Jupiler Pro League

Peter Croonen avant Antwerp-Genk : "Il faut briser l’hégémonie du Club Bruges pour éviter en Belgique un scénario à la Bayern"

© BELGA

Par Erik Libois

Super Sunday. Dimanche midi, le championnat vit son choc au sommet. Mais… aucun des trois grands traditionnels du foot belge (Anderlecht, Club Bruges, Standard) n’est concerné : la 14e journée offre un Antwerp-Genk (dimanche, 13h30) qui oppose les deux superpuissances actuelles de la Pro-League. L’Antwerp a gagné ses 10 premiers matches ; Genk a pris la tête voici une semaine en n’ayant perdu qu’un seule rencontre cette saison… et de manière imméritée lors de la Journée 1 au Club Bruges.

L’occasion de faire le point avec le Président limbourgeois Peter Croonen, le patron d’un Racing Genk… qui n’a même pas gratté de ticket européen la saison passée (6e place).

Première place, record de points (en regard des deux derniers titres de Genk, en 2011 et 2019), meilleure attaque, meilleure défense et un jeu pétillant : la réussite de votre club vous étonne-t-elle ?

Peter Croonen : " Disons que le niveau de jeu ne m’étonne pas vu la qualité de nos joueurs ; le niveau de points, en revanche, c’est du très haut niveau. Le staff a changé, des joueurs importants sont partis et je tire mon chapeau à l’ensemble du groupe. Wouter Vrancken et son staff ont fait un excellent travail, l’ambiance au sein du noyau est excellente et il y règne un vrai esprit collectif. Le plan de jeu est très clair et totalement adapté au profil du noyau. "

Genk joue-t-il actuellement en surrégime et doit-il craindre une baisse de forme plus tard dans la saison ?

Je pense que le niveau de jeu, on peut le maintenir. Pour ce qui est des résultats, c’est moins contrôlable : on a remporté 6 de nos 11 victoires par un but d’écart, ces matches auraient pu tourner différemment, donc on doit être réaliste. On est toujours tributaire des circonstances… Mais les points qu’on a pris, on ne peut plus les perdre ! On ne veut pas se projeter : match par match, comme on dit… " (sourire)

"Avec Wouter Vrancken, la mayonnaise a tout de suite pris"
"Avec Wouter Vrancken, la mayonnaise a tout de suite pris" © BELGA

" Le titre ? Beaucoup trop tôt pour en parler ! "

La question du titre est-elle déjà évoquée ?

C’est évidemment beaucoup trop tôt pour parler de titre, nous ne sommes qu’au tiers du championnat. Le premier objectif est une qualification pour les Champions Play-Offs… et actuellement, le trou est de 6 points entre le Top 4 et le 5e classé. N’oublions pas que le championnat est un marathon… L’objectif de Genk reste de gratter un ticket européen et d’aller le plus loin possible en Coupe. Le reste, c’est du bonus. "

Ce sommet Antwerp-Genk peut-il être déterminant pour la suite… notamment pour l’impact psychologique sur l’éventuel battu et sur la concurrence ?

C’est un match très intéressant car les deux équipes ont jusqu’ici rentré un bilan quasi parfait… Après, c’est un match qui vaut trois points comme tous les autres… sauf qu’ici, ils se départageront entre deux rivaux directs : si on les prend, eux ne les auront pas… Mais chez nous il n’y a aucune pression : on fera de notre mieux. C’est aussi un duel entre deux équipes aux styles radicalement différents et aux gestions bien distinctes : les modèles de gestion et les structures de capital n’ont rien à voir. Mais c’est aussi cela, la beauté du foot : il y a plusieurs chemins pour réussir… Notre modèle à Genk, c’est la formation et le développement des talents. Actuellement, on arrive à conserver ce vivier et ça nous permet de pratiquer un foot de haut niveau. L’Union, Bruges, Anvers, Gand : toutes ces équipes atteignent par moments un niveau spectaculaire (sic) et le fait que Genk soit du lot nous rend très fiers ! "

A ce propos, le foot belge produit actuellement une densité vers le haut : vous avez le sentiment qu’on vit actuellement un momentum ?

Absolument. Le plus important à long terme pour le foot belge, c'est que les clubs fassent de bons résultats en Europe. Les enjeux européens vont peser de plus en plus lourd, et encore plus après 2024, avec la réforme des compétions. Donc c’est crucial que notre championnat continue à monter de niveau. Bravo à Bruges pour ses trois titres de suite et ses résultats européens actuels… mais il faut absolument que la compétition interne reste intense. Il ne faut pas en Belgique de scénario à la Bayern en Allemagne : ici à Genk, on va tenter de briser ce cycle brugeois… et c’est aussi l’ambition des tous les autres, Gand, Anderlecht ou Antwerp. "

Peter Croonen : " Le titre ? Beaucoup trop tôt pour en parler ! "
Peter Croonen : " Le titre ? Beaucoup trop tôt pour en parler ! " © BELGA

" Le championnat belge est d’un très haut niveau "

Avec tout l’argent amassé par le Bruges en Champions League, craignez-vous justement qu’en Belgique, le Club fasse le trou en Belgique et devienne le Bayern belge ?

C'est toujours un risque, en effet. Les capitaux européens sont tellement démesurés par rapport aux budgets belges qu’on peut le craindre. Mais c’est le mérite, et je leur tire mon chapeau. Mais ça situe aussi la qualité du championnat belge... puisque malgré son sans-faute européen, Bruges n’est que 3e actuel de Pro-League (clin d’œil). C’est aussi, je pense, ce qui différencie la compétition belge des autres compétitions : on a plusieurs équipes en haut de tableau, et pas une seule qui domine toutes les autres. Les ambitions de titre sont réparties sur plusieurs clubs. Et ça, ce n'est pas vrai dans toutes les compétitions. "

Financièrement, Genk affiche depuis des années une trésorerie florissante : la période Covid est-elle digérée ?

Pas encore tout à fait : le Covid nous a coûté 20 millions d’euros au bas mot, ce qui est énorme pour nous (NDLA : Genk tourne sur les rentrées de son propre management, sans apport d’un richissime propriétaire). Ce qui nous a amené à vendre plusieurs joueurs-cadres cet été (NDLA : Ito, Bongonda, Lucumu, Thorstvedt, Dessers). Heureusement, grâce au modèle sportif monté par notre Directeur Football Dimitri De Condé, la relève était prête. On vend des joueurs pas seulement pour l’aspect financier, mais aussi car le remplaçant a atteint le même niveau et est prêt à prendre le relais. On ne veut pas freiner la progression de ce joueur… et on sait que nos prestations ne s’en ressentiront pas. "

Et justement, dans l’équipe actuelle, quel est le joueur qui vous bluffe le plus ?

Je n’aime pas nommer des individus, mais je crois qu'il y en a un qu’on ne peut pas ignorer tant ses prestations sont extraordinaires… et c’est évidemment Bilal El Khannous. Il n’a que 18 ans, il a tout joué cette saison, en affichant une maturité et une facilité vraiment bluffantes. Ceci sans remettre en cause la prestation des autres (clin d’œil). Bravo à l’entraîneur aussi d’oser le titulariser chaque semaine... mais avec ce que Bilal montre à l’entraînement, il ne pouvait pas faire autrement ! "

Bilal El Khannous
Bilal El Khannous © BELGA

" Sur les purs résultats sportifs, on est la deuxième équipe de Belgique ! "

Blason du Limbourg, en pleine santé financière et sportive, le Racing Genk conserve avant tout, en Flandre, l’image de club régional. Vous avez, comme La Gantoise, du mal à sortir de l’ombre médiatique du géant brugeois. Ce combat pourra-t-il être gagné un jour ?

Quand j’ai repris la présidence du Racing, il y a 6 ans, le club était en moyenne 5e club de Belgique sur ses performances moyennes, au même niveau que… Zulte Waregem ! Aujourd’hui, sur base des 5 dernières années sportives, on est le 2e club de Belgique ! On n’a pas encore la tradition des trois grands clubs historiques que sont Bruges, Anderlecht et le Standard, mais les connaisseurs nous reconnaissent cette qualité de jeu et de gestion. Après, nous n’avons pas encore des résultats aussi stables, d’année en année, que nous le souhaiterions… Mais nous bénéficions d’une énorme reconnaissance à l’étranger… bien plus d’ailleurs qu’en Belgique. Tous les grands clubs, tous les directeurs sportifs, tous les recruteurs en Europe et en dehors connaissent bien notre label de formation car ils savent que les Thibaut Courtois, Kevin De Bruyne, Yannick Carrasco, Timothy Castagne ou encore Koen Casteels sont sortis de chez nous. Avec tout cela, la reconnaissance médiatique viendra bien un jour… "

Vous fermez les yeux et vous nous racontez le match de ce dimanche…

Je ne fais jamais de pronostic… (clin d’œil) J'espère en tout cas que ce sera un match ouvert… même si l’Antwerp n’a pas le même jeu que nous. Mais le Great Old joue à domicile, donc j’espère un beau match. On va rester nous-mêmes, sans être naïfs… et on verra ce que ça donne. Mais quoi qu'il arrive, la saison continuera : ce sera beaucoup trop tôt pour tirer des conclusions du résultat de ce match. "

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