Week-end Première

Pots-de-vin, gracieusetés et autres valises à billets… une petite histoire de la corruption

Histoire avec Valérie Piette

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La corruption s’invite dans l’actualité en cette fin d’année au Parlement européen. Serait-elle vraiment le plus vieux métier du monde ? Il s’agit en tout cas d’un phénomène aussi ancien que l’humanité et la corruption semble bien inséparable de l’exercice du pouvoir. Retour dans le temps, avec l’historienne Valérie Piette.

La corruption repose sur un schéma immuable : tout homme (longtemps ce furent des hommes) qui détient une partie de pouvoir est corruptible ou du moins exposé aux corrupteurs. Et certains succombent à la tentation et acceptent des pots-de-vin.

© Getty Images

Mais d’où vient l’expression 'pot-de-vin' ?

Le pot-de-vin est une expression qui remonte au XVIe siècle. Elle désigne une 'gracieuseté', comme on dit en ancien français, une gratification que l’on verse lors de la conclusion d’un contrat, une sorte de présent que l’acheteur fait au vendeur.

Rien d’illégal alors. Un simple cadeau, une forme de 'pourboire'. Car plus que tout autre objet ou produit, la boisson a servi à désigner symboliquement des versements en espèces : pots-de-vin, pourboire…

Le vin sert communément de présent, voire de rémunérations. Ainsi, à Tournai, au 13e siècle, une indemnité en vin était allouée aux hommes qui assuraient la police de la foire.

Mais rapidement, la plupart des rémunérations ont été transformées en espèces sonnantes (et, comme on le sait, le vin ne sonne pas, même si on peut trébucher si on en boit trop). Et ces rémunérations sonnantes vont quelquefois conserver le nom de 'vins'.

Pourquoi le pot ?

Le pot désignait alors une unité de mesure, généralement utilisée à la fin de l’Ancien Régime pour les liquides. Un pot valait 1,35 litre à Bruxelles, un peu plus à Tournai.

Le vin se verse dans le pot, d’où le pot-de-vin, qui dans un premier temps n’a donc rien d’illégal, puisque c’est une modeste gratification offerte à la signature d’un contrat.

Il deviendra avec le temps le symbole de la corruption, des sommes d’argent ou des cadeaux offerts clandestinement pour obtenir illégalement un avantage.

Le combat contre la corruption

La corruption semble inséparable de l’exercice du pouvoir, quel qu’il soit. Pour pouvoir la combattre, il faut la diagnostiquer et il n’y a rien de plus cryptique, de plus secret que des pots-de-vin. Il y a peu d’approches statistiques possibles même si, depuis 1995, une ONG publie chaque année un indice de perception de corruption, l’IPC.

Du point de vue historique, il faudra attendre la révolution française pour qu’officiellement la corruption soit combattue. Les législateurs révolutionnaires décident d’inscrire, pour la première fois dans l’histoire, la corruption au nombre des crimes et donc d’offrir ainsi un moyen de la combattre.

La corruption devient ainsi à l’époque contemporaine une question éminemment politique, éminemment morale. Robespierre était d’ailleurs surnommé 'l’Incorruptible'. Le Code pénal de 1810 punissait même du carcan le fonctionnaire corrompu, une peine infamante donc, puisque le condamné, un collier autour du cou, était exposé à l’opprobre public.

Le rôle de la valise

Pour corrompre, il faut non seulement de l’argent mais aussi la possibilité de donner l’argent au corrompu, de le transporter tout en laissant peu de traces.

Les pots-de-vin vont ainsi voyager dans des valises ou des sacs. La valise, symbole du voyage, du plaisir, mais aussi symbole de violence, de mort et des secrets enfouis.

D’abord objet bourgeois, la valise va être pensée par une industrie de luxe. Un malletier, Louis Vuitton décline la valise, dès la fin du 19e siècle, en la dotant d’une poignée et d’un imprimé propre et bien connu. Dans les années 1980, la marque Vuitton adopta une innovation révolutionnaire, le système à roulettes.

La valise deviendra rapidement l’objet de tous les trafics, mobilisée pour le marché noir. On se souvient évidemment de Gabin et de Bourvil dans La traversée de Paris, transportant une valise pleine, non pas de billets, mais bien d’une autre richesse en ces temps de guerre : du cochon !

La valise à billets fait rêver, objet de nos fantasmes grâce ou à cause de nombreux films d’espionnage… C’est à tel point que les fameux Playmobil ont leur propre valise pleine de billets de banque. L’industrie du jouet s’est donc aussi emparée de ces valises magiques que nous rêvons peut-être de trouver bientôt sous le sapin, afin de pouvoir encore frissonner en jouant aux gendarmes et aux voleurs.

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