Cyclisme

Pénurie de matériel dans les équipes cyclistes : "2023 sera peut-être encore pire que 2022…"

Jakob Fuglsang observe avec attention son vélo : les équipes professionnelles sont aussi touchées par la pénurie de matériel

© AFP or licensors

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Par Lise Burion

Vous avez dû attendre longtemps avant de recevoir un vélo pourtant commandé pour les fêtes 2020 ? Vous ne trouvez pas de dérailleur pour remplacer celui cassé dans votre sortie VTT ? Vous n’êtes pas seul… Le peloton professionnel est aussi touché de plein fouet par la pénurie de matériel vélo. Au point que certaines équipes ont même craint de ne pas recevoir leurs nouveaux cadres à temps pour bien préparer 2022 dès les premiers stages de pré-saison…

"Il n’y a pas de privilège pour les équipes professionnelles", précise Frédéric Amorison, directeur sportif de la formation Intermarché-Wanty-Gobert et responsable dans le magasin lié à l’équipe. "Il manque énormément de pièces et tout le monde subit cette conjoncture actuelle. Amateurs comme professionnels, on ne sait pas ce que les différentes marques de matériel pourront fournir pour 2022."

Les usines de pièces détachées, souvent situées en Asie, ont été touchées de plein fouet par la pandémie. Quand une production tournant sept jours sur sept en temps normal se retrouve à l’arrêt, les retards sont inévitables. Sans parler des transports, eux aussi immobilisés plusieurs fois. Une fois les stocks épuisés, c’est le règne de la débrouille. "Les plus grosses équipes arrivent à s’en sortir, ou s’en sortent à moitié, mais pour les plus petites structures c’est vraiment difficile", précise encore Frédéric Amorison.

Les ventes de fin de saison, qui font traditionnellement le bonheur des amateurs mais aussi des formations de moindre envergure, ont été impactées. Certaines équipes y ont tout simplement renoncé, d’autres n’ont vendu que quelques vélos.

Rationalisation des pièces détachées

Ce qui manque le plus, ce sont toutes les pièces qui équipent et "font tourner" le vélo, comme les dérailleurs, les chaînes, les pédaliers. "Les deux grandes marques qui équipent vraiment le peloton professionnel (Shimano et SRAM) connaissent les mêmes difficultés. Elles ont du mal à fournir les équipes. Pour les roues aussi, c’est très difficile."

Dans la pratique, il faut donc la jouer plutôt fourmi que cigale : anticiper, faire des économies et jouer sur la récupération. Les pièces sont démontées et choyées au maximum pour les faire durer plus longtemps, malgré l’usure. Frédéric Amorison prend les chaînes en exemple : "Normalement, chez les pros, une chaîne peut tourner autour des 2000 km avant remplacement. Mais maintenant on va pousser jusqu’aux 2500 km, voire même un peu plus… Sur les boyaux, on va aller un peu plus 'jusqu’à la corde' pour les conserver plus longtemps."

L’utilisation même des vélos est aussi mûrement réfléchie : "Certains coureurs avaient jusque cinq vélos, mais là au cours de l’année on a essayé d’en garder deux un peu plus 'tranquilles au fond du camion' et de faire rouler le coureur seulement sur trois vélos pour essayer de réduire les risques, histoire de ne pas abîmer du matériel impeccable (sur chute ou autre)."

Anticiper pour faire face à la pénurie

Difficile dans ces conditions de préparer la future saison en toute sérénité. Certaines formations, comme Intermarché Wanty Gobert s’en sortent encore assez bien, mais ça ne semble pas être le cas de toutes les équipes : "Il y a pas mal de contacts entre équipes, avoue Frédéric Amorison, et certaines ont un peu trop attendu pour commander des pièces bien à temps et se retrouvent à quémander un petit dépannage à gauche à droite… En tout cas tout le monde est très inquiet et espère que la situation va tout de même s’améliorer.

Le maître-mot, c’est donc anticipation. D’autant plus que rien n’indique une reprise rapide ! Pour Frédéric Amorison, tout cela n’est qu’un début… : "Quand on discute avec les différents fournisseurs, on se rend compte que si 2022 va être compliquée, 2023 le sera peut-être encore plus ! Il faudra bien calculer son coup pour les deux ou trois prochaines années. On espérait déjà éviter les chutes pour le côté physique bien sûr, mais maintenant il faudra espérer avoir le moins de casse possible aussi pour le côté matériel…"

L'interview de Frédéric Amorison sur cette pénurie de matériel

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