Quelque 33.000 migrants auraient déjà tenté cette année la périlleuse traversée de la Manche entre la France et le Royaume-Uni. Environ 8000 d’entre eux ont dû être secourus et ramenés sur les côtes françaises. Mais des dizaines meurent noyés, sans que l’on en connaisse le nombre exact.
Pourquoi prennent-ils le risque de traverser cette mer réputée particulièrement dangereuse, où l’on ne survit que maximum deux heures si l’on tombe dans ses eaux froides ?
Fuite en avant
Un certain nombre d’entre eux ont d’abord tenté en vain de demander l’asile dans un pays d’Europe continentale. François Guennoc, président de l’association humanitaire l’Auberge des Migrants à Calais, le confirmait sur RFI : "Pour la majorité de ceux qui s’embarquent à travers la Manche, le Royaume-Uni est la dernière chance. Certains sont menacés d’expulsion hors d’Europe, d’autres d’être renvoyés en Italie ou en Grèce."
"C’est une sorte de fuite en avant", confirme Matthieu Tardis, spécialiste des politiques migratoires à l’Institut français des relations internationales. "Le poids des mauvaises conditions dans lesquelles ils sont accueillis en France, en Italie, dans les autres pays de l’UE, les incite à aller encore plus loin, à se dire qu’au Royaume-Uni, ce sera mieux."
La voie est ouverte
Les candidats à la traversée vers l’Angleterre espèrent aussi y retrouver des connaissances, qui les encouragent à les y rejoindre. "Un certain nombre de migrants à Calais ont des proches ou une communauté de compatriotes au Royaume-Uni", poursuit Matthieu Tardis.
Le chemin est déjà tracé, ils tentent de suivre la voie ouverte. "Une fois que cela s’est mis en place, les informations circulent. Quand quelqu’un que l’on connaît a réussi, on a de la famille là-bas, donc on se dit 'on va quand même y aller'", détaille Virginie Guiraudon, directrice de recherche au CNRS, spécialiste des politiques d’immigration européennes, sur France Culture.
Climat xénophobe
Même si les conditions sont sans doute moins favorables aujourd’hui, vingt années d’immigration au Royaume-Uni ont solidement ancré ce réflexe de groupement. "Ce qui est plus difficile à comprendre aujourd’hui, c’est qu’il y a eu malgré tout en Angleterre une politique très restrictive et un climat extrêmement xénophobe, surtout lors du référendum sur le Brexit", s’étonne Virginie Guiraudon.
Une partie du pouvoir d’attraction britannique vient aussi la langue anglaise, que beaucoup de migrants connaissent, contrairement au français. Ils sont souvent originaires d’anciennes colonies ou de pays liés au Royaume-Uni.