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Pour résister à la nourriture, tous les cerveaux ne sont pas à égalité

© Getty Images

Une étude sur notre comportement alimentaire pourrait bien nous déculpabiliser. Ce n’est pas de notre faute si nous craquons régulièrement pour du chocolat ! Explications avec Pasquale Nardone.

Les psychiatres ont étudié le comportement alimentaire en se basant sur le Dutch Eating Behavior Questionnaire, 33 questions qui déterminent le comportement alimentaire, selon trois échelles :

  • avez-vous tendance à vous retenir de manger ? Ce qui peut induire un comportement anormal, appelé anorexie.
  • avez-vous un comportement alimentaire lié à vos émotions ? Mangez-vous plus lorsque vous êtes stressé ou angoissé ?
  • avez-vous un comportement lié à l’externalité ? En passant devant une boulangerie, la bonne odeur vous donne faim et vous amène à acheter un croissant.

Etudier le dialogue entre le cerveau et le corps

Cette étude, menée par une équipe finlandaise spécialisée en neurosciences, a été publiée dans la revue médicale Translational Psychiatry, publiée par le groupe Nature. Ces scientifiques cherchent à relier le prototype personnel de comportement alimentaire de la personne, basé sur ses réponses aux questions, avec son fonctionnement cérébral.

Chez les animaux, on avait déjà compris qu’il y a un lien entre certains circuits cellulaires à l’intérieur du cerveau et le comportement boulimique, chez les rats par exemple.

Il y a en effet un dialogue constant entre le cerveau et le corps. Et ce dialogue passe par des récepteurs qui reçoivent les molécules et font réagir le corps.

Deux types de récepteurs ont été étudiés :

  • les récepteurs cannabidoïdes, "qui réagissent d’une certaine façon en recevant ce type de molécules. Ce qui permet de comprendre pourquoi le cannabis ou ce type de substances a une influence sur notre comportement. Ce circuit participe à la notion d’appétit, à la sensation de douleur, à l’humeur, à la mémoire."
  • les récepteurs opioïdes. "Pourquoi la morphine ou l’héroïne a un effet sur nous ? Parce que nous avons des endorphines, des molécules qui y ressemblent et qui sont envoyées par le cerveau, reçues par les cellules. Ce circuit participe aussi à la douleur, à la notion de récompense, mais également à l’addiction."

Les chercheurs ont étudié de façon physiologique où se situent ces récepteurs dans le cerveau et en quelle quantité. Ils ont demandé à des personnes en bonne santé, ni boulimiques ni en surpoids, volontaires, de se prêter à un PET-Scan ou positron emission tomography, un procédé d’imagerie médicale. Ils leur ont donné des molécules radioactives qui se sont fixées sur ces récepteurs et ont indiqué où se trouvaient ces fixations. Ils ont ainsi pu faire leur image cérébrale.

Verdict ?

Les scientifiques ont constaté, de façon quantitative, que les personnes qui avaient peu de récepteurs opioïdes avaient tendance à développer une addiction externe. Ils ont par exemple tendance à avoir envie de manger dès qu’ils voient de la nourriture. Ils sont donc très sensibles à la publicité, aux tentations. Ils ont tendance à avoir un comportement alimentaire réglé par l’extérieur : external eating system.

Il y a donc bien cette combinaison entre les circuits de la récompense liés aux récepteurs opioïdes et ce comportement alimentaire qui fait que dès que vous voyez un type d’aliment, vous avez envie de le manger.

Et c’est plutôt déculpabilisant de savoir que c’est notre cerveau qui nous pousse à manger systématiquement du chocolat ou à nous restreindre exagérément ! Ce n’est pas forcément un manque de volonté de notre part. Et peut-être pourra-t-on agir pour résoudre ce genre de problème alimentaire et lutter contre l’obésité, source de comorbidités importantes.

L’article conclut en effet que cela offre une piste pharmaceutique possible, puisque l’on peut agir sur ces récepteurs, les stimuler ou les inhiber par d’autres molécules, de façon à éviter ce genre de comportements qui peuvent mener à la boulimie ou à l’anorexie mentale.
 

>> Pasquale ramène sa science, c’est par ici >>

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