Belgique

Plan National de Sécurité 2022-2025 : "Inapplicable sans renforcer la police judiciaire" estime le Collège des procureurs généraux

Illustration : saisie d'argent dans un trafic de drogues

© BELGA

Par Patrick Michalle

Au moment où la coalition Vivaldi remet sur le métier le Plan National de Sécurité 2022-2025 pour cause de tiraillements internes autour de la question de la lutte contre la fraude fiscale, les procureurs généraux chargés de faire appliquer ce plan de sécurité rappellent la nécessité de renforcer les moyens de la police judiciaire fédérale. Sans cela les priorités fixées dans ce plan national de sécurité seront de la poudre aux yeux car au final le Collège des procureurs généraux sera contraint de définir lui-même les objectifs en tenant compte des réalités de terrain.

Des phénomènes criminels complexes, volumineux et chronophages

Pour le procureur général de Mons , Ignacio De la Serna, actuel président du Collège des procureurs généraux : "Nous avons une opportunité historique aujourd’hui de démanteler des organisations criminelles dangereuses actives sur notre territoire dans le cadre de gros dossiers liés au trafic de drogues" mais ajoute-t-il "faute de moyens humains suffisants nous risquons de laisser passer cette opportunité unique".

Mais les problèmes ne concernent pas seulement le dossier SKY ECC, car globalement en matière de criminalité organisée, les phénomènes deviennent de plus en plus complexes, volumineux et chronophages. Sans renforcer en personnel et équipement la police judiciaire fédérale, certaines enquêtes ne sont plus possibles, notamment en matière de criminalité financière. Il ne suffira pas de modifier un bout de texte dans le PNS pour changer la situation. Sauf à entretenir les illusions ou se donner bonne conscience.

Dans l’arrondissement de Bruxelles, le procureur général Johan Delmulle avait déjà pris la décision en septembre dernier de limiter les enquêtes en ces matières : "À partir d’aujourd’hui, nous serons obligés de faire des choix pour savoir dans quelles enquêtes nous allons investir la main-d’œuvre spécialisée et quelles plaintes ou faits ne seront plus traités par la PJF de Bruxelles", avait indiqué Johan Delmulle dans sa mercuriale de rentrée judiciaire.

Indispensable de doter la police judiciaire d’un budget distinct au sein de la police fédérale

Illustration
Illustration © AFP or licensors

Pour le Collège des procureurs généraux, la solution existe pourtant car comme le prévoit l’article 114 de la loi du 7/12/1998 organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux. Il était prévu à l’origine de doter la police judiciaire d’un budget distinct en manière telle qu’il ne soit pas noyé comme il l’est actuellement dans le budget global de la police fédérale. Mais cela ne semble n’avoir jamais été appliqué jusqu’ici.

Après plusieurs courriers aux ministres concernés, l’ensemble des procureurs généraux ont rencontré dans le cadre d’un Conseil National de Sécurité, le Premier ministre Alexander De Croo, la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden et le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne. Une heure d’échanges constructifs a permis de cerner l’état de la situation. Mais toujours sans résultat concret à ce jour.

Plus le temps d’analyser et de faire du prospectif, désormais c’est la navigation à vue

Dans tous les arrondissements judiciaires, les effectifs de la PJF sont affectés aux enquêtes en cours et ne sont plus en mesure de réaliser des cartographies de la criminalité, des états de situation, qui leur sont demandés régulièrement par les magistrats. Et cela faute d’analystes disponibles à la direction centrale de la police judiciaire.

Il devient également difficile pour ne pas dire impossible d’accomplir les missions de police spécialisée reprises dans l’accord de gouvernement. En clair, en matière de terrorisme ou de criminalité organisée, on navigue désormais à vue.

Se tourner vers le Parlement comme dernier recours

Parlement fédéral
Parlement fédéral © BELGA

Désormais faute de réactions des départements concernés, l’Intérieur et la Justice, le Collège des procureurs généraux s’apprête à se tourner vers le Parlement. Pour lui exposer sans détour l’impasse dans laquelle se trouve aujourd’hui le bras armé sur lequel le gouvernement entend s’appuyer pour mettre en œuvre ses priorités en matière de sécurité.

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma... Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Articles recommandés pour vous