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Pénurie de médicaments en Europe : l’Union européenne a oublié ses engagements

L'oeil sur l'Europe

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Bonne année, bonne santé ! C’est la formule consacrée de ce début d’année et elle n’aura sans doute jamais été autant d’actualité qu’en ce début 2023. Car l’Europe est en panne de médicaments. Vous vous en êtes peut-être déjà rendu compte au comptoir d’une pharmacie, même si la Belgique est encore relativement épargnée. Sur le site de l’agence fédérale des médicaments et des produits de santé ce vendredi matin seuls 363 médicaments apparaissent comme indisponibles mais en Autriche ce sont plus de 500 produits qui sont en rupture de stock, en Italie plus de 3000… Aucun Etat membre n’est épargné.

Les origines de la pénurie

Il y a plusieurs causes derrière cette pénurie. La principale, c’est la globalisation. L’industrie pharmaceutique a délocalisé en Asie la production des principes actifs, la matière première des médicaments, parce que là-bas les coûts de production y sont beaucoup moins chers. L’industrie pharmaceutique européenne pouvait ainsi se concentrer sur la production en Europe de produits innovants bien mieux rémunérés.

Sauf qu’en faisant ça, ils ont mis tous leurs œufs dans le même panier. L’Europe s’est retrouvé à la merci d’une défaillance de quelques fournisseurs indien ou chinois. Ou d’un gros grain de sable qui fait dérailler tout le système… comme la pandémie de Covid. Vous vous en souvenez, les usines se sont mises à l’arrêt. L’Europe s’est mise à manquer d’antibiotiques, d’antiépileptiques et même d’anesthésiques.

La situation s’est ensuite un peu détendue… jusqu’à ces derniers mois où toute l’Europe s’est remise à tousser avec une nouvelle vague de Covid, une épidémie de grippe et une épidémie de bronchiolite qui ont dopé la demande de médicaments.

Par ailleurs, la pénurie de matière première touche également des produits comme l’aluminium ou le carton, des matières essentielles à l’emballage des médicaments. Moins d’aluminium et moins de carton, ça veut aussi dire moins de médicaments dans les rayons. Quand ça veut pas, ça veut pas…

Les promesses de l’Union européenne

Pourtant l’Europe s’était engagé à rapatrier une partie de la production de médicaments dans l’Union. En jargon européen, on parlait plutôt d’autonomie stratégique ouverte dans le domaine des médicaments. Mais en langage courant ça voulait bien dire rapatrier la production et les investissements en Europe. Un mouvement plutôt contre nature dans une Union construite autour de la liberté d’entreprendre et la libre concurrence. Mais il fallait casser cette dépendance vis-à-vis de la Chine notamment. Sauf que dans les faits, il n’y a pas eu beaucoup d’usines qui se sont construites pour produire de l’aspirine ou des antibiotiques en Europe. Elles se comptent à peine sur les doigts d’une main. Et ce n’est pas l’augmentation astronomique des coûts de l’énergie en Europe qui va inciter les investisseurs à relocaliser ici des usines où ils produisent à très bas prix en Chine ou en Inde.

Mais l’idée n’est pas complètement morte. La Commission planche en ce moment sur des aides aux entreprises qui veulent renforcer leur production dans l’Union… Sauf que de tels investissements ne sortent pas de terre du jour au lendemain. Si ça se fait, ça va prendre du temps.

Les autres options sur la table

Mais il y avait d’autres pistes sur la table, comme celle de constituer des réserves stratégiques communes de médicaments. Sauf que là non plus, ça n’a pas beaucoup avancé. Pire, aujourd’hui face à la pénurie, les Etats membres font la danse du ventre chacun de leur côté pour séduire les fournisseurs. C’est un peu comme si les Européens avaient oublié les leçons de la pandémie, lorsqu’ils avaient décidé d’agir ensemble pour se fournir en vaccin contre le Covid.

Mais la santé reste de la compétence des Etats membres. Et aujourd’hui les 27 préfèrent négocier dans leur coin plutôt que de le faire ensemble. Le problème c’est qu’à ce petit jeu, ce sont toujours les plus riches, les plus influents, les plus gros qui tirent leur épingle du jeu. Les dirigeants européens l’avaient bien compris au moment du Covid. Ils avaient bien compris que sans cette solidarité, c’est l’existence même de l’Union européenne qui était en jeu. Mais l’urgence aujourd’hui n’est plus la même.

Cet aveuglement donne un peu le tournis… On prendrait bien une aspirine pour reprendre nos esprits mais les boîtes sont vides… Bonne année quand même !
 

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