Pour cette première émission de Sous Couverture de 2023, Thierry Bellefroid et Lucile Poulain accueillent Philippe Claudel. Il vient leur présenter Crépuscule, son dernier roman qui vient de paraître chez Stock. Un livre qui commence comme un simple roman policier mais qui très rapidement va amener le lecteur à se poser des questions sur le monde d’aujourd’hui !
Aux marches de l’Empire, dans un pays difficilement identifiable, un village aux passions tristes…
Un jour, le curé est découvert mort. La tête fracassée par une pierre. De quelle nature est le crime ? Qui pouvait en vouloir à ce curé d’une terre où les chrétiens et les musulmans vivaient depuis toujours en bonne entente ?
L’enquête est confiée au Policier, Nourio qui trouve fabuleux de se voir confier une affaire pareille dans un coin si reculé. Personnage central, extrêmement imbu de lui-même dont la fatuité va l’amener à se faire manipuler par les autres et par ses propres pulsions.
Une série de personnages, en chairs et en vices, conviennent au déroulement de la tragédie : chacun jouant à merveille sa partition. Quelques fantômes des temps passés aussi qui vont agir en comparses du grand Effondrement de l’Empire.
Au détour de l’enquête et de la résolution des énigmes, Philippe Claudel fait apparaître des éléments qui renvoient en fait aux principaux questionnements et problèmes de notre époque (la manipulation de la vérité, les tensions entre communautés religieuses, l’addiction au sexe chez certains hommes de pouvoir, etc.).
Il faut casser beaucoup de bois avant de faire un meuble.
Vingt ans déjà que Philippe Claudel a été couronné par le Prix Renaudot pour Les âmes grises (Ed. Stock). Suivi quatre ans plus tard, en 2007, par le Prix Goncourt des lycéens pour Le rapport Brodeck (Ed. Stock). Même s’il écrit tous les jours depuis l’âge de six ans, Philippe Claudel a cependant attendu d’avoir 37 ans avant de publier son premier roman Meuse l’oubli :
Tant que la vie ne m’avait pas raboté, frotté, caressé, écorché, ce que j’écrivais demeurait artificiel. Avec l’âge, on joue, on perd, on aime, on voit mourir des proches, on voit de très belles choses mais aussi l’âme noire de l’humanité.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le jeune Claudel s’est bien frotté à la vie. Le bac en poche, il découvre la musique punk. Il multiplie les petits boulots, devient représentant de parfums contrefaits, chante dans un groupe punk et boit beaucoup trop. Grâce à sa future femme, il retrouve les bancs de l’université et entame des études de littérature et de cinéma. Il devient prof de français au lycée puis en prison pendant douze ans.
Le cinéma pour mettre en scène des situations difficiles à exprimer dans un roman !
Des débuts mouvementés donc mais depuis, on ne l’arrête plus. Romans, scénarios, nouvelles. Films aussi en tant que réalisateur car, son autre passion à côté de l’écriture, c’est le cinéma. Là aussi, il lui a fallu prendre son temps même s’il avait réalisé plusieurs courts métrages après ses études. En 2005, le réalisateur Yves Angelo décide de porter à l’écran Les âmes grises et demande à l’écrivain d’en faire le scénario. Cependant il l’implique bien plus qu’un scénariste dans le projet, assez que pour lui donner le courage de sauter le pas. Il réalise Il y a longtemps que je t’aime en 2008 avec Kristin Scott-Thomas et Elsa Zylberstein qui recevra le César du meilleur premier film et le BAFTA du meilleur film étranger en 2009.
La littérature, pour moi, c’est forcément un questionnement sur nous-mêmes
Le cinéma et la littérature sont désormais indissociables pour Philippe Claudel. En mêlant les deux, il dit trouver un certain équilibre pour continuer à s’interroger sur le monde d’aujourd’hui.
Je pense que l’écrivain n’est que le capteur de ce qu’il sent autour de lui. Et il ne faut pas faire l’autruche ! Le monde est ce qu’il est. Le but ultime, ce n’est pas de montrer l’humanité noire, c’est de montrer la noirceur pour justement l’éclaircir. Pour que chaque lecteur fasse un travail sur soi-même vis-à-vis des autres, vis-à-vis du monde, pour que justement, il y ait une sorte de dissipation de la noirceur
Celui qui se définit souvent comme un obsessionnel de la mémoire, réfute l’étiquette d’écrivain engagé qu’on lui colle parfois qu’il considère trop paternaliste.
Envie d’en savoir plus sur Philippe Claudel ? Rendez-vous ce dimanche 15 janvier à 22h55 sur La Trois dans Sous Couverture en compagnie de Thierry Bellefroid et Lucile Poulain !