La roselière de Peissant, c’est un terrain de 2,5 hectares, au milieu des champs. Propriété communale, il a été confié à la gestion de Natagora. Une gestion renouvelée l’an dernier jusqu’en 2030. L’endroit, réserve naturelle, est connu pour abriter des quantités d’oiseaux, particulièrement en cette période de début de nidification. "La végétation est très haute et très dense, explique robert Baise, conservateur de la réserve naturelle pour Natagora. Les oiseaux qui y viennent nicher sont ainsi protégés des prédateurs aériens, comme la buse. Les prédateurs terrestres, comme le renard, ont également plus de mal à évoluer discrètement à travers les tiges très serrées des roseaux". En période de chasse, la roselière constitue aussi un refuge pour une faune plus importante. "Ici, regardez, les roseaux sont écrasés sur un bon mettre carré. Peut-être qu’une biche ou un chevreuil se sont planqués ici…".
En long, en large et en travers, la roselière a été écrasée et éventrée. Un véritable saccage pour Natagora.
Le 15 mars dernier, c’est un riverain qui a alerté le DNF – Département de la Nature et des Forêts – puis Natagora, signalant un engin de chantier qui opérait des travaux dans la roselière. Au total, sept fossés ont été creusés à travers les roseaux. Un petit labyrinthe de canaux qui débouchent sur un bassin, lui aussi creusé à l’aide de l’engin de chantier. Ce bassin est relié au ruisseau d’Estinnes qui longent la réserve naturelle. Pour ces travaux, les roseaux ont été écrasés et arrachés. La vase extraite pour former les fossés a été déposée de part et d’autre de ces balafres. "Je dirais qu’un bon dixième de la surface totale de la roselière est détruit, estime Robert Baise. C’est une catastrophe. Pour la flore, mais surtout pour la faune. Beaucoup d’oiseaux qui viennent nidifier ici sont sûrement déjà partis. Et beaucoup n’y viendront pas parce qu’ils n’y trouveront plus la sécurité qu’ils recherchent dans ce genre d’endroits. Les dégâts ne sont pas irrémédiables, mais il faudra des années pour retrouver une densité et une hauteur de roseaux pour que ces oiseaux reviennent". De plus, là où les roseaux ont disparu, il y a un risque d’assèchement du sol. Cela rendra plus difficile leur réapparition car ils ont besoin d’eau.
Une barrière contre les inondations mise à mal.
C’est un des paradoxes de la situation. L’agriculteur, dirait-on a voulu créer un réseau de drainage. Sa prairie présente une légère pente et la roselière se trouve au bas de celle-ci, entre la pâture et le ruisseau d’Estinnes. Avec ces fossés, peut-être souhaite-t-il que les eaux d’écoulement de sa prairie se jettent directement dans le ruisseau. Mais la vocation naturelle d’une roselière c’est précisément la retenue des eaux de pluies. "En cas de fortes précipitations, les roseaux filtrent et retiennent les eaux de pluie, explique Robert Baise. Cela réduit le risque de crues importantes en aval. Le cas échéant, la roselière peut également retenir des boues. La Loi sur la Protection de l’Environnement interdit de drainer, de labourer – NDLR et plus largement de modifier la nature du sol et l’hydrographie – d’une roselière ou de quelque réserve naturelle". Paradoxe, donc : en voulant limiter l’eau dans son champ, l’agriculteur pourrait tout simplement accroître le risque de crue dans le ruisseau d’Estinnes.
Le DNF du cantonnement de Mons a ouvert une enquête et Natagora va porter plainte
Une réunion rassemblant l’agriculteur, Natagora, le DNF et les autorités communales se tiendra ce mardi. En attendant, la bourgmestre d’Estinnes, Aurore Tourneur veut tempérer : "Nous sommes dans une commune rurale. Nous portons une attention de chaque instant à l’environnement. À l’environnement d’une part, mais également aux agriculteurs qui font vivre notre commune. Je suis certaine que cet agriculteur a voulu bien faire sans se rendre compte des dégâts qu’il occasionnait. Et non pas détruire ostensiblement. Il est essentiel, en tant qu’autorité politique de trouver un juste milieu. Nous veillerons au meilleur dialogue". Il n’en reste pas moins que l’homme a enfreint la Loi de 1973 de la Conservation de la Nature. La question de la remise en état de la roselière sera certainement évoquée, ce mardi. Natagora, de son côté, a annoncé qu’une plainte serait déposée.