Guerre en Ukraine

Possibles crimes de guerre en Ukraine : en quoi consiste le travail d’authentification des ONG ?

Invité de Matin Première : Philippe Dam

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Par Estelle De Houck sur base de l'Invité d'Elisabeth Groutars via

5600 enquêtes ont été ouvertes par l’Ukraine pour de possibles crimes de guerre commis par les Russes. En parallèle, les ONG comme Human Rights Watch mènent leurs propres investigations, en collectant les documents attestant toute violation des droits humains. En quoi consiste ce travail d’authentification ? Et quelles sont les preuves déjà rassemblées pour parler de crime de guerre présumé ?

Malgré la décision de Moscou de fermer les bureaux locaux d'Human Rights Watch, l'ONG continue de documenter ce qu'il se passe en Russie. Et selon Philippe Dam, directeur de Human Rights Watch pour l’Union européenne, "on peut dire très clairement que l’armée russe a commis des violations du droit international humanitaire et des droits humains qui pourraient constituer des crimes de guerre."

C’est ce qui s’est passé à Boutcha ou à Irpin, mais aussi dans d’autres zones occupées par l’armée russe. "On ne parle pas ici d’un grand crime au cours du retrait de l’armée russe, mais plutôt d’une grande série de cas d’exécution ou d’atteinte à la vie des civils tout au long de la période d’occupation de ces zones par l’armée russe."

Exécution à bout portant, kidnappings, tirs croisés, bombardements, il existe une multitude de cas documentés. "Et ce qui est important est qu’avant même l’émergence des photos apparues à Irpin et Boutcha, nous avions nous-même documenté plusieurs cas groupés d’exécution sommaire clairement liés à des forces de l’armée russe."

Se documenter et recouper

Pour s’assurer de la véracité de ces documents, Human Rights Watch utilise plusieurs sources. "La première, c’est le témoignage de survivants, de témoins, de victimes, qui nous permettent de recréer ce qui s’est exactement passé avant et après l’acte répréhensible commis par les forces d’occupation russe." Évidemment, l’ONG ne cherche pas un mais plusieurs témoignages, afin de pouvoir recouper ces informations.

Ensuite, HRW s’appuie sur des preuves plus dures, telles que des vidéos ou des photographies. Parfois extraites des réseaux sociaux, ou fournies directement par des témoins.

On vérifie tous les éléments visuels qui sont disponibles – un immeuble, un poteau, une affiche

Pour vérifier l’authenticité de ces documents, "on travaille sur des métadata qui nous permettent de vérifier autant que possible l’heure et la date de leur prise, ainsi que leur géolocalisation. Et puis on vérifie tous les éléments visuels qui sont disponibles – un immeuble, un poteau, une affiche." Il s’agit d’ailleurs d’une base importante du travail en Ukraine, puisque beaucoup d’ONG ne sont pas en mesure d’être sur le front.

Pour ce travail d’authentification, comptez une demi-douzaine de personnes dans un laboratoire technique, spécialisé dans l’analyse de ces outils de documentation (photo, vidéo et images satellites).

Les réseaux sociaux ont une responsabilité dans ce travail de documentation. Selon Philippe Dam, ils se devraient d'ailleurs de protéger les preuves que pourraient constituer un commentaire, une photo ou une vidéo, "notamment lorsque décision est prise de retirer du contenu." Le contenu effacé devrait être archivé, au cas où il pourrait être utilisé lors d'une procédure d’enquête.

Quid de la Cour pénale internationale ?

Si les preuves récoltées sont importantes, la Russie ne fait pas partie de la Cour pénale internationale. A quoi va donc servir ce travail de documentation ? A très court terme, ce travail de documentation doit être utilisé comme élément de dissuasion selon Philippe Dam. L'objectif : montrer qu’il n’y aura pas d’impunité.

Qui aurait pensé que Charles Taylor, Milosevic et d’autres soient présents devant une cour ? Personne

Ensuite, l’ensemble des enquêtes pourrait mener à des procédures judiciaires devant la Cour pénale internationale. "On se demande si les hauts responsables de l’Etat russe pourraient être traduits devant la Cour pénale internationale. Mais qui aurait pensé que Charles Taylor, Milosevic et d’autres soient présents devant une cour ? Personne."

A noter que ce genre de procédures ne s’en prennent pas qu’aux leaders de plus haut niveau, mais aussi aux commandants sur le terrain.

Philippe Dam rappelle aussi l’utilisation de compétence universelle, qui permet à chaque état qui dispose de cette compétence dans sa loi, de juger les responsables de crimes très graves comme le sont les crimes contre l’humanité.

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