Fin 2020, Pékin avait ainsi mis un coup d’arrêt à la gigantesque introduction en Bourse d’Ant Group à Hong Kong. L’opération était estimée à plus d’une trentaine de milliards de dollars… "Il y a un an, on a commencé à voir les coups pleuvoir de la part du gouvernement chinois sur les grands groupes technologiques. L’an passé, fin octobre, Ant Group, qui contrôle Alipay aurait dû être introduit en bourse, l’une des plus grosses introductions en Bourse de l’histoire financière. Au tout dernier moment, début novembre, le gouvernement chinois a interdit cette introduction", explique Michel Ernst, spécialiste en stratégie "actions" à la banque CBC.
Juste avant cela, le fondateur d’Alibaba, Jack Ma, ne s’était pas gêné pour critiquer les autorités chinoises de la concurrence. Celles-ci ont, en quelque sorte riposté.
"C’est là qu’on a commencé à voir des mesures de plus en plus restrictives contre ces grands groupes", explique Michel Ernst, de CBC.
Que ce soit dans l’éducation, le divertissement, les jeux vidéo ou encore dans l’immobilier, Pékin s’est attaqué aux situations de monopole de nombreux grands groupes chinois.
Au printemps, Alibaba s’est retrouvée dans le collimateur des autorités chinoises de la concurrence pour abus de position dominante, avec une amende de près de trois milliards de dollars à la clé.
Dans le secteur de la musique, Tencent, a été contraint par Pékin d’abandonner l’exclusivité de droits musicaux et de limiter l’accès des plus jeunes aux jeux vidéo.
Il y a aussi eu Didi, l’équivalent chinois de Uber. L’application a été suspendue par Pékin pour une question de gestion des données des clients.
Ce sont ainsi quelques dizaines d’entreprises chinoises qui ont été condamnées par le gendarme chinois de la concurrence ou qui ont des soucis avec les autorités chinoises.
"La Chine reproche essentiellement un manque de contrôle. Les grands groupes technologiques chinois sont de plus en plus indépendants et contrôlent notamment de plus en plus les données des utilisateurs. Cela gène beaucoup le gouvernement chinois. Le fait que des groupes privés, comme Ant group et Alibaba contrôlent des données qu’eux-mêmes ne maîtrisent pas, cela les ennuie de plus en plus", souligne Michel Ernst.
Que la Chine cherche à reprendre le contrôle des données collectées par les grands groupes technologiques est une hypothèse.
D’autres hypothèses sont émises pour expliquer que les autorités chinoises veuillent renforcer leur contrôle sur cette partie de l’économie. "Il ne faut pas voir l’économie chinoise avec les yeux des Occidentaux, mais avec leurs propres yeux. C’est une économie qui répond à des règles de gouvernance plutôt que des règles de libre marché", explique Carlo-Luigi Grabau, responsable des investissements et Administrateur délégué chez Leleux Fund Management & Partners. "Il y a un Parti, une gestion de l’économie, tous les cinq ans. Aujourd’hui, Xi Jinping a donné au Parti un nouveau modèle qui essaye de remettre en valeur le social welfare", poursuit Carlo-Luigi Grabau. Bref, il y aurait derrière cette reprise en main des entreprises par l’Etat une volonté d’aller vers plus d’équilibre dans la redistribution des richesses, "de faire circuler de la richesse à leur façon, à la façon chinoise", analyse Carlo-Luigi Grabau. "Je dirais plutôt que le Parti veut reprendre ou renforcer son contrôle sur une économie qui est maintenant dirigée par le secteur technologique et d’autres secteurs", ajoute M. Grabau. S’en prendre à la position dominante des géants chinois de la nouvelle technologie pourrait permettre de donner de l’air à d’autres entreprises plus petites. "Les autres n’arrivent pas à se développer parce que trop de barrières ont été mises par les grandes sociétés", explique Carlo-Luigi Grabau, de chez Leleux Fund Management & Partners.