Peut-on encore découvrir des créatures inconnues ?

Peut-on encore découvrir des créatures inconnues ?

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Par Franck Istasse

    En 1955, est publié un livre qui marque un véritable tournant dans la zoologie. Il s’agit de " Sur la piste des bêtes ignorées ", écrit par un zoologiste belge, qui aimait s’aventurer hors des sentiers battus, Bernard Heuvelmans.

    Dans ce livre, Heuvelmans énumère au fil des différents chapitres, toute une liste d’animaux mystérieux, cachés et encore inconnus de la science. Cela va du yéti (erronément surnommé l’abominable homme des neiges) au mammouth éteint depuis longtemps mais qui aurait survécu dans la taïga, en passant par les derniers dragons d’Afrique, des sortes de dinosaures reliques qui hanteraient encore les forêts marécageuses en Afrique centrale…

    "Sur la piste des bêtes ignorées " obtient un succès colossal : plus d’un million d’exemplaires vendus à travers le monde ! (Le plus gros succès d’édition pour un ouvrage de zoologie depuis l’  " Origine des espèces " de Darwin) et sera traduit dans le monde entier. Il faut dire qu’à l’époque, il reste encore de grandes parties du monde totalement inexplorées, tout est donc encore possible : oui, on pourrait découvrir de nouvelles créatures mystérieuses. " Sur la piste des bêtes ignorées " va susciter de nombreuses vocations, c’est grâce à ce livre par exemple, qu’Eric Buffetaut, chercheur au CNRS a décidé de devenir paléontologue.

     

    " Moi-même qui ait lu ce livre quand j’étais un jeune adolescent, ça a terriblement contribué à renforcer mon intérêt pour la zoologie et grâce à cela je suis devenu paléontologue plus tard. Je ne suis pas seul : énormément de chercheurs actuels ont rêvé en lisant " Sur la piste des bêtes ignorées " ! Il faut savoir qu’au départ, Bernard Heuvelmans est quelqu’un de très compétent. La démarche qui l’a motivé, c’est de s’intéresser à tous les indices qui pourraient faire penser à l’existence d’animaux que la science ne reconnaissait pas encore. Ça pouvait être toutes sortes de choses : des récits de voyageurs, des traditions locales et éventuellement dans certains cas des restes d’animaux, qui permettaient de supposer l’existence de quelque chose, on ne savait pas forcément bien quoi. Heuvelmans a recueilli une énorme documentation, très impressionnante, et ça se ressent dans ses livres sur les animaux mystérieux. "

     

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    Avec la publication de " Sur la piste des bêtes ignorées ", Bernard Heuvelmans va devenir le père de la cryptozoologie, que l’on pourrait la définir comme une discipline qui tente d’étudier les animaux encore inconnus. Ce n’est pas une science à proprement parler, comme nous l’explique Benoit Grison, biologiste et sociologue des sciences. Grâce à ce double ancrage dans les sciences naturelles et les sciences de la vie, il s’intéresse depuis longtemps à la cryptozoologie.

     

    " La cryptozoologie se situe entre la zoologie et les mythes, entre la nature et la culture, elle se positionne entre les sciences naturelles et l’anthropologie. Mais attention ! La cryptozoologie n’est pas une science constituée, c’est une intersection disciplinaire entre l’ethnologie, l’anthropologie et puis la zoologie. C’est une interface entre des disciplines classiques, mais ce n’est pas une nouvelle discipline en soi. En revanche, la cryptozoologie pratiquée sérieusement, avec de bonnes bases scientifiques peut être sérieuse. "

     

     

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    Il faut être de bon compte, presque 70 ans après la sortie de " Sur la piste des bêtes ignorées ", les cryptozoologues n’ont encore pu prouver l’existence des cryptides (des animaux inconnus mais dont l’existence n’est pas étayée par des preuves scientifiques) les plus connus. Aujourd’hui, on pense que le yéti serait plutôt une sorte d’ours, il n’y a plus guère de scientifique sérieux pour défendre l’existence du monstre du Loch Ness, on n’a toujours pas récupéré de carcasse d’un grand serpent de mer, quand aux dinosaures qui vivraient cachés dans les forêts africaines, plus grand monde ne soutient l’idée qu’il s’agit de dinosaures qui vivraient encore à l’ère moderne….

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    Pour autant, la cryptozoologie a déjà permis des découvertes très intéressantes, ou alors des découvertes zoologiques ont prouvé par le passé que le cryptozoologie était loin d’être une discipline absurde et ésotérique…

    L’exemple le plus emblématique c’est le coelacanthe. Ce poisson n’était connu qu’à l’état de fossile puisqu’il était censé avoir disparu depuis la fin du crétacé (il y a 65 millions d’années). Or on en a découvert des spécimens vivants en 1938 en Afrique du sud. Voilà la preuve que des animaux ou des espèces éteintes depuis très longtemps peuvent encore exister sous forme de  populations qui ont survécu jusqu’à nos jours. On les appelle taxon Lazare. De quoi donner de l’espoir aux cryptozoologues du monde entier qui pensent que le monstre du Loch Ness pourrait être un plésiosaure (un reptile marin du temps des dinosaures) ou que l’abominable homme des neiges serait une sorte de chaînon manquant.

    Okapi Antelope
    Okapi Antelope © Getty Images

    L’okapi (mammifère ruminant de la famille des giraffidés) a été découvert en 1901dans l’actuelle République du Congo. Pourtant, les pygmées de la région le connaissaient depuis bien plus longtemps. Ils décrivaient aux européens une sorte d’animal fantastique avec une tête et un cou de girafe mais un arrière-train de zèbre. La découverte de cet animal sympathique découle bien d’une démarche cryptozoologique : on se base sur le savoir des populations locales pour entamer des recherches et découvrir une nouvelle espèce.

     

    Okapi, okapia johnstoni, Adult licking its Nose

    Mais encore de nos jours, il possible de faire des découvertes d’animaux étonnants. Dernier exemple en date, le Saola, comme nous l’explique Benoit Grison, ce biologiste passionné de cryptozoologie. 

     

    " Le saola a seulement été découvert en 1992. Il s’agit d’une espèce d’ongulé qui ressemble à la fois à une chèvre et à une antilope. En réalité c’et une sorte de bovidé de grande taille, comme une sorte de chèvre aberrante… Le saola a été découvert dans le nord-ouest du Vietnam par le naturaliste écossais John Mackinnon qui travaillait pour le WWF à l’époque. Par méthode cryptozoologique, Mackinnon a recueilli bon nombre de descriptions qui situaient toujours le saloa dans la même région. Ensuite, il est parvenu à acquérir des pièces anatomiques de saloa : des peaux et surtout des cornes. Il était très étonné car ces cornes semblaient provenir d’un oryx (une antilope du désert), et finalement en poursuivant ses recherches, il est parvenu à mettre la main sur des spécimens vivants. Malheureusement, ces spécimens sont décédés au zoo de Hanoï… On sait tellement peu de choses de cette espèce qu’on ne sait pas trop comment la nourrir. "

     

    Conclusion, on peut encore découvrir sur notre planète de nouvelles espèces spectaculaires, de grande taille et intéressantes biologiquement, grâce aux savoirs locaux dans des régions intactes écologiquement. L’aventure zoologique est donc loin d’être finie comme l’avait prophétisé Bernard Heuvelmans dans les années 50, pour le plus grand bonheur des chercheurs.

     

    " Il faut savoir que chaque année on découvre quelques milliers d’espèces nouvelles, pour la plupart des invertébrés de petite taille et le plus souvent ce sont des insectes. Mais chaque année également, on continue de découvrir des vertébrés de grande taille ! Donc, même d’un point de vue zoologique, l’inventaire de la biodiversité n’est pas clôturé. Et on peut l’enrichir j’en suis certain grâce aux savoirs des populations locales. C’est ce que tente de faire la cryptozoologie sérieuse. "

    La cryptozoologie pourrait donc encore avoir de beaux jours devant elle, et pourquoi pas ? Rêvons ! Peut-être que grâce à cette discipline atypique on trouvera (enfin) la clef d’énigmes comme celles du Bigfoot, du Yéti, des monstres des lacs, du grand serpent de mer, des hommes sauvages etc la liste est longue !

    Hélas, à l’heure actuelle, la biodiversité est détruite plus vite qu’elle n’est décrite… C’est une course contre la montre que nous ne gagnerons pas : des espèces vont disparaître avant qu’elles ne soient enfin connues.

    Les créatures mystérieuses risquent bien de rester pour la plupart… mystérieuses !

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