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Pékin envisage de démanteler la populaire appli chinoise de paiement Alipay

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Alipay, l’application de paiement chinoise, appartenant à la galaxie de la société d’e-commerce Alibaba pourrait être démantelée. C’est l’intention qu’on prête aux autorités chinoises, selon le Financial Times de ce lundi. Pékin envisagerait de créer une application distincte pour les activités de prêt. Les autorités chinoises sont en fait en pleine croisade contre les pratiques anticoncurrentielles des géants chinois des nouvelles technologies.

Avec Alipay, les autorités chinoises visent une application quasi incontournable en Chine

Alipay, une application de paiement électronique appartient à Ant Group, le bras financier d’Alibaba. Cette application sert à la fois pour des paiements, mais aussi pour des activités de prêts en ligne. En chine, cette application est omniprésente. Le cash a pratiquement disparu et les paiements électroniques à partir d’un smartphone sont monnaie courante. Deux applications se partagent le marché, Alipay et son concurrent WeChat Pay qui appartient au groupe Tencent.

Concernant Alipay, Pékin voudrait mettre un terme à la mainmise de cet opérateur dans le domaine des paiements électroniques. Alipay serait scindée en deux applications distinctes. Il y aurait d’une part une application pour les paiements et, d’autre part, une application spécifique aux activités de prêts en ligne, selon le Financial Times. Ant Group, la maison mère d’Alipay, devrait par ailleurs céder ses données d’utilisateurs liées aux prêts à une agence de notation de crédit, détenue en partie par l’Etat, croit savoir le Financial Times, qui ne cite aucune source.

L’information, même si elle n’est pas encore confirmée est plausible et s’inscrirait dans une logique que les autorités chinoises mettent en œuvre depuis près d’un an.

Depuis le début de l’année, Pékin fait le ménage dans les grands groupes technologiques

Fin 2020, Pékin avait ainsi mis un coup d’arrêt à la gigantesque introduction en Bourse d’Ant Group à Hong Kong. L’opération était estimée à plus d’une trentaine de milliards de dollars… "Il y a un an, on a commencé à voir les coups pleuvoir de la part du gouvernement chinois sur les grands groupes technologiques. L’an passé, fin octobre, Ant Group, qui contrôle Alipay aurait dû être introduit en bourse, l’une des plus grosses introductions en Bourse de l’histoire financière. Au tout dernier moment, début novembre, le gouvernement chinois a interdit cette introduction", explique Michel Ernst, spécialiste en stratégie "actions" à la banque CBC.

Juste avant cela, le fondateur d’Alibaba, Jack Ma, ne s’était pas gêné pour critiquer les autorités chinoises de la concurrence. Celles-ci ont, en quelque sorte riposté.

"C’est là qu’on a commencé à voir des mesures de plus en plus restrictives contre ces grands groupes", explique Michel Ernst, de CBC.

Que ce soit dans l’éducation, le divertissement, les jeux vidéo ou encore dans l’immobilier, Pékin s’est attaqué aux situations de monopole de nombreux grands groupes chinois.

Au printemps, Alibaba s’est retrouvée dans le collimateur des autorités chinoises de la concurrence pour abus de position dominante, avec une amende de près de trois milliards de dollars à la clé.

Dans le secteur de la musique, Tencent, a été contraint par Pékin d’abandonner l’exclusivité de droits musicaux et de limiter l’accès des plus jeunes aux jeux vidéo.

 

Il y a aussi eu Didi, l’équivalent chinois de Uber. L’application a été suspendue par Pékin pour une question de gestion des données des clients.

Ce sont ainsi quelques dizaines d’entreprises chinoises qui ont été condamnées par le gendarme chinois de la concurrence ou qui ont des soucis avec les autorités chinoises.

"La Chine reproche essentiellement un manque de contrôle. Les grands groupes technologiques chinois sont de plus en plus indépendants et contrôlent notamment de plus en plus les données des utilisateurs. Cela gène beaucoup le gouvernement chinois. Le fait que des groupes privés, comme Ant group et Alibaba contrôlent des données qu’eux-mêmes ne maîtrisent pas, cela les ennuie de plus en plus", souligne Michel Ernst.

Que la Chine cherche à reprendre le contrôle des données collectées par les grands groupes technologiques est une hypothèse.

D’autres hypothèses sont émises pour expliquer que les autorités chinoises veuillent renforcer leur contrôle sur cette partie de l’économie. "Il ne faut pas voir l’économie chinoise avec les yeux des Occidentaux, mais avec leurs propres yeux. C’est une économie qui répond à des règles de gouvernance plutôt que des règles de libre marché", explique Carlo-Luigi Grabau, responsable des investissements et Administrateur délégué chez Leleux Fund Management & Partners. "Il y a un Parti, une gestion de l’économie, tous les cinq ans. Aujourd’hui, Xi Jinping a donné au Parti un nouveau modèle qui essaye de remettre en valeur le social welfare", poursuit Carlo-Luigi Grabau. Bref, il y aurait derrière cette reprise en main des entreprises par l’Etat une volonté d’aller vers plus d’équilibre dans la redistribution des richesses, "de faire circuler de la richesse à leur façon, à la façon chinoise", analyse Carlo-Luigi Grabau. "Je dirais plutôt que le Parti veut reprendre ou renforcer son contrôle sur une économie qui est maintenant dirigée par le secteur technologique et d’autres secteurs", ajoute M. Grabau. S’en prendre à la position dominante des géants chinois de la nouvelle technologie pourrait permettre de donner de l’air à d’autres entreprises plus petites. "Les autres n’arrivent pas à se développer parce que trop de barrières ont été mises par les grandes sociétés", explique Carlo-Luigi Grabau, de chez Leleux Fund Management & Partners.

Les marchés financiers chinois en payent le prix. Pour le moment ?

L’arrêt de l’introduction en Bourse d’Ant Group, en novembre 2020, était spectaculaire mais n’a pas pour autant donné un coup de frein immédiat aux ardeurs des investisseurs. A la fin 2020, "quasiment toutes les grandes banques, tous les grands brokers, les spécialistes disaient, que les marchés à viser étaient les marchés émergents et la Chine en particulier. Et puis, la machine s’est grippée", explique Michel Ernst.

Depuis le début de l’année 2021, rien ne va plus du côté du cours de Bourse de toute une série de grands groupes chinois. Là où, globalement, les actions européennes ou américaines se portent plutôt bien, c’est tout le contraire qui se produit en Chine. "Depuis quelques mois, vu la mainmise des autorités sur des pans entiers de l’économie, notamment technologique, on a vu les grosses boîtes chinoises qui avaient pourtant bien commencé l’année baisser de plus en plus", souligne Michel Ernst. "Le cours d’Alibaba à Hong Kong a encore chuté et a perdu près d’un tiers de sa valeur depuis le début de l’année, ce qui est énorme", poursuit-il.

Il reste à voir comment toute cette économie générée par les grands groupes chinois va se réorganiser une fois que les autorités chinoises auront repris la main. La question intéresse aussi les investisseurs qui souhaitent miser sur les entreprises chinoises cotées en Bourse. "Au début, il peut y avoir des corrections dues au fait que les grandes valorisations sont menacées ou dues au fait que des opportunités se referment", estime Carlo-Luigi Grabau de chez Leleux Fond Management & Partners. "Mais le secteur va continuer à se développer. Il faut regarder au-delà de ce moment spécifique", poursuit M. Grabau.

La plupart des entreprises concernées par les décisions des autorités chinoises de la concurrence sont des entreprises qui marchent bien. Elles devront désormais, probablement, un peu plus marcher au pas.

 

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