Grandeur nature

Pays d’Aubagne, dans les pas de Pagnol

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Par Dominique Wauthy via

Le Temps des secrets est sorti le 23 mars dernier. Ce film de Christophe Barratier remet Marcel Pagnol, grand amoureux de la nature et des escapades provençales bucoliques, au cœur de l’actualité culturelle. Parmi les collines entourant le dominant Garlaban, au-dessus de Marseille, tout autour d’Aubagne et au cœur du village de La Treille, les dialogues, images et écrits de Marcel Pagnol se transmettent encore et toujours de génération en génération. Grandeur Nature l’a bien compris en vous invitant dans les Bouches-du-Rhône, à quelques heures de la Belgique en TGV Bruxelles-Marseilles. Un coin du Midi où les espaces naturels représentent la moitié du territoire.

D’abord dramaturge, Marcel Pagnol, fils d’instituteur phocéen, s’était lancé dans le cinéma avant-guerre. Avant de devenir l’écrivain incontournable de ce coin de Provence. Quasi un siècle plus tard, Nicolas Dromard, comédien et ami de la famille Pagnol, joue en pleine nature près de Marseille ou au château de Buzine, l’univers de l’écrivain aubagnais si bien interprété par de nombreuses pointures du septième art. Notamment par Raimu dans " Marius " : " Quand tu me parles sur ce ton, quand tu m’espinches comme si j’étais un scélérat, eh bien tu me fends le cœur ! "

Nous quittons progressivement à pied les vallons où des producteurs locaux tirent des parcelles cultivables et fertiles, des produits du terroir labellisés " Les Jardins du Pays d’Aubagne ". Rémy et d’autres maraîchers développent progressivement permaculture et agroforesterie. Des pratiques que Pagnol, l’ami du maquis et de la garrigue, aurait encouragées. Car elles préservent la ressource en eau, nourrissent les sols et freinent le feu. Un élan protecteur que Pierre-André met lui aussi en pratique avec son four solaire. Une spécificité de son restaurant marseillais " Le présage ". Un concept unique qui permet de laisser mijoter à 450°C les recettes traditionnelles dans une version écoresponsable.

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Un film écologique sorti en 1937

" Pagnol est l’auteur du premier film écologique. Regain, tiré d’un roman de Jean Giono, raconte en effet l’histoire d’un village qui se meurt et qui renaît grâce à un couple. Le regain est la repousse qui suit une première fauchaison dans un pré ", décrit Josée Boutin, présidente enthousiaste des Amis de Marcel Pagnol. On la suit en présence de Georges Métrentier. Cet affable guide local de randonnées pédestres, passionné des œuvres et de la vie de l’auteur du " Temps des secrets ", entraîne l’équipe de la RTBF de Grandeur Nature au cœur des collines de l’arrière-pays. Nous sommes bien dans les pas de Pagnol, à l’ouest d’Aubagne dans cette garrigue au sol calcaire et acide. On y retrouve un mariage végétal propre au massif des Calanques, de Marseille à Cassis. Le relief devient toujours plus minéral. Souvent aride, il se couvre d’un végétal clairsemé, broussaillant et urticant. Cette nature, à la fois belle et hostile, a inspiré l’œuvre du cinéaste-écrivain

Avec le caractère bien trempé des habitants du coin à l’accent chantant, Georges Métrentier raconte si bien Pagnol, l’homme de lettres aux multiples facettes qui accoucha aussi de poèmes dès son adolescence : " Il a aimé les sources, ses amis et sa femme… On lit cette citation latine de Virgile sur sa tombe dans le cimetière de La Treille. Un quartier à la périphérie de Marseille, là où toute la famille et son ami David Magnan, alias Lili des Bellons, sont enterrés. " C’est ce dernier qui lui a transmis ses connaissances naturalistes. " Marcel était un enfant de la ville. Les vacances d’été passées en famille ici à la Bastide Neuve de La Treille ont inspiré tous ses souvenirs d’enfance. Ils sont devenus autant de romans adaptés à l’écran. "

Pour tourner plus vrai que nature avec le chant des cigales qui signe l’arrivée de l’été, outre des studios qu’il avait aménagés, Pagnol avait acquis quelques dizaines d’hectares de terrain autour du hameau de La Treille dont le centre est une fontaine du nom de Manon. Et puis il y a aussi un château non loin, celui de la Buzine. Aujourd’hui restauré, il avait tant effrayé sa mère alors que Marcel était enfant et que la famille quittait Marseille à pied pour ses escapades estivales vers La Treille.

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Le décor planté au Cigalon

En cette fin mars 2022, sur les coteaux de La Treille, la terrasse panoramique du séculaire Cigalon domine le déjà chaud vallon de ce quartier marseillais proche d’Aubagne. Dans ce petit restaurant à la mode d’antan, on sert toujours les pieds paquets. Pascal Parisse cuisine de la sorte l’agneau traditionnel. Il témoigne près des fourneaux au micro d’Adrien Joveneau. Là-même où Pagnol a tourné son Cigalon, un moyen-métrage sorti en 1935, et toujours régulièrement à l’affiche au théâtre : " Quand j’étais petit, je venais sur cette terrasse. Ma grand-mère était fan de Pagnol qui venait régulièrement déjeuner ici à l’époque où il a tourné Angèle. Je m’étais juré de l’acheter. C’est un havre de paix. Cigalon a été joué et est toujours rejoué sur les planches. Notamment par Michel Galabru. "

Un témoignage chaleureux du cuisinier local qui se confirme dès vos premiers pas dans la chaleur de la garrigue, sur les hauteurs escarpées de La Treille. On foule une terre de roche et d’argile ; celle-là même qui a nourri des générations de potiers et faïenciers depuis le XVème siècle. Au départ du domaine de la Font de Mai, les sites chers au cinéaste aubagnais membre de l’Académie française se multiplient au détour des sentiers balisés. Autour de la ronde colline du Garlaban, place au réel et à l’imaginaire. On y trouve en effet le Puits de Raimu, la Ferme d’Angèle, la Grotte du Grosibou et celle de Manon. Justement, des gros hiboux et des rapaces on en trouve à deux pas à la fauconnerie des aigles de la Sainte-Baume à Cuges-les-Pins. Aujourd’hui, les enfants des villes courent moins le maquis que du temps de Pagnol. Des centres d’éducation et de sensibilisation à l’environnement remplacent la grande école de la nature ouverte. Enfant, Marcel Pagnol passait, lui, beaucoup de temps libre avec son frère Paul. Décédé jeune, ce dernier fut le dernier chevrier des collines d’Allauch.

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" Ce panneau renseigne le col d’Aubignane à 1,8 km. Ce dernier ne correspond à rien de réel, si ce n’est à l’imaginaire de Pagnol. Ce col porte un nom qui n’existe pas ", ajoute Georges le guide toujours en notre compagnie.

Ces lieux de tournage grandeur nature choisis par l’homme qui présida aussi le Festival de Cannes en 1955, se confondent entre pinèdes et arbrisseaux. Ils mènent bien, lentement mais sûrement, au sommet du Garlaban. A 714 mètres d’altitude, s’offre alors à vous un point de vue à couper le souffle sur Marseille et Aubagne, la Sainte-Baume à l’est dans le Var, le Massif de l’Etoile au nord… Et aussi la bleue Méditerranée tout au sud naturellement.


Bon à savoir

Depuis cette année à Aubagne, la maison natale de l’auteur se transforme en Escape Game. Une lettre mystérieuse de l’écrivain, adressée à un ami de l’Académie Française… Pendant une heure, en famille ou entre amis, on se plonge dans une enquête palpitante. A la recherche du moindre indice laissé par Marcel Pagnol.

Plus d’infos sur : www.tourisme-paysdaubagne.fr

Jusqu’à septembre, en partenariat avec Nicolas Pagnol, petit-fils de Marcel, se tient une expo au château de la Buzine. Elle reprend objets, documents et souvenirs de l’écrivain. Pagnol a été propriétaire du château juste avant la guerre, mais il n’y passera que peu de temps.

Infos sur : www.labuzine.com ou www.musee-raimu.com

Une émission à écouter ce dimanche 3 avril sur Vivacité de 13h à 15h.

Grandeur Nature est aussi disponible en replay sur RTBF Auvio et sur Apple Podcast !

Adrien Joveneau et Nicolas Pagnol, petit-fils de Marcel Pagnol
Adrien Joveneau et Nicolas Pagnol, petit-fils de Marcel Pagnol © Lex

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