Week-end Première

Philo : quand peut-on faire une exception à une règle ?

La question philo de Matthieu Peltier

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Le 8 mars prochain, la Cour constitutionnelle rendra son verdict sur la possibilité ou non de la Belgique de procéder à l'échange de prisonniers. Une décision qui pourrait ouvrir la voie à la libération d'Olivier Vandecasteele, retenu injustement en Iran depuis un an. L'occasion pour le philosophe Matthieu Peltier de se poser cette question : faut-il parfois faire exception aux règles ?

Cet épisode, dont nous ne connaissons sûrement pas tous les tenants et aboutissants, met effectivement en lumière une question fondamentale de l'éthique : ne faut-il pas parfois se passer des règles ?

Nous le reconnaissons tous : pour vivre ensemble, nous avons besoin de règles. Dans un Etat de droit comme l'est la Belgique, il y a des règles.

Les règles et les lois, c'est ce qui nous protège de l'arbitraire, d'un despote, et c'est aussi ce qui nous rend égaux les uns par rapport aux autres, souligne Matthieu Peltier.

Le respect du droit sans exception ?

Pour Platon, le respect des règles juridiques est la seule garantie de l'ordre social et toute justification de la désobéissance risquerait de conduire à la ruine de la cité.

Quand bien même il y aurait un décalage entre le légal, c'est-à-dire ce qui est conforme au droit, à l'ensemble des règles juridiques en vigueur, et ce qui est juste, c'est-à-dire ce qu'on estime bon, Platon considère qu'il vaut mieux toujours respecter le légal. Car en refusant d'obéir aux lois, on gomme de la cité jusqu'à l'idée même de droit.

Dès lors que l'on se permet une exception, il devient difficile, voire impossible, de justifier la règle dans tous les autres cas.

Ainsi pour Platon, Socrate aurait accepté sa condamnation à mort, bien qu'injuste, pour la simple raison qu'elle était légale.

Manifestation en soutien à Olivier Vandecasteele, détenu depuis un an en Iran
Manifestation en soutien à Olivier Vandecasteele, détenu depuis un an en Iran © Tous droits réservés

L'exception qui confirme la règle ?

A l'inverse, dans la sagesse populaire, on entend souvent dire que c'est l'exception qui confirme la règle. Cet adage nous rappelle qu'il n'y a d'exception que parce qu'il y a des règles, explique Matthieu Peltier. Dans un monde sans règles, il n'y a pas d'exception possible.

Au-delà de cet adage, on sent bien que parfois la situation offre un contexte dans lequel la règle ne semble pas juste ou ne semble en fait arranger personne.

C'est le reproche qu'on formulera à Kant, le philosophe allemand, pour qui la règle doit aussi toujours être respectée, au nom de la morale.

On lui rétorquera que seule une société fait de sujets complètement désincarnés, faisant abstraction d'eux-mêmes, est capable de prendre des décisions entièrement désintéressées. Sa morale devient si pure qu'elle est tout simplement impossible.

L'utilitarisme : la clé ?

Une autre école éthique peut éclairer ce type de situation, c'est l'utilitarisme.

Pour les utilitaristes, ce qui justifie une action, ça ne doit pas être la règle mais le calcul de l'utilité. L'utilité se définit comme le degré de satisfaction que vont engendrer les conséquences de cette action, précise Matthieu Peltier.

Donc, si enfreindre la règle apporte en fait plus de satisfactions que de la respecter, il faut alors tout simplement l'enfreindre.

L'exemple que l'on donne souvent est celui d'un homme, pendant la Seconde Guerre mondiale, qui cacherait des Juifs et chez qui la Gestapo viendrait frapper pour lui demander s'il sait où se trouvent ces personnes.

Selon Kant, mentir est contraire à la morale et le mensonge ne serait donc pas justifié. Car si l'exception est permise en la matière, alors la possibilité de se faire confiance s'érode.

Mais on sent bien, dans cet exemple, que mentir dans un tel cas est extrêmement utile, au sens de l'utilitarisme, car les vies sauvées par ce mensonge n'ont absolument aucun prix.

Et elle est peut-être là, la clé, dans la question du prix ou du coût de l'exception au regard du bénéfice qu'elle engendre.
Et il est vrai que dans le cas d'Olivier Vandecasteele, il serait plutôt facile d'acquiescer à l'exception, si elle permet ce que nous espérons tous : sa libération.

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