Belgique

Plan National de Sécurité : une feuille de route pour les policiers durant quatre ans mais il faut des moyens

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Par Patrick Michalle

Une première version du plan avait été recalée en décembre dernier. En cause, des désaccords politiques au sein de la majorité sur l’absence de la lutte contre la fraude fiscale parmi les priorités dans le texte. Au terme d’un ultime arbitrage, il a été approuvé en conseil des ministres, d’autant qu’il aurait dû entrer en application déjà le 1er janvier.

Ce texte se veut avant tout une feuille de route rédigée par la direction des services de police sous la responsabilité des départements de l’Intérieur et de la Justice. Ce plan fixe un cadre dans lequel se retrouvent tous les grands thèmes transversaux qui concernent l’activité des polices mais sans aucune référence à un cadre budgétaire particulier, ni plan opérationnel.

Dossier financier tribunal Anvers
Dossier financier tribunal Anvers © Tous droits réservés

Une partie de la loi jamais appliquée

Puisque le retard de l’adoption du plan est né autour du thème de la lutte contre la fraude fiscale, observons qu’il en est bien question à la page 48 du plan qui mentionne que "la fraude fiscale grave, organisée ou non, nécessite une coopération telle que celle prévue dans le premier plan d’action du Comité ministériel pour la lutte contre la fraude fiscale et sociale".

Cet élément étant rappelé, c’est ce qu’on peut lire ensuite qui interpelle. On y apprend qu’une partie de la loi approuvée en 2014 (sur les mesures d’optimisation des polices) en son article 105 alinéa 11 n’a jamais été appliquée. Cette partie prévoyait la création de cellules mixtes entre policiers spécialisés et services d’inspections sociales et fiscales pour lutter contre la fraude.

Huit ans plus tard, le nouveau plan remet les pendules à l’heure en stipulant : "un protocole d’accord entre la police et les services d’inspection fiscale sera élaboré afin que la loi instaurant cette coopération puisse effectivement être appliquée. De plus, des cycles de formation adéquats seront établis". On peut donc conclure qu’un modeste pas en avant est franchi.

Des moyens adéquats réclamés par les procureurs

Sans moyens supplémentaires pour les polices, le Collège des procureurs généraux a exprimé clairement que ce plan national de sécurité dans ses multiples dimensions restera un catalogue "de bonnes intentions" si le pôle judiciaire n’est pas considérablement renforcé par un personnel correspondant aux nouveaux besoins liés à l’évolution des différentes formes de criminalité organisée.

On l’a vu récemment avec l’opération "Sky-ECC" qui a permis de frapper durement les milieux du crime organisé en matière de drogues mais qui revers de la médaille, mobilise des centaines d’enquêteurs (700) si l’on veut voir aboutir ces dossiers positivement devant un tribunal.

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Une lutte inégale contre un crime organisé sans frontières

Le procureur général Ignacio de la Serna a eu des mots durs indiquant dans le Soir :"la mafia prend possession du pays" soulignant la difficulté du troisième pouvoir du pays à faire face à des phénomènes criminels transnationaux que les arrondissements judiciaires seuls ne peuvent pas contrer.

Dans "Déclic" sur La Première, le procureur général de Mons a indiqué que dans des arrondissements comme Anvers et Bruxelles, les procureurs en arrivent à devoir faire des choix au niveau de la criminalité grave et organisée : "en disant 'ce dossier-là on va laisser tomber', on va plus les poursuivre parce qu’il n’y a plus les moyens. Cela ne nous est jamais arrivé ! On a toujours fait des choix au niveau du ministère public mais jamais dans des matières comme celle-là parce que c’est tellement important et violent que là, c’est d’office prioritaire ". Une situation qui implique logiquement de renforcer le pôle fédéral de la Justice en le dotant de moyens financiers à la hauteur des défis rencontrés.

Le recrutement de policiers spécialisés, mais il faut une priorité pour le judiciaire

Campagne recrutement policiers
Campagne recrutement policiers © Tous droits réservés

Aucun dossier judiciaire d’envergure n’est désormais mené sans faire appel aux enquêtes de téléphonie et le plus souvent aux méthodes particulières de recherche. Ce qui suppose de disposer du personnel compétent (policiers et magistrats) et du matériel adéquat pour les mener à bien et exploiter les résultats des enquêtes. Se priver de ces moyens a déjà valu à la police dans des dossiers de terrorisme d’être passé à côté d’informations importantes et il serait irresponsable de ne pas s’en souvenir au moment de faire des choix en matière de priorités.

La police fédérale, aussi des missions d’appui vers les autres composantes

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La police fédérale doit aussi dans le cadre de la police intégrée apporter un appui aux autres composantes : "Face à la complexité de phénomènes où le numérique prend une place prépondérante, il faut renforcer les départements d’enquête ICT, afin d’apporter l’appui indispensable dans les arrondissements et à l’échelle des zones de police " indique le plan. Pour cela les modalités de recrutements doivent être adaptées, de manière à recruter plus rapidement les bons profils nécessaires.

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