Santé & Bien-être

Perte d’odorat : des scientifiques belges développent un traitement contre l’anosmie

Santé : un traitement innovant pour retrouver son nez

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

Pendant la pandémie de coronavirus, des scientifiques ont lancé des appels aux personnes souffrant d’une forme non sévère de Covid-19, dans le cadre de nouvelles recherches européennes.

C’est notamment le cas à Mons, où le professeur Jérôme Lechien administre aujourd’hui un traitement aux patients atteints d’anosmie… Et qui est déjà prometteur au niveau des résultats.

L’anosmie : qu’est-ce que c’est ?

L’anosmie se traduit par une perte de l’odorat, de manière temporaire ou permanente, d’une ou des deux narines. Si ce trouble est difficile à évaluer, on estime que moins de 5% de la population en souffre. L’anosmie peut être associée à une perturbation du sens du goût, voire à une perte totale, appelée alors agueusie.

L’impact du trouble de l’odorat sur les personnes touchées est assez conséquent : "Certaines odeurs ont quasiment disparu alors que d’autres sont fortement altérées", explique Yves Baste, un patient anosmique depuis cinq ans : "On perd toute saveur. Manger n’est plus vraiment agréable".

En plus de cet impact non négligeable sur la vie quotidienne des patients, cette situation peut même s’avérer dangereuse dans certains cas, comme pour la non-détection d’odeurs de gaz ou de brûlé par exemple.

L’impact du coronavirus

La perte de l’odorat est l’un des symptômes les plus visibles du coronavirus : "Le virus va se fixer sur les récepteurs, présents en abondance au niveau de l’organe olfactif", explique Jérôme Lechien, professeur à l’UMONS et Chirurgien ORL à l’hôpital Epicura de Mons. "Le système immunitaire va essayer d’empêcher le virus d’entrer dans l’organisme et va alors détruire les cellules de l’organe olfactif […] Une fois que ces cellules sont détruites, les patients ne peuvent plus capter les odeurs".

© RTBF

28% des patients atteints du coronavirus gardent un déficit de l’odorat sur le long terme

Au début de la pandémie, entre 50% et 86% des patients ont été affectés par une perte de l’odorat. "Je ne me suis pas rendu compte tout de suite que j’avais perdu l’odorat", détaille Sylvie Biver, une autre patiente anosmique. "C’est au fur et à mesure des semaines et des mois que je me suis dit que quelque chose n’allait pas. J’ai un bébé et je suis obligée d’aller vérifier quand je dois le changer, car je ne sens plus rien".

© Lechien & Radulesco, 2020

Dans la moitié des cas, ces patients ont récupéré leur sens olfactif au bout d’une à deux semaines. Mais cela n’est pas forcément garanti, le virus n’agissant pas de la même façon avec tout le monde : "Deux ans après, 28% de ces patients gardent un déficit de l’odorat sur le long terme, c’est-à-dire un déficit chronique", détaille le Professeur Lechien. C’est donc à eux que s’adresse le traitement.

Pour tenter de guérir ces patients, le chirurgien est le seul à développer en Belgique la technique dite du PRP (Platelet-Rich Plasma). Une technique qui provient à l’origine des Etats-Unis, et qui a été développée pour la première fois à l’Université de Stanford. Les conclusions de cette étude sont d’ailleurs plutôt encourageantes : "La technique du PRP pourrait être une solution prometteuse, en complément des thérapies existantes comme l’entraînement olfactif et l’irrigation nasale".

Un traitement innovant

Concrètement, le principe de base est assez simple et ne nécessite aucun médicament : "On prélève dans les veines du patient son sang", explique le chirurgien. "Après l’avoir centrifugé, on conserve alors les plaquettes".

Les plaquettes sont essentielles dans ce traitement car ce sont des structures riches en facteur de régénération : "C’est comme lorsque l’on se coupe, le corps doit alors vite réparer le vaisseau pour que l’être humain ne perde pas trop de sang".

© Pr Jerome R. Lechien

Le plasma va ensuite être injecté dans une seringue, qui via une opération très précise, va être subtilement insérée dans la partie haute du nez du patient, où se trouvent les récepteurs qui ont du mal à se régénérer : "En injectant le concentré de plaquettes, on favorise la régénération et les gens récupèrent ainsi plus vite l’odorat", explique-t-il.

Une première en Belgique

Dans l’étude américaine, les scientifiques ont administré un placebo à 26 personnes, alors que 26 autres ont reçu le PRP. Résultat, une amélioration significative du sens de l’odorat a été constatée chez les personnes qui ont reçu le traitement, en comparaison avec les autres patients, qui eux n’ont pas progressé. "Les Américains ont démontré que la chance de récupérer l’odorat est douze fois supérieure dans les groupes qui ont reçu le PRP", explique Jérôme Lechien.

Une technique mise alors en pratique à l’échelle belge, sous l’égide du professeur Lechien. Et les premiers résultats sont également encourageants : "Notre étude européenne montre que les gens chez qui on injecte le PRP récupèrent plus vite que les gens chez qui on ne fait rien". Seul bémol, le PRP n’est efficace que dans 80% des cas.

La chance de récupérer l’odorat est 12 fois supérieure dans les groupes qui ont reçu le PRP

Au total, entre 350 et 400 patients ont ainsi été traités au PRP à Mons. 81% d’entre eux ont constaté une amélioration de leur odorat, sur une période de temps comprise entre trois semaines et six mois : "La plupart des gens ressentent un effet positif au bout de trois semaines, qui se manifeste généralement par la capacité de sentir, pendant une fraction de seconde, des odeurs qu’ils ne sentaient plus", explique le Professeur Lechien. "C’est là le signe que c’est en cours de récupération".

Pour les patients, c’est clair, le jeu en vaut la chandelle : "Cela vaut la peine d’essayer en tout cas !", se réjouit Yves Baste, venu spécialement de Liège pour tester ce traitement. "Les résultats sont bons, on a donc envie d’y croire", conclut elle Sylvie Biver.

Inscrivez-vous à la newsletter Tendance

Mode, beauté, recettes, trucs et astuces au menu de la newsletter hebdomadaire du site Tendance de la RTBF.

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous