Energie

Peut-on toujours croire au 100 % renouvelable à l’horizon 2050 ? Comment la Belgique s'y prépare-t-elle ?

L’éolien offshore belge.

© Belgaimage

Plus que jamais, l’énergie est l’une des thématiques qui préoccupe le plus le gouvernement belge.

Jusqu’à l’an dernier encore, les autorités affirmaient vouloir sortir du nucléaire dès 2025 dans la mesure du possible.

Mais après 20 ans d’accords sur l’arrêt puis finalement le prolongement du nucléaire, le gouvernement et Engie ont décidé de prolonger les réacteurs de Doel 4 et Tihange 3 de dix ans. L’objectif ? Garantir à la société un approvisionnement suffisant en électricité entre 2026 et 2036.

Et pour cause, selon le gestionnaire de réseau Elia, les besoins en énergie nucléaire de la Belgique diminuent d’année en année mais restent encore importants. Ainsi en 2022, 47,3% de l’électricité belge était produite par le nucléaire, contre 52,4% en 2021 et 48,8% en 2019. (En 2020, 40,3% de l’électricité produite dans le pays l’a été via le nucléaire. Un plus faible pourcentage que l’on doit à la baisse de la consommation électrique de la société en pleine crise sanitaire et aux températures douces, explique le gestionnaire).

Vient ensuite l’électricité issue du gaz (26,9% du mix électrique en 2022) et des énergies renouvelables (21,9%), les 3,6% restants provenant d’une autre source.

Selon Elia, les performances de la Belgique en matière de renouvelable augmentent de plus en plus jusqu’à atteindre des chiffres records. De cette manière, les productions issues de l’off-shore représentaient 7,5% du mix électrique de 2022, celles des panneaux solaires 7,3%, de l’éolien 5%, et des biogaz 2,1%.

© Elia

Booster l'éolien offshore

Des chiffres qui rejoignent la volonté le Green Deal de la Commission européenne, à savoir une loi climat selon laquelle les Etats doivent réduire leurs émission de gaz à effet de serre de 55% par rapport à 1990 d’ici 2030 et atteindre la neutralité climatique d'ici 2050

Le gouvernement espère ainsi pouvoir tripler la puissance de son parc éolien offshore d’ici 2030 (6 GW, soit 25 à 30% de la consommation totale d'électricité de notre pays) et le quadrupler d’ici 2040 (8GW), de sorte à pouvoir approvisionner chaque famille belge. Pour cela, la zone Princesse Elisabeth sera étendue à 3,1-3,5 GW avec notamment la construction d'éoliennes de plus grande puissance et deviendra la toute première île énergétique hybride en mer du Nord à laquelle seront connectés à la fois des parcs éoliens et des interconnexions, nous explique le cabinet de la ministre fédérale de l'Energie, Tinne Van der Straeten. Le projet devrait coûter 450 millions d’euros, dont 99,7 millions d’euros de subsides européens, et être prêt pour 2026.

Par ailleurs, de nouvelles interconnexions avec les pays de la Mer du Nord seront établies. Cela concerne les interconnexions sous-marines "Triton Links" (avec le Danemark) et Nautilus (avec le Royaume-Uni). Deux accords signés en novembre 2021. 

Notons également qu'un accord conclu en mai 2022 entre la Belgique, l'Allemagne, les Pays-Bas et le Danemark devrait faire de la Mer du Nord la plus grande centrale électrique durable d'Europe d'ici 2030. "L'objectif est de quadrupler la capacité éolienne offshore totale des quatre pays d'ici 2030 et de l'augmenter à au moins 150 GW d'ici 2050. 150 millions de familles pourront ainsi être alimentées en électricité de la Mer du Nord", précise le cabinet Van der Straeten.

Faciliter la construction d'éolienne en Wallonie

Dans la liste des objectifs, on retrouve aussi le développement de l’éolien onshore. En Wallonie par exemple, le gouvernement régional veut atteindre une puissance de 6.200 GWh d’ici 2030, c’est plus que le total de 4.600 GWh décidé en 2019. Pour parvenir à ce nouvel objectif, les autorités ont mis en place une nouvelle "Pax eolienica" – sorte de charte à respecter pour pouvoir construire des éoliennes – moins contraignante.

L'hydrogène vert, l'atout belge pour la reconversion écologique de l'industrie

Comme le rappelle le cabinet Van der Straeten, la Belgique a certes besoin d'électricité renouvelable, mais également de grandes quantités d'hydrogène vert. "En Belgique, l'industrie lourde est responsable de 30% des émissions de CO2 et c'est aussi le secteur qui se prête le mieux à la conversion de l'hydrogène", nous explique-t-on. 

Ainsi, la stratégie fédérale prévoit de faire de la Belgique un Hub d’importation (entre 3 et 6 TWh d’ici 2030 et entre 100 et 165 TWh en 2050). "Des accords ont déjà été signés et le cadre réglementaire pour un réseau de transport pour l'hydrogène est en cours d'approbation au Parlement", précise le cabinet de la ministre de l'Energie.

Un projet pilote d'un montant de 2 millions d'euros sera d'ailleurs lancé par la SNCB et Infrabel pour remplacer des locomotives diesel sur des lignes non-électrifiées par des trains roulant à l'hydrogène.

De nouvelles centrales électriques au gaz

Et pour sortir du nucléaire tout en maintenant la production électrique à niveau entre 2025 et 2040, les autorités belges ont notamment autorisé la construction de plusieurs centrales au gaz. Après avoir refusé la construction d’une centrale de ce type à Vilvorde en effet, une centrale électrique au gaz verra le jour à Flémalle d’ici mi-2025, indique Engie. Une autre sera construite à Seraing et raccordée au réseau d’Elia en février 2024 selon les informations du gestionnaire de réseau. "Ce mécanisme de soutien a été introduit par le gouvernement en attirant les investissements", précise le cabinet. "Cela se fait par le biais d'un système d'enchères. Pour chaque année à partir de 2025, une enchère est organisée 4 ans avant et 1 an avant l’année concernée." Et selon ce qui ressort de l'enchère organisée en octobre dernier, aucune centrale supplémentaire ne sera construire pour l'hiver 2026-2027.

En revanche, une centrale au gaz verra également le jour à Tessenderlo dans le Limbourg si l’entreprise constructrice TDS respecte les conditions complémentaires telles que la neutralité climatique d’ici 2040.

Pour conclure, une centrale TGV – une centrale Tubine-Gaz-Vapeur alimentée au gaz naturel, pourrait également être construite à Manage si le dernier recours introduit par les autorités communales de Manage et Seneffe est refusé au Conseil d’État. "Nous sommes actuellement en attente du rapport de l'auditeur du Conseil d'Etat qui dispose de six mois (à compter de septembre 2022, ndlr) pour rendre son rapport, bien qu'un dépassement du délai soit toujours possible", nous précise Emerence Leheut, échevine de l'Urbanisme et de l'Environnement à Manage. "Ensuite, les différentes parties disposent encore de 30 jours pour déposer un dernier mémoire avant les plaidoiries."

Le tout-renouvelable en 2050 ?

Alors, les efforts du gouvernement seront-ils suffisants ? Peut-on vraiment croire au tout renouvelable en 2050 ? Pour l’expert en énergie et ingénieur en électro-mécanique (Uliège) Francesco Contino, la progression de la Belgique en matière de renouvelable est satisfaisante. Pour autant, ne fonctionner qu’avec du renouvelable à l’horizon 2050 ne serait possible que si le pays importait des énergies renouvelables de l’étranger. Dans le cas contraire, l’objectif serait pratiquement inatteignable. "La Belgique ne dispose pas de suffisamment de biomasses ni d’espace pour l’installation d’éoliennes et de panneaux solaires", indique-t-il. De plus, "il faudrait réduire de deux tiers notre consommation en énergie toutes catégories confondues, que l’on parle de la mobilité, de l’industriel, résidentiel, service … On peut y arriver, mais le challenge est de taille. L’hypothèse la plus probable est que nous n’y arriverons pas", estime-t-il.

D’après lui, mixer les énergies renouvelables avec le nucléaire est encore la solution la plus simple pour réussir la transition énergétique.

Sur le même sujet : Extrait QR (12/01/2023)

Samuel Cogolati : "Il faut investir dans le renouvelable"

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