Politique

"Pause environnementale" d’Alexander De Croo : "si on perd le momentum, nous n’y arriverons pas"

Débat à la chambre sur la "'Pause environnementale" d'Alexander De Croo

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Par Anthony Roberfroid avec Belga

Au centre des discussions de la séance plénière à la Chambre ce jeudi, le Premier ministre Alexander De Croo (OpenVLD) et ses propos concernant la "pause environnementale".

Ce mardi dans l’émission Terzake de la VRT, le Premier ministre se montrait favorable à une "pause" en matière de législation européenne sur le climat.

Selon lui, il convient de ne pas "surcharger" la législation en renforçant les normes en matière d’azote, de restauration de la nature et de biodiversité, en plus des objectifs concernant les émissions de CO2.

Selon le Premier ministre, cela aurait deux conséquences néfastes :

  • Premièrement, l’industrie ne pourrait plus suivre, et les objectifs de réduction de CO2 ne seraient pas atteints.
  • Ensuite, le momentum actuel en faveur du climat risquerait d’être perdu.

"Est-ce le bon moment pour tout faire en même temps ?", s’interroge alors Alexander De Croo. Un questionnement partagé par la ministre flamande de l’Energie Zuhal Demir (N-VA) et le président français Emmanuel Macron.

Reste que pour l’Europe, comme pour la communauté scientifique, la réponse est pourtant "oui".

La réponse d’Alexander De Croo

À la Chambre, de nombreuses questions ont été posées au Premier ministre concernant notamment la vision à long terme de la Belgique dans le combat climatique. Au menu : nucléaire,  protection de l’environnement, biodiversité ou encore accord du gouvernement. Peu de réponses précises à ces questions ont cependant été données.

Dans sa réponse générale, le Premier ministre fait à plusieurs reprises état de la séparation des compétences. "C’est un débat qui dépasse les limites de compétences du gouvernement fédéral. Certaines compétences évoquées dépendent des régions, d’autres de l’Europe" a-t-il précisé d’emblée.

Alors que le Green Deal européen prévoit une neutralité sur le plan climatique d’ici 2050, Alexander De Croo veut se montrer optimiste : "Nous sommes capables de le faire si on le fait avec plus d’innovations, plus d’investissements, plus de croissance économique. On le fera avec notre économie, les PME, les grandes industries. Si on perd le momentum, nous n’y arriverons pas", a-t-il expliqué devant l’hémicycle.

"Cela demandera des efforts. Aujourd’hui, la plupart de nos citoyens sont convaincus que le réchauffement climatique est une réalité en raison de l’activité humaine. La population est disposée à consentir ces efforts, même si elle sait que ça ne sera pas chose aisée" estime-t-il.

Reste que ces efforts doivent encore être parfaitement organisés pour réaliser les objectifs européens. Selon Alexander De Croo, notre pays possède les capacités requises pour y parvenir. Il soulève cependant un problème de coordination : "Comment éviter qu’un paquet de mesures n’entre en conflit avec d’autres paquets mesures, notamment régionales ? Comment organiser tout ça ? Ce débat-là, il faudra l’avoir", précise-t-il.

Alexander De Croo a qualifié d'"ensemble cohérent" le paquet de propositions européen "Fit for 55" (prévoyant une diminution de 55% des émissions carbone de l’Union européenne d’ici 2030). Par contre, la "Nature Restoration Law" (loi de restauration de la nature), sur lequel le Conseil environnement de l’UE doit se pencher le 20 juin, "mérite d’être examinée en détail". "Il me semble logique de voir comment éviter qu’un paquet de mesure entre en contradiction avec un autre mesure", a-t-il argumenté. De quoi donc expliquer sa demande de "pause environnementale"

Rien n’est donc gravé dans le marbre concernant les plans du gouvernement fédéral mais pour harmoniser au mieux les différentes mesures à prendre, le Premier ministre annonce qu’il va "poursuivre en écoutant les autres, en interpellant les autres pays pour voir comment ils vont organiser cela. Cela se fera aussi grâce notamment au contact avec les industries" explique-t-il.

Selon Alexander De Croo, de nombreuses questions subsistent, notamment sur l’application des mesures climatiques et leurs conséquences :"Pour bien faire, il faudra s’écouter, voir les problèmes qui se posent et voir comment trouver des solutions".

Dans sa réponse, le Premier ministre tente également de se montrer prudent face aux différentes réactions face à l’urgence climatique : "Certains disent 'on s’adaptera au réchauffement climatique', je ne suis pas d’accord. D’autres disent : 'il faut se montrer ambitieux, se fixer des objectifs et on verra par la suite comment faire', là aussi j’ai mes doutes. Il faudra que les entités fédérées s’écoutent."

Une harmonie sera donc nécessaire, mais Alexander De Croo garde confiance envers les capacités de notre pays à devenir précurseur dans le combat climatique : "Pour gagner ce combat pour le changement climatique, notre pays sera un précurseur, un leader grâce à notre industrie, nos PME et nos citoyens qui sont convaincus de la possibilité de le faire. On arrivera à réaliser cet accord et je m’en porte garant", a-t-il conclu.

Duplex dans notre JT

Peu de partenaires soutiennent les propos du Premier ministre

Les déclarations de ce mardi  du Premier ministre ont fait bondir dans les rangs de l’opposition, mais aussi du côté de ses partenaires de la Vivaldi, Écolo en tête.

La ministre du Climat, de l’Environnement, du Développement durable et du Green Deal, Zakia Khattabi, n’a pas caché son étonnement. "Par où commencer… je ne sais même pas du coup, juste : ce n’est pas la position #begov !!", a-t-elle réagi sur Twitter.

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Les co-présidents d’Écolo, Jean-Marc Nollet et Rajae Maouane, qualifient pour leur part les déclarations d’Alexander De Croo d'"hallucinantes", estimant que "ce n’est pas le Premier ministre qui s’est exprimé ce soir."

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Chez Groen, les déclarations d’Alexander De Croo sont jugées "scandaleuses" et "pas couvertes par le gouvernement". "Les accords européens ne sont pas des chiffons de papier", taclent les co-présidents Jeremie Vaneeckhout et Nadia Naji. "La nature et le climat sont indissociables. Ce n’est pas d’une pause que nous avons besoin, mais d’une accélération."

Quant au président de la Coalition Climat, Nicolas Van Nuffel, il juge, également sur Twitter, que les déclarations du Premier ministre sont "totalement incompréhensibles". "Séparer la crise climatique de l’effondrement de la biodiversité est la pire des solutions. Le problème du dépassement des limites planétaires est systémique, les solutions doivent être systémiques. La réponse aux résistances n’est pas la marche arrière mais un réel accompagnement des secteurs en transition", ajoute-t-il.

Du côté du PS, le président Paul Magnette a pris ses distances avec les propos d’Alexander de Croo et il attend du Premier ministre "qu’il ait dans ces dossiers une vraie ambition". "La Belgique était parvenue à se hisser parmi les pionniers en matière de transition climatique. Il faut évidemment que ce soit maintenu", a insisté Paul Magnette à notre micro.

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Côté francophone, seul le MR de Georges-Louis Bouchez a montré son soutien au Premier. Sur Twitter, le président du parti libéral estime que la position du Premier ministre "ne doit pas être caricaturée".

"Il souhaite, comme nous, préserver le climat et la planète tout en préservant le bien-être de nos concitoyens. Son raisonnement, comme le nôtre, est juste de maintenir un équilibre face à des enjeux multiples. Il faut donc légiférer intelligemment et pas par dogmatisme. La gauche veut-elle la misère et les famines ?", estime Georges-Louis Bouchez.

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Alors que du côté d’Ecolo et du PS, on estime que les propos d’Alexander De Croo ne cadrent pas avec l’accord de gouvernement, ce n’est pas l’avis de Georges-Louis Bouchez. "Moi je ne lis nulle part dans l’accord de gouvernement qu’il était prévu de supprimer l’agriculture, l’industrie, d’arrêter d’avoir une indépendance énergétique en vue de sauver le climat. Je n’ai pas vu que l’accord de gouvernement prévoyait le retour aux Amishs", a ajouté le président du MR.

À un peu plus d’un an des élections, les différents partis, membres ou non du gouvernement fédéral, semblent en tout cas avoir bien lancé leurs campagnes.

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