Belgique

"Pour nous, la modernité c’est penser à la réduction collective du temps de travail, à la qualité du service", plaide Myriam Djegham, permanente CNE

L'invité de Matin Première

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Par Théa Jacquet sur la base d'une interview de Thomas Gadisseux via

Le bras de fer se poursuit dans le conflit social chez Delhaize. Une semaine de négociations débute ce 17 avril, et ce pour tout le secteur. Pour cause, les travailleurs sont actuellement soumis à cinq commissions paritaires. Qu’est-ce qui est en jeu ? En quoi cela peut être un tournant pour la situation des employés dans les magasins en Belgique ?

"Le conflit Delhaize est tout à fait emblématique du fait qu’une multinationale, ou une grande enseigne, peut faire son marché parmi les commissions paritaires, utiliser une législation qui normalement est prévue pour le vrai petit commerce indépendant, pour dégrader les conditions de travail et de rémunération dans le seul objectif de maximiser ses profits", dénonce Myriam Djegham, secrétaire permanente CNE au commerce.

Car ce qui fait notamment gronder le secteur, ce sont les différences salariales entre les commissions paritaires. Le groupe Colruyt évoquait ainsi une différence de 500€ pour le travailleur qui était actuellement dans un Delhaize intégré et qui basculerait sur franchise. "Il y a des différences salariales. Il y a des différences aussi en termes d’organisation du travail. Prenons un exemple dans la commission paritaire 202 01, dont il serait question pour la franchise des magasins Delhaize, mais aussi la 201 qui est le plus petit commerce. Dans ces deux commissions paritaires-là, le régime de travail peut être de six jours par semaine", rappelle l’invitée de Matin Première.

Et de citer également des prestations plus longues : "vous avez jusqu’à 38 heures par semaine au lieu de 35 dans la 202". En outre, l’impossibilité de s’organiser collectivement et de défendre ses droits via une délégation syndicale fait également craindre le secteur. Un manque de représentation syndicale, souligne Myriam Djegham, représente un risque en ce sens que "là où les travailleurs peuvent s’organiser collectivement, leurs droits sont améliorés, meilleurs".

"Il faut savoir que dans le commerce, on n’est pas dans un secteur facile pour les travailleurs. Le salaire d’un vendeur est 31% en dessous du salaire moyen belge. On a des horaires variables, on a des conditions qui, physiquement, sont difficiles sans aucune reconnaissance de maladie professionnelle. On a des difficultés de conciliation vie professionnelle-vie familiale puisquon a des heures tardives et qu’on bosse quasi tous les samedis et parfois les dimanches", développe-t-elle.

Plus de modernité ?

Au travers de ce conflit, syndicats comme patrons plaident pour une modernisation, mais pas forcément la même. "C’est une harmonisation vers le haut qu’on demande, sachant que le haut n’est déjà pas si haut", affirme Myriam Djegham.

"La modernité dont les patrons parlent, on veut bien en discuter. Mais ce n’est pas du tout la flexibilité, la polyvalence, la surcharge de travail, la destruction d’emploi et les flexi-jobs. Pour nous, la modernité, c’est au contraire penser la reconversion des travailleurs du secteur, penser à la réduction collective du temps de travail, à la qualité du service. Donc, c’est, au contraire, améliorer l’emploi et pas le détériorer", ponctue-t-elle.

En cela, "la décision de Delhaize de franchiser d’un coup tous ses magasins en gestion propre a permis de mettre sur la place publique ce dumping social, cette concurrence qui est exercée", souligne la représentante syndicale.

Un "climat défavorable" aux négociations

Alors que débute ce 17 avril une semaine de négociations, y a-t-il un effet tache d’huile qui est à craindre envers d’autres enseignes que Delhaize ? "La fédération patronale dit que c’est aujourd’hui Delhaize, hier c’était Mestdagh, demain ce sera une autre enseigne. Donc tout le monde va suivre et ça va tirer vers le bas les conditions de travail, y compris dans les magasins en gestion propre", relève la secrétaire permanente CNE. En revanche, l’effet tache d’huile souhaité par les syndicats, "c’est l’élargissement de la mobilisation à d’autres enseignes que Delhaize".

Toutefois, "le climat est assez défavorable pour démarrer les négociations", selon Myriam Djegham. Car entre le dernier conseil d’entreprise qui a eu lieu le 28 mars dernier et ce 18 avril où les syndicats sont convoqués, s’est écoulée une longue période durant laquelle "la direction a fait preuve d’une violence extrême face au mouvement et à la détermination des travailleurs". Il n’est donc pas question d’arrêter les grèves le temps des négociations.

Face aux ordonnances "larges au niveau géographique et temporel et qui empêchent des travailleurs de discuter avec des clients devant la porte de leur magasin", la secrétaire permanente CNE parle d’une atteinte au droit de grève. "Donc par rapport à la culture syndicale belge, on est vraiment dans un tournant, sur la limitation du droit de grève."

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