Le dernier en date de ces aménagements : "Un permis de construire délivré par le maire de Carnac pour la construction d’un magasin Mr.Bricolage, détruisant trente-neuf menhirs figurant sur la liste indicative Unesco", précise-t-il. Ce permis, délivré par la mairie de Carnac, avait été refusé une première fois en 2015 en raison d’une hauteur non réglementaire et de la présence d’une zone humide.
Cafouillages administratifs
Le terrain a alors fait l’objet de fouilles par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), qui s’étaient achevées en 2015 sur une conclusion ambiguë : des pierres avaient été déplacées pour construire un muret sur une des deux files du site et ne présentent pas l’usure caractéristique d’une implantation millénaire. Des fouilles complémentaires sur les monolithes sont demandées mais n’ont pas lieu car le permis avait été retoqué.
Le problème, pour Christian Obeltz, est qu’il "n’y a pas eu de fouilles archéologiques pour que l’on sache si les stèles étaient bien des menhirs ou non". "Le site est répertorié au projet d’inscription au patrimoine mondial de l’Unesco, ce qui les oblige normalement à prévenir l’architecte des bâtiments de France et la Direction régionale des Affaires culturelles (Drac) avant de lancer le projet", affirme l’archéologue.
Mais le plan local d’urbanisme ne reprend pas le statut de la zone en question décidé par la Drac. Et 8 ans après le premier refus, le même développeur de projet revient à la charge et obtient son permis… Quelque chose semble avoir échappé à l’administration locale.
Des menhirs vieux de 7000 ans
Tout ceci risque de remettre en question le classement au patrimoine mondial de l’Unesco du territoire ou au moins de le retarder. D’autant que la parcelle en question figure justement dans le dossier de demande constitué par la ville…
Et l’Unesco précise au Point, que des analyses au carbone 14 réalisées sur des menhirs à 200 mètres de là les ont datés à 5480 à 5320 avant notre ère, soit le plus ancien menhir de France, soit juste avant le néolithique, à l’époque des chasseurs-cueilleurs, ce qui est très rare car il n’y en a qu’un seul cas classé à l’Unesco, c’est celui de Göbekli Tepe, en Turquie.
Christian Obeltz rappelle que la mairie de Carnac avait déjà autorisé il y a 10 ans la destruction d’un tumulus découvert en 1864. La commune avait été condamnée.
Des menhirs sous terre, se défend la mairie
De son côté, le maire de Carnac, Olivier Lepick, qui est aussi président de l’association Paysages de mégalithes, qui a signé le permis de bâtir en 2022, explique au Point qu'"on n’a rien saccagé. Ces menhirs étaient sous terre et n’avaient rien à voir avec les alignements tels qu’on peut les voir".
Il prétend avoir "parfaitement respecté la législation" et invoque "la faible valeur archéologique" des objets retrouvés lors des fouilles préventives. "Ce site n’était pas situé en zone de prescription archéologique obligatoire dans le plan local d’urbanisme", déclare le maire à l’AFP. "A Carnac, ça arrive quinze fois par an ! Dès qu’on creuse, on tombe sur des foyers du néolithique et dans 99% des cas, les archéologues nous disent que ça n’a aucune valeur", ajoute-t-il au Point.
Une association porte plainte
Suite à cette destruction, une association de défense du patrimoine, Koun Breizh ("Mémoire bretonne", en breton), a déposé une plainte contre X, plainte qui n’a pu encore être confirmée mercredi soir auprès du parquet.
"L’objectif de cette plainte n’est pas de mettre en cause tel ou tel élu mais d’éclairer le processus de décision qui a abouti à ces destructions malgré toutes les formes de protection prévues par la loi", explique le président de l’association, Yvon Ollivier. "Il s’agit de faire en sorte que de tels faits ne se reproduisent plus", a-t-il ajouté.