas idéal", estime-t-il. "Dire aux gens, on va vous donner davantage de salaire mais les courses vont coûter plus cher, c’est donner l’impression qu’on va reprendre d’une main ce qu’on va donner de l’autre", argumente Paul Magnette.

Le président du PS en revient à son idée de taxation du capital. "Taxer les plus-values, cela rapporterait entre 2 et 3 milliards et ça permettrait d’augmenter de 150 à 200 euros les bas et moyens salaires", selon le président du PS.

Et la réforme des pensions proposée par la ministre Lalieux (PS) ?

Le gouvernement, pourtant pressé par l’Europe, n’a toujours pas abouti dans le dossier de la réforme des pensions. Le projet présenté lors de l’été 2022 a dû être revu en raison de son coût et du fait que l’Europe conditionne à cette réforme l’octroi d’une partie des fonds du plan de relance européen.

Un projet est sur la table, la ministre Lalieux l’a détaillé dans la presse ces derniers jours, mais au niveau du gouvernement, on ne tranche pas. "La ministre Lalieux est d’une patience d’ange", réagit son président de parti, Paul Magnette. "Cela fait dix mois qu’elle attend que le Premier ministre convoque un kern ou une réunion du gouvernement sur les pensions", ajoute Paul Magnette.

Dans le projet de la ministre Lalieux, il est notamment question d’un bonus pension pour ceux qui continueraient leur carrière au-delà de l’âge auquel ils pourraient prétendre la prendre.

"C’est au Premier ministre de décider dans quel ordre on examine les dossiers, nous, on est prêt", lance Paul Magnette. Après l’énergie et la réforme fiscale, "un jour ou l’autre, il faudra que le dossier des pensions vienne à la table du gouvernement", avertit le président du PS.

Augmenter les taux d’intérêt sur les comptes d’épargne : il le faut, selon Paul Magnette

Ces dernières semaines, le gouvernement s’est posé la question d’imposer ou pas un relèvement des taux d’intérêt des livrets d’épargne. Consultée, la Banque nationale a déconseillé de légiférer en ce sens tout en exhortant les banques à augmenter les taux. Hier, deux banques, Belfius et Keytrade, ont fait des annonces en ce sens.

Pour Paul Magnette, il faut aller plus loin. "Quand on voit que ces groupes bancaires font des bénéfices, quand on voit qu’il y a de la marge et qu’on voit que beaucoup de Belges mettent leurs économies sur les livrets d’épargne, c’est tout à fait anormal que les gens qui ont des gros patrimoines peuvent espérer des taux de retour de 6,7, parfois 10% et que ceux qui ont des petits comptes d’épargne ont des bénéfices extrêmement faibles, à la limite de l’inflation", estime Paul Magnette.

Jeudi en Prime

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