Pour Zakia Khattabi, le débat environnemental est "pollué par un agenda nationaliste dénué de l'idée que l'on peut travailler ensemble"

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Par M. A.

Pour l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la Belgique n’est pas en voie d’atteindre les objectifs de développement durable d’ici 2030.

Zakia Khattabi (Ecolo), ministre fédérale de l’Environnement et du Climat recevra ce mercredi les résultats d’un examen environnemental de l’OCDE. Deux cent cinquante experts belges ont collaboré à cette analyse fouillée. Le dernier rapport de ce type datait de 2007. Et le bilan est sévère pour la Belgique, notamment sur les questions de la biodiversité, de la qualité de l’air ou encore du mix énergétique. L’Organisation de coopération et de développement économiques souligne aussi la fragmentation des compétences en matière d’énergie et de climat entre les différents gouvernements en Belgique, mais aussi l’absence d’un organe de coordination avec une vision climatique et une politique cohérente.

Le bulletin de l’OCDE n’est donc pas bon pour la Belgique. La ministre fédérale de l’Environnement et du Climat hérite de cette situation, mais elle assume. "C’est un héritage que je ne récuse et que je ne réfute pas. Je serais d’ailleurs mal placée pour le faire. J’étais présidente d’un parti qui lui-même portait ces mêmes critiques". Elle rappelle aussi que les rapports d’instances différentes se succèdent et les constats et les recommandations sont les mêmes. Le constat est là, mais la ministre souhaite se tourner vers le futur. "Le futur c’est quand même, à l’échelle internationale une volonté, une ambition affichée telle qu’on ne l’a jamais connue".

Manque de vision commune en Belgique

L’OCDE pointe un manque de cohérence, de coordination et d’une vision commune en Belgique. Le problème est donc un problème politique ? Zakia Khattabi apprécie que le sujet soit abordé comme un problème politique plutôt qu’un problème institutionnel "parce que je pense qu’on a laissé s’imposer le récit que l’institutionnel est un frein et que dès lors si on facilite, alors on va plus loin avec un récit qui serait de dire que chacun prenne son indépendance et on sera plus efficace, de telle sorte que ça serve un projet politique". La ministre constate depuis 6 mois que les contacts avec les acteurs flamands, par exemple, montrent qu’ils ont autant d’ambition que les Bruxellois et que les Wallons, mais "du côté flamand le débat, sur les avancées dans ces matières-là comme dans d’autres, est pollué par un agenda nationaliste qui ne veut laisser voir et poindre l’idée nulle part que l’on peut encore travailler ensemble".

La N-VA ne voudrait pas montrer qu’il y a une ambition belge ? Il faudrait que ce soit une ambition flamande ? "Absolument", répond la ministre fédérale de l’Environnement et du Climat qui le regrette car que ce soit avec les acteurs ou la ministre en charge de ces compétences aussi, les analyses et les volontés sont communes, notamment en matière de bâtiments et d’économie d’énergie. Et donc " Oui " dit-elle : "il est encore possible d’avoir des politiques communes dans l’intérêt des Belges qu’ils soient du sud ou du nord du pays".

La Flandre moins ambitieuse ?

La Flandre est-elle moins ambitieuse et dès lors la Belgique doit en tirer les conséquences ? Pour la ministre, la Flandre est moins ambitieuse, par exemple, sur la question du rehaussement des objectifs climatiques. Elle note cependant, et l’OCDE aussi que la Flandre fait des efforts dans certains secteurs plus que dans d’autres, notamment en ce qui concerne la gestion des déchets. "Mais c’est vrai que ce qui est pointé dans le rapport, c’est que le manque d’intégration de nos politiques, les rend plus inefficaces. On gagnerait en efficacité avec les mêmes dispositifs qui sont aujourd’hui sur la table, qui restent en deçà de ce qu’on a besoin, mais avec une vision plus intégrée les résultats seraient déjà meilleurs".

La biodiversité

La question de la biodiversité est aussi pointée dans le rapport de l’OCDE, elle l’est beaucoup moins au niveau de l’agenda politique. La situation c’est même détérioré ces dix dernières années explique l’Organisation de coopération et de développement économiques. Comment la ministre fédérale de l’Environnement et du Climat peut agir ? Elle rappelle tout d’abord que cette année aura lieu la COP 15 et qu’il faudra revoir nos ambitions à la hausse. Le plus grand tabou autour de la biodiversité est sans doute celui de l’agriculture : "Je pense qu’on se trompe, lorsque l’on pense qu’on protège nos agriculteurs en continuant à permettre une dépendance presque biberonnée à l’agro-industrie avec un usage massif de pesticides dont on sait qu’ils sont mauvais pour nous, mais qu’ils sont mauvais pour les agriculteurs également". Dans ce contexte Zakia Khattabi se réjouit de l’adoption par l’Union européenne d’une stratégie en matière de produits chimiques. Cela implique des règles identiques pour tous les agriculteurs sur le sol européen "et donc on pourra soutenir nos agriculteurs dans une transition au bénéfice de la santé collective, mais aussi de la santé de nos agriculteurs".

La taxe carbone

La transition passe aussi par la fiscalité. L’OCDE dans son rapport pointe le fait que la Belgique n’utilise pas assez la fiscalité environnementale axée sur le principe du pollueur-payeur, c’est la taxe carbone. Est-ce un objectif du gouvernement ? La ministre souligne que la fiscalité environnementale, "ce n’est pas que la taxe carbone […] la fiscalité environnementale c’est faire payer le juste prix". Zakia Khattabi note que des terrains sont pollués par des entreprises "qui est-ce qui paye la dépollution ? C’est nous collectivement". Il faut donc objectiver la situation explique la ministre pour ne pas devoir payer pour des situations dont on n’est pas responsable. Mais aussi : "nous devons payer le juste prix. Il faut que dans nos consommations nous intégrions le coût environnemental des produits et des choix que nous faisons. Ce que nous ne mettons pas en place aujourd’hui, c’est le déficit budgétaire des générations futures, notamment en matière de sécurité sociale. On sait comment la qualité de l’air ou la qualité des aliments jouent sur notre santé".

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