Belgique

Pénurie de carburant en France, ou comment une centaine de travailleurs parvient à bloquer une partie du pays

Des syndicalistes et des grévistes sont rassemblés devant le site de la raffinerie TotalEnergies, à Donges, dans l'ouest de la France.

© AFP or licensors

Le gouvernement français va réquisitionner deux dépôts de carburant pour alimenter les stations-service alors que la grève se poursuit lundi dans cinq sites de TotalEnergies, au début d'une semaine à haut risque marquée par un mouvement interprofessionnel mardi et les premiers départs en vacances vendredi.

Le dépôt de Mardyck (Flandres), déjà réquisitionné en fin de semaine dernière, l'a de nouveau été à 6 heures, ce matin. Dès 14 heures, ce sera aussi le cas du dépôt de Feyzin (Rhône), a annoncé la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, lors d'une visite matinale sur le port de Gennevilliers en Ile-de-France, où des camions citernes étaient ravitaillés.

"Nous le faisons pour les Français, nous ne le faisons pas contre les grévistes, elles (les réquisitions) sont absolument nécessaires pour que les gens puissent continuer d'aller au travail et subvenir à leurs besoins basiques", a affirmé Mme Pannier-Runacher.

Des réquisitions ordonnées

Face à ce blocage après près de trois semaines de grève, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a lui haussé le ton, affirmant qu'il fallait "libérer les dépôts de carburants et les raffineries", sur BFMTV.

Les réquisitions, qui concernent 7 personnes pour Feyzin et 6 pour Dunkerque, permettront de mieux alimenter les stations-service des Hauts-de-France, d'Auvergne-Rhône-Alpes et de Bourgogne-Franche-Comté, très touchées par les pénuries de carburants. Celles-ci touchaient dimanche soir 30,1% des stations, mais ce taux montait à 41,6% en Ile-De-France et à 42,8% dans le Centre-Val-de-Loire, selon des chiffres du gouvernement.

Dans les raffineries, certains postes sont stratégiques pour assurer la continuité de l’activité.
Dans les raffineries, certains postes sont stratégiques pour assurer la continuité de l’activité. © AFP or licensors

Qui sont les grévistes?

Seules 13 personnes réquisitionnées permettent de reprendre l’activité sur certains sites. Il s’agit, entre autres, d’opérateurs. L'opérateur de raffinerie a pour mission principale de surveiller et vérifier l'état des installations qui permettent de transformer le pétrole brut en fioul, kérosène, essence, lubrifiant...C’est ce qu’on appelle le raffinage. Avant d’être repris par différentes organisations syndicales, le mouvement ne concernait qu’une grosse centaine de personnes, au sein des raffineries.

Le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, a estimé, ce dimanche, que les "150 personnes des raffineries" en grève de TotalEnergies, "prennent les Français en otage". "Il faut passer aux réquisitions", a-t-il déclaré au micro de Radio J.

Dans les raffineries, certains postes sont stratégiques pour assurer la continuité de l’activité. Ceux liés à la sécurité. Car les sites Seveso sont sensibles et les risques présents. Techniquement, il faut donc peu de grévistes pour mettre à l’arrêt la production.

Et ça, les grévistes l’ont bien compris. Geoffroy Roux de Bézieux dénonce, d’ailleur, "une situation inacceptable pour les Français, dangereuse pour l'économie" en raison d'un "monopole de marché : c'est un peu comme les aiguilleurs du ciel, on ne peut pas avoir de l'essence sans passer par les raffineries de TotalEnergies ou celles d'ExxonMobil, ils ont un pouvoir de blocage dont ils abusent".

Combien sont-ils payés?

Volontaire, ou pas, le Groupe Total a publié un communiqué rappelant que ceux-ci gagnent en moyenne 4.300 euros par mois hors intéressement et participation, 5.000 euros avec. Et des salaires qui ont augmenté de 3,5% en janvier. Faux réclame la CGT qui évoque un salaire nettement plus bas : "2 500 euros brut en début de carrière et autour de 3 000 euros pour un salarié avec vingt ans d'ancienneté."

Interrogée par Le Mondel'Union française des industries pétrolières-Energies et mobilités (Ufipem) annonce quant à elle un salaire mensuel pour un opérateur débutant de 2 200 euros brut par mois, avec une prime de quart (une compensation versée pour le travail en horaires décalés) de 540 euros, soit une rémunération totale mensuelle de 2 740 euros brut. Avec vingt ans d'ancienneté, un salarié expérimenté touche par mois un salaire de 3 600 euros brut ainsi que près de 1 200 euros brut de primes d'ancienneté et de quart. Soit 4 800 euros brut mensuels.

Ici, un réservoir de stockage de carburant sur le site de la raffinerie TotalEnergies, à Mardyck, dans le Nord de la France.
Ici, un réservoir de stockage de carburant sur le site de la raffinerie TotalEnergies, à Mardyck, dans le Nord de la France. © AFP or licensors

Blocage des raffineries : la pression s’accentue

La grève a pourtant été levée jeudi et vendredi dans les deux seules raffineries du groupe Esso-ExxonMobil en France, après la conclusion d'un accord salarial entre la direction et deux syndicats majoritaires, mais pas avec la CGT.

Mais pas chez TotalEnergies. Aujourd’hui, les grèves ont été reconduites sur trois raffineries (sur sept) et cinq gros dépôts (sur environ 200), a indiqué à l'AFP Eric Sellini, coordinateur pour le groupe de la CGT. Ce syndicat a refusé de signer l'accord conclu dans la nuit de jeudi à vendredi entre la direction de TotalEnergies et deux syndicats majoritaires, la CFDT et la CFE-CGC.

Cet accord prévoit une "enveloppe" globale de hausse des salaires de 7%, dont 5% d'augmentation pour les ouvriers et techniciens et 3,5 % pour les cadres, plus une part individuelle qui pourra différer selon les personnes. S'y ajoute une prime d'un mois de salaire, avec un plancher de 3.000 euros et un plafond de 6.000 euros.

La CGT réclame elle 10%, correspondant à "l'inflation plus le partage" des bénéfices engrangés par l'entreprise pétrolière, à savoir 5,8 milliards d'euros pour le seul deuxième trimestre.

"La direction (...) ne semble pas prête à revenir à la table des négociations", a indiqué à l'AFP M. Sellini, dont le syndicat compte poursuivre le mouvement.

Ristourne prolongée

Les pipelines de la raffinerie de Port-Jérôme-sur-Seine (Normandie), qui alimentent entre autres le dépôt pétrolier de Gennevilliers, "ont redémarré", a souligné Mme Pannier-Runacher lors de son déplacement, "mais il faut maintenant pousser le carburant jusque dans les stations".

Alors que la grève a fait fortement monter les prix à la pompe, la Première ministre Elisabeth Borne a annoncé la prolongation de la ristourne de 30 centimes par litre jusqu'à mi-novembre, assurant que TotalEnergies allait "également" prolonger sa remise de 20 centimes. L'aide financée par l'Etat devait baisser à 10 centimes à partir du 1er novembre.

En France, une station-service sur trois est touchée par les pénuries de carburants.
En France, une station-service sur trois est touchée par les pénuries de carburants. © AFP or licensors

Un pays au ralenti ?

Professionnels de la santé, agriculteurs ou simples citoyens, tout le monde ou presque est concerné.

Difficultés à se rendre au travail, inquiétude en zones rurales en pleine période de récoltes et semis, crainte de perturbations dans les départs en vacances et d’annulations : les conséquences sur de nombreux secteurs d'activités se font sentir.

Sur le même sujet : Extrait JT (14/10/2022)

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