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Pierre Locht (CEO Standard) sur le Gril : "L’objectif du Standard cette saison, c’est de se reconstruire…"

Sur le Gril

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Pierre Locht (CEO Standard) en mode selfie
Pierre Locht (CEO Standard) en mode selfie © Tous droits réservés

À Sclessin, il a commencé tout en bas de l’échelle et trône aujourd’hui comme Directeur Général. Prudent malgré le bon début de saison du Standard, il évoque Almani Moreira, les pizzas de Sclessin, Olivier Renard, le slip de Ronny Deila, Jean-Luc Godard, la gestion des émotions, Bruno Venanzi et le modèle de 777. Mais aussi Selim Amallah, le but de Sinan Bolat contre AZ, le bling-bling, les frères Mpenza, les journalistes, Aurelio Vidmar, le Club Bruges et Julien Duranville. Et bien sûr… le char à voile. Pierre Locht, CEO du Standard, passe " Sur Le Gril ".

Il reçoit dans son grand bureau de Sclessin, salon-canapés en prime : à 34 ans, il est le seul rescapé de l’ancienne direction du Standard. Exit les Bruno Venanzi, Alexandre Grosjean ("deux personnes avec qui j'ai encore de très bons contacts" précise-t-il), Benjamin Nicaise et autre Olivier Renard : Pierre Locht a été retenu par les nouveaux propriétaires américains de 777 pour administrer le Standard au quotidien.

Je n’aurais jamais imaginé cela il y a 12 ans, quand j’ai postulé chez Pierre François comme team-manager de l’équipe A " commence le CEO rouche. " A l’époque, je sortais de mes études de Droit : j’étais supporter du Standard comme mes deux frères, ça nous vient de notre père… donc on n’avait pas vraiment le choix (clin d’œil). Je rêvais de bosser pour ce club, mais je me disais que je m’engageais pour un an ou deux : mes parents m’ont même dit… que je devais penser à faire un travail sérieux (sourire). Puis j’ai travaillé au service juridique, j’ai géré l’Académie… et aujourd’hui, me voilà CEO ! J’ai suivi des formations complémentaires mais j’ai surtout appris sur le tas. Une caution liégeoise pour la nouvelle direction ? (Il sourit) Disons que je suis surtout l’acteur local du management, qui est lui basé à Londres. Le groupe 777 détient une soixantaine de sociétés dans différents secteurs : c’est un autre modèle de fonctionnement par rapport au passé, où le propriétaire, en l’occurrence Bruno Venanzi, était présent à Liège et était joignable directement. Ici, il y a davantage de procédures, cela prend parfois plus de temps mais on apprend de nouvelles méthodes et c’est très intéressant : on bénéficie aussi du savoir-faire de tout le groupe. Le Standard, une goutte d’eau dans l’océan 777 ? Pas du tout ! On est une entité à part entière : Fergal Harkin est notre Directeur Sportif à 100% et n’a rien à voir avec d’autres clubs du groupe, la Genoa ou Vasco de Gama par exemple. Je dois aussi féliciter le personnel du Standard, qui a su s’adapter à toute cette nouveauté. Mais je comprends les inquiétudes initiales : le changement fait souvent peur, c’est normal, mais il est aussi très bénéfique. "

Pierre Locht avec Fergal Harkin
Pierre Locht avec Fergal Harkin © BELGA

" Gérer mes émotions est plus facile car je ne suis pas propriétaire… "

Avant d’embrasser son actuelle fonction, l’ex-team-manager liégeois (" C’est une fonction très importante même si, c’est vrai, on a la réputation d’être celui que les joueurs appellent à 23 h pour livrer les pizzas… ") a été approché par le Club Bruges pour prendre la direction de son Centre de Formation.

" J’ai eu une discussion avec Bruges au printemps, c’est vrai, mais cela n’a pas été plus loin. Ma priorité a toujours été le Standard : je ne voulais pas avoir de regrets plus tard…. Aujourd’hui, comme dirigeant, je dois faire attention à la gestion de mes émotions… mais je ne suis pas actionnaire : ce n’est donc pas mon argent ! Donc, pendant le match et après, je vis mes émotions comme supporter… et en semaine, c’est plutôt le temps de la raison. Mon rôle, c’est de mettre en application la stratégie décidée par les actionnaires… mais je propose aussi des actions et des lignes budgétaires. Le QG de 777 est basé à Miami, mais avec le Football Group, installé à Londres, on bénéficie des conseils d’experts du foot passés par Leicester, Tottenham et Manchester City quand même ! Le projet est beau et ambitieux et sans ce rachat du club ou intervention importante de l'actionnariat, le Standard ne serait plus en division 1… "

Pierre Locht : "L’objectif du Standard cette saison, c’est de se reconstruire…"
Pierre Locht : "L’objectif du Standard cette saison, c’est de se reconstruire…" © BELGA

" 20.000 abonnés après notre dernière saison : une vraie surprise ! "

Dimanche, Sclessin vrombira de l’ambiance du sommet face à Bruges. Le Club où Pierre Locht aurait pu travailler aujourd’hui…

" Je donne une cote de 7 sur 10 à l’équipe pour son début de saison : on reste sur trois victoires d’affilée… mais par un petit but d’écart. Restons donc prudents : je n’annonce pas d’objectif final précis, car rappelons-le, on sort de la pire saison du club en 70 ans… Disons qu’on essaiera de surprendre et d’étonner positivement, comme le Standard est capable de le faire. On veut essayer de terminer le plus haut possible…. Plus haut que la 13e place de l’année passée ? Evidemment, c’est le minimum… (Il grimace) Mais je suis ravi de la tournure actuelle : les bons résultats ont été signés avec des joueurs de l’année passée, preuve qu’ils sont capables de bien performer. La vraie surprise, ça a été aussi de voir que 20.000 de nos supporters se sont réabonnés : après notre dernière saison, chapeau ! On sent qu’il y a une nouvelle dynamique dans le club et un retour de l’enthousiasme. Dimanche, on accueille le Club Bruges, une vraie équipe de format Ligue des Champions (NDLA : l’interview a lieu le mardi midi, quelques heures avant le 0-4 brugeois à Porto…). Mais on a vu aussi que cette équipe pouvait parfois être mise en difficulté en championnat. Donc on n’aura pas grand-chose à perdre et on veut jouer notre chance à fond. En Belgique, tout le monde peut battre tout le monde. Quoi qu’on dise, notre compétition est très bien cotée à l’étranger : les joueurs qui performent ici font ensuite de très belles carrières ailleurs ! Nous aussi, on veut révéler des joueurs… et ensuite créer de la valeur ! "

Pierre Locht avec Ronny Deila
Pierre Locht avec Ronny Deila © BELGA

" Comme les autres, Ronny Deila sera jugé sur ses résultats… "

À la tête sportive du Standard new-look, il y a bien sûr ce coach norvégien Ronny Deila… dont l’image en slip, après un titre à New York, a fait le tour du monde.

Avant tout, je pense que Ronny est un excellent entraîneur : on n’a pas les résultats qu’il a eus… juste en se mettant torse nu sur un terrain après une victoire. Après, je veux bien qu’il se mette en slip devant la tribune de Sclessin en fin de saison : ça voudra dire qu’on aura gagné quelque chose ! (rire) Mais avant tout, c’est quelqu’un qui va à l’essentiel : il est très proche de ses joueurs et ses entraînements se font avec ballon, ils sont courts mais très exigeants en termes d’intensité physique et mentale. C’est vrai qu’à côté de ça, je pense aussi que Deila a la personnalité qui colle bien au Standard et on sent un vrai lien avec les supporters. J’espère qu’il va réussir car on s’est vraiment battu pour l’avoir. Mais comme tous les autres, il sera jugé sur ses résultats… "

" Selim Amallah et Nicolas Raskin ne sont pas restés contre leur gré "

Mercato terminé : l’aventure se poursuivra donc avec le duo Amallah- Raskin, longtemps cité en partance… mais qui est finalement resté en port mosan.

Selim et Nicolas sont restés tout simplement parce qu’il n’y a pas eu la possibilité de les transférer en accord avec les trois parties, le joueur et les clubs concernés. Ils ont fait le choix de rester… et sûrement pas à contre-cœur : ils étaient encore sous contrat chez nous et ils demandaient, et c’est bien normal, d’être rassurés sur le nouveau projet du club. Ils ont conclu eux-mêmes, après nos explications, qu’il y avait encore moyen de faire de belles choses ici. C’est vrai que la caricature classique du footballeur est celle d’un égoïste qui ne voit que sa carrière, mais ce n’est pas correct : les joueurs veulent bien se sentir dans un club et sont sensibles au projet collectif et individuel. Après, on sait aussi qu’en football, l’un des soucis est que les choses changent très vite : un joueur va faire cinq six bons matchs, d’autres clubs vont marquer un intérêt… et il faudra vite revoir le projet avec eux. "

Nicolas Raskin et Selim Amallah
Nicolas Raskin et Selim Amallah © BELGA

LES PETITS PAPIERS

Le moment venu des petits papiers : parmi une quinzaine de papiers-mystères, il en choisit 5 au hasard. Et commente.

PREMIER PAPIER : JULIEN DURANVILLE (le prodige de 16 ans du Sporting Anderlecht). Julien Duranville est un joueur que je connais depuis longtemps, comme toutes les personnes actives dans la formation. C’est un super-talent… qui vient de la région liégeoise et qui aurait donc dû jouer au Standard idéalement ! Mais bon, on ne va pas refaire l’histoire… Il est promis à un très grand avenir, mais avec ces carrières qui décollent très vite, le souci c’est justement l’environnement du jeune. Il faut tenir compte du fait qu’il n’a que seize ans, et même s’il est performant, on ne peut pas lui faire porter autant de poids. C’est le problème aussi chez nous avec les jeunes de l’Académie : il faut juger au cas par cas, selon la maturité psychologique et physique du joueur. Sinon, on risque de rendre fou le gamin… Après, il y a aussi la rivalité entre les clubs qui sont proches de se faire la guerre pour une jeune, et je pense qu’il faut mettre des limites à cette compétition. On voit des jeunes qui réussissent mais il y en a beaucoup aussi dont la carrière s’arrête avant même de décoller… à cause de cette rivalité entre clubs. "

DEUXIEME PAPIER : OLIVIER RENARD (ex-Directeur Sportif du Standard, aujourd’hui à l’Impact Montréal, et poursuivi dans le Football-Gate). " Là-dessus, je vais être très clair : ce n’est pas à moi de poser un jugement et je ne le ferai pas. Il y a des procédures judiciaires en cours, on verra ce qu’elles vont donner. Mais ce dossier ne concerne ni le Standard, ni son Directeur Sportif actuel. Fergal Harkin est en place aujourd’hui : il vient d’arriver dans un contexte neuf et il va progressivement imprimer sa patte et sa vision. "

Christophe Galtier, le coach du PSG
Christophe Galtier, le coach du PSG © BELGA

" Les déclarations sur le char à voile étaient maladroites "

TROISIEME PAPIER : BLING-BLING. Le problème du foot, c’est qu’on peut y gagner beaucoup d’argent… très rapidement ! De l’argent, il y en a plein dans bien des secteurs… mais en football, la question centrale, c’est le timing. Des transferts se font parfois en quelques jours avec des agents qui ont la chance d’être au bon endroit au bon moment… et ça se chiffre en millions d’euros. Il faut mieux réguler ces flambées et c’est ce qu’on a essayé de mettre en place, après le Football-Gate, avec la loi anti-blanchiment, la clearing house et les règlements sur les agents. Le monde du foot ne doit pas non plus se couper du monde : les déclarations du coach du PSG sur le char à voile étaient maladroites, il faut éviter cela. C’est plus facile pour les clubs belges car les distances sont plus réduites… et les dépenses aussi, mais le monde du foot doit tenir sa place dans la question climatique. On est, comme toutes les entreprises, confrontées à la réalité du coût de l’énergie : on doit se poser les bonnes questions en matière d’écologie et de durabilité, et promouvoir la mobilité douce comme le train ou le vélo. L’exemple du Mondial au Qatar est flagrant : ce choix était clairement inapproprié au point de vue éthique et écologique. "

QUATRIEME PAPIER : JEAN-LUC GODARD (le célèbre cinéaste de la Nouvelle Vague, décédé cette semaine). J’avoue que je ne suis pas un grand cinéphile. Mon film préféré, c’est Forest Gump. Je compte d’ailleurs développer les liens entre le Standard et le secteur culturel, car il y a de beaux parallèles à faire. Un match de foot, c’est un peu comme un scénario de film. On a contacté Bouli Lanners pour donner un coup d’envoi, c’est une personnalité liégeoise importante. On retrouve des fans du Standard dans tous les milieux et dans toutes les classes sociales. Dans le secteur économique, un client change de fournisseur quand il n’est pas content… Mais en football, quand on choisit un club, c’est pour la vie… Le football est très puissant en émotions : je me souviens du but de Sinan Bolat face à AZ : rien que d’y repenser me fait remonter dans le corps l’émotion de ce soir-là… "

CINQUIEME PAPIER : JOURNALISTES. La presse sportive, un bienfait ou un méfait ? Je dirais, plutôt un bienfait… même si, c’est vrai, les critiques font parfois mal. Un journaliste est là pour informer… et c’est important d’informer ! Après, on sait que le timing est devenu une donnée centrale : tout doit aller vite, et cela génère certaines dérives comme la recherche des clicks et la tentation du buzz. Moi, je suis pour l’ouverture et la transparence… et si on pratique ainsi, je pense que les choses se passent bien. Le mieux, c’est de ne rien avoir à cacher et d’être transparent… même si c’est vrai qu’on ne peut pas toujours tout dire à tout moment. " (clin d’œil)

L’ancienne direction du Standard avec Benjamin Nicaise, Alexandre Grosjean, Bruno Venanzi et Pierre Locht
L’ancienne direction du Standard avec Benjamin Nicaise, Alexandre Grosjean, Bruno Venanzi et Pierre Locht © BELGA

" Le Standard champion ? Patience… "

Né en 1988 (" J’ai grandi dans une période ou le Standard n’a pas beaucoup gagné : mes idoles étaient Aurelio Vidmar, les frères Mpenza et surtout Almani Moreira, qui était un joueur génial qui faisait vibrer tout Sclessin "), Pierre Locht avait 21 ans lors du dernier titre rouche. " Tous les 25 ans " comme dans la chanson ? Le prochain sacre serait alors pour 2034…

J’espère bien qu’on sera champion avant ça… mais pour l’instant, je prône la patience. (clin d’œil) Je veux aussi souligner nos autres projets : notre équipe féminine, la plus titrée en Belgique, qui veut reprendre le titre à Anderlecht à moyen terme, et notre nouvelle équipe de futsal, qu’on a lancée l’an passé en D3… et qui est déjà championne. Je pense que l’avenir du Standard est aussi de se diversifier dans les différents volets du football. "

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