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Pourquoi les prévisions météos sont-elles (parfois) fausses ?

Pourquoi les prévisions météos sont-elles (parfois) fausses ?

© Getty Images

Par Antoine Binamé

"Ils se sont encore trompés !", "Tu as vu, ils annonçaient de la pluie, finalement il fait beau, ils racontent toujours n’importe quoi à la météo !". Vous avez déjà entendu ces phrases ? Vous les avez déjà dites ? Vous n’êtes pas les seuls, mais êtes-vous déjà allés un peu plus loin que ce constat ? Non ? Faisons un petit deal vous et nous : vous acceptez d’apprendre un peu de théorie… et on vous offre l’explication !

La météo… c’est quoi ?

Commençons par la base : différencions météo et climat une bonne fois pour toutes.

Si on se réfère au site climat.be (le site fédéral diffusant des informations liées au changement climatique), le climat se définit par une "description statistique du temps en termes de moyennes et de variabilité de grandeurs pertinentes sur des périodes de plusieurs années" (30 ans si on se réfère à la définition proposée par l’Organisation météorologique mondiale.) Ce climat influencé par toute une série d’éléments est classifié en différents types selon les régions ("climat subtropical", "climat tempéré", "climat polaire",...).

Par opposition à cette vision à long terme, la météo se concentre sur le court terme : des prévisions sur des régions très localisées, à court terme.

C'est un premier élément de réponse à notre question de base. Ces prévisions ne peuvent pas représenter précisément le temps qu’il fera à un instant T mais sont une "moyenne prévue" dans une fourchette temporelle. Lorsqu'on indique sur une carte "10°C pour Liège" : il fera sans doute plus froid à Sprimont (situé plus haut) et plus chaud à Visé (situé un peu plus bas). Qui plus est, les températures données sont "sous abri" : 10°C dans ces conditions donneront un ressenti de 4°C avec un vent à 30km/h.

Une histoire en "-sphère"

Les différentes couches de l'atmosphère

On distingue deux acceptions au mot "atmosphère" : soit on évoque l’atmosphère au sens large, une sorte de bulle entourant notre Terre composée de différentes couches, soit on parle de l’atmosphère terrestre à proprement parler (c'est à dire la partie la plus proche de la Terre qu’on appelle plutôt troposphère. Cette seconde acception du mot est la plus intéressante dans le sujet qui nous occupe ici : au-dessus de cette zone, les vents sont moins perturbés, plus stables, et les nuages quasi inexistants… c’est le climat qui est en jeu à cet étage, plus la météo au sens premier du terme.

Et pour les plus curieux, de façon schématique, notre atmosphère globale est composée d’une série de couches.

  • La troposphère qui s’étend à une dizaine de kilomètres au-dessus du sol. Elle contient les nuages ainsi que la majorité de la vapeur d’eau de l’atmosphère et est donc le siège des différents événements météorologiques comme les nuages, les orages, etc.
  • La stratosphère (jusqu’à 50 km d’altitude) qui héberge la couche d’ozone et absorbe une grande partie du rayonnement du soleil
  • La mésosphère entre 50 et 80 km d’altitude
  • La thermosphère jusqu’à 800 km
  • … et au-delà : l’exosphère

Deuxième élément de réponse à notre question : si les phénomènes qui concernent directement nos prévisions météorologiques sont localisés dans la troposphère, les éléments situés plus haut peuvent influencer cette troposphère. C’est notamment le cas de ce que l’on appelle le "réchauffement stratosphérique soudain" qui impacte directement le vortex polaire, un dôme d’air froid présent dans la troposphère mais la dépassant largement et s’imbriquant également dans la stratosphère.

Quatre paramètres à surveiller

Quand on se penche sur les prévisions météorologiques, quatre éléments majeurs entrent en compte : la pression atmosphérique, le vent, la température et l’humidité. Nous nous excusons auprès des météorologues avertis mais nous allons prendre quelques raccourcis pour faciliter la compréhension d’un plus grand nombre !

Pour faire simple lorsqu’il s’agit de "pression atmosphérique" : lorsque celle-ci est importante (au-dessus de 1015 hPa, l’unité de mesure de la pression atmosphérique), on parle d’un "anticyclone" ou de "hautes pressions". Il y a beaucoup d’air au-dessus de nos têtes et les nuages peinent à se développer, cela se concrétise généralement par un temps plutôt agréable ou tout du moins stable. Du côté de l’hémisphère Nord on évoque régulièrement l’anticyclone des Açores, pour le Sud c’est celui de Sainte-Hélène (comme l’île refuge de Napoléon, oui !) qui entre en jeu. Voyez-les comme de gros engrenages qui propulsent de l’air (dans le sens horloger pour le nord, anti-horloger pour le sud) en se combinant avec les dépressions, leur jumeau sombre, sujet à des pressions plus faibles et qui tournent dans l’autre sens.

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Lorsqu’on parle de vent, on évoque son intensité et sa direction. Là aussi, notre duo/duel "anticyclone-dépression" joue son rôle : les vents autour d’un anticyclone sont plutôt stables et fuyants (ils quittent la zone) tandis qu’à l’approche d’une zone de basse pression (dépression), les vents sont plus perturbés… L’Univers aimant les choses stables, l’air circule entre les deux pour arriver à un état plus "neutre". Le "trop plein d’air" de l’anticyclone rejoint le "trop peu d’air" dans la dépression, c'est une histoire de vases communicants, tout simplement.

Du côté humidité, c’est plutôt : pour une pression donnée à une température donnée, l’air peut contenir une quantité maximale de vapeur d’eau… une fois cette quantité dépassée, la vapeur d’eau se condense et on retrouve des nuages, brouillards ou buées. Cette humidité est bien sûr très liée aux températures : un air chaud peut contenir plus d’eau qu’un air froid !

Maintenant qu’on a tous les ingrédients… Attaquons la recette de la prévision !

Les étapes d’une prévision météorologique

Pour schématiser, on pourrait résumer la prévision météo de la manière suivante : assimiler, simuler, analyser.

  • On assimile tout d’abord des données observables (le vent, la température, l’humidité,…) via une série de mesures. Celles-ci sont nombreuses et présentes chacune des avantages et des inconvénients :
    • les mesures de surface donnent une bonne couverture terrestre (mais très peu en mer et ne permettent pas de "monter" très haut),
    • les mesures réalisées par les instruments de bord des avions sont excellentes et très précises (mais leur zone de couverture est limitée),
    • les radiosondages sont précis et donnent une bonne "hauteur" de mesure (mais ne permettent pas de couvrir une grande zone)
    • les mesures satellites, quant à elles, présentent une bonne couverture du globe (mais au nouveau, ne permettent pas une grande "verticalité")
  • On simule en entrant ces données dans différents modèles de prévisions (on y vient !) : en partant d’un état initial, on demande au modèle de nous proposer un scénario futur probable
  • On analyse les différents modèles, on les compare et on propose une prévision la plus fiable possible.
Les étapes d'une prévision météorologique
Les étapes d'une prévision météorologique © Tous droits réservés

Coup d’œil sur les modèles

Une fois qu’on a assimilé toutes les données, on peut (littéralement) faire mouliner un ou plusieurs modèles sur un ou plusieurs scénarios : on parle alors de modèle de prévision ("Voici ma situation de base, dis-moi ce qu’il se passera dans deux heures") ou d’ensemble ("Voici ma situation, dis-moi ce qui se passera dans deux heures. Et donne-moi aussi la situation identique si je change un petit degré ici… ou un peu plus de vent par-là").

Les différents modèles (on vous propose d’en découvrir quelques-uns ci-dessous) ont une grande limite : la taille de la "maille" qu’ils utilisent.

Une question de maille

Pour faire simple : prenez la zone que vous voulez étudier (disons la région liégeoise) et enfermez-la dans un cube. Découpez ensuite ce cube dans ses trois dimensions en des centaines de petits cubes. Le modèle que vous avez choisi calculera pour chacun de ces petits cubes le temps "moyen" prévu. Ces cubes sont appelés "mailles" et leur taille dépend donc du modèle utilisé.

Représentation des mailles d'un modèle de prévision météo
Représentation des mailles d'un modèle de prévision météo © Tous droits réservés

Plus le modèle est à maille fine (une maille de 5 km équivaut à 25km² de territoire) plus il pourra être précis, plus il est à maille large (une maille de 36 km équivaut à 1.296km² de territoire) plus le modèle devra "lisser" les choses en calculant une moyenne. Petit point de détail (mais qui a son importance) : la résolution spatiale (horizontale) des mailles est fixe, la résolution verticale est variable (plus on est proche du sol, plus elle est faible, plus on monte dans l’atmosphère, plus elle est importante).

Troisième élément de réponse à notre question de base : la taille de la maille du modèle implique forcément une perte de précision et un pays de la taille (honorable) de la Belgique fait figure de timbre-poste à l’échelle mondiale. Pas assez clair ? La Belgique représente environ 30 600 km². Le modèle MAR travaillant avec une maille de 5 km découpera cette superficie en 1224 zones. Le modèle UKMO (maille de 17 kilomètres) découpera cette superficie en 106 zones. Impossible pour ces deux modèles d’avoir la même précision !

Si ce n’est pas assez clair : certains phénomènes météos sont assez faciles à modéliser (une tempête couvre plusieurs mailles de notre fameux modèle), mais d’autres sont inenvisageables parce qu’ils sont trop petits (parfois sous la taille d’une seule maille !). Le modèle aura bien des difficultés sur une maille de 20 km (400km²) à représenter la présence de plusieurs cellules orageuses : il choisira donc de dresser une moyenne pour l’ensemble de la maille.

Quelques modèles de prévision

On vous parlait de modèles météorologiques, certains d'entre vous sont sans doute curieux. Sans entrer dans trop de détails, voici quelques explications pour les satisfaire (et quelques modèles expliqués plus en détails).

Il existe, pour simplifier, deux catégories de modèles : les modèles globaux (qui simulent la météo sur la terre entière) et les modèles régionaux (qui s'occupent de zones plus restreintes).  Les modèles globaux sont nourris par de l'observation (la partie "assimilation" dont on parlait plus haut) et on peut évoquer parmi ceux-ci ECMWF (européen), GFS (américain), Arpège (français) ou encore Ukmo (britannique). Les modèles régionaux, quant à eux, ne se nourrissent pas d'observations mais d'un modèle "parent" : MAR se nourrit des prévisions de GFS, Arôme se base sur Arpège, Alaro (le modèle utilisé par l'Institut Royal Météorologique) travaille avec Arpège également, etc.

Le hic là-dedans est le suivant : si les données encodées dans le modèle "parent" n'étaient pas d'une grande qualité... les prévisions du modèle "enfant" ne seront pas exceptionnelles non plus.

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On l'aura compris : chaque modèle a ses spécificités. Sur une zone océanique (plate), n'importe quel modèle peut "faire le job"... lorsqu'il y a du relief à prendre en compte (on pense ici à l'effet de Foehn par exemple), il faudra utiliser un modèle plus adapté.

Pour conclure sur ces modèles : plus on veut être précis (une maille fine) plus on risque de se tromper. Cas très concret pas plus tard qu'au début de cette semaine de février : ECMWF plus généraliste prédisait lundi après-midi une ouverture dans le ciel tandis que le modèle Arôme, plus précis, envisageait un ciel bâché pour la journée. ECMWF a remporté la timbale !

Pourquoi ne pas être plus précis ?

Question simple qu’implique cette conclusion : pourquoi ne pas travailler avec un modèle à maille très fine dans ce cas ? Tout simplement parce que cela demanderait une puissance de calcul (hé oui, il ne faut pas l’oublier : des ordinateurs doivent travailler !) hallucinante… et que cela ne résoudrait, en fait, strictement rien.

Plusieurs facteurs entrent en jeu et se rajoutent à nos éléments de réponse : non seulement le modèle ne peut se baser que sur des données observées (et celles-ci peuvent éventuellement être biaisées ou faussées) mais est sujet à la plus petite modification de celles-ci (une perturbation qui se décale d’un petit kilomètre et hop, tout le modèle est à revoir). En plus de cela : certaines données ne peuvent pas être prises en compte.

Un cas concret (et épineux)

Prenons un cas concret : l’orage. N’importe quel modèle pourra vous donner une zone où le risque d’orages est bien présent. Il sera pourtant complètement incapable de vous fournir une position exacte ("Des orages éclateront dans le Tournaisis cet après-midi" et pas "Un orage est attendu à 14h40 à Kain") tout simplement parce que l’effet chaotique provoqué par l’orage (une turbulence) est imprévisible pour les modèles. Prenez une cellule orageuse, ajoutez ou retirez un bosquet d’arbres en haut d’une petite butte… et hop, votre prévision diffère déjà. Si on reste dans le cas de notre orage, on peut ajouter un dernier détail : si un orage est passé par le même endroit la veille, il y a laissé une trace de précipitation (de l’humidité) et si un orage devait se reproduire le lendemain, il aurait tendance à suivre cette première trace pour s’en nourrir. Impossible à voir pour un modèle.

En clair et pour résumer cette étape, voici quelques erreurs qui peuvent venir se rajouter à notre liste d’éléments perturbateurs : les données observées peuvent être faussées ou biaisées, le modèle est limité par sa puissance de calcul, la découpe en boîte amène de facto une simplification, certains éléments ne sont pas vus ni prédictibles par le modèle,… 

"Oui mais sur un circuit de Formule 1…"

Depuis le début de cet article, certains d’entre vous gardent cet argument en tête : "Oui, mais sur un circuit de course automobile, on peut prédire qu’il pleuvra dans tel virage dans quelques minutes". Right, Mr Watson, mais ce ne sont pas du tout les mêmes situations.

À l’échelle d’un pays, on demande à un modèle de calculer une moyenne du temps prévu pour une zone moyenne sur base d’une moyenne de données… tandis que dans le cas d’un circuit (par exemple), on part d’une constatation radar ("Un nuage est situé à 1.5 km du circuit et arrive par un vent d’ouest") qu’on extrapole sur une heure ou deux tout au plus. Une situation bien plus simple à calculer pour n’importe quel ordinateur.

Des solutions pour l’avenir ?

Il est difficile, ironiquement, de se projeter mais il y a fort à parier qu’avec les dernières évolutions des intelligences artificielles (et l’amélioration de la puissance de calcul des supercalculateurs), les prévisions météorologiques soient plus fines à l’avenir. On imagine assez bien que ce que nous réalisons aujourd’hui, malgré la marge d’erreur, devait sembler absolument inaccessible aux prévisionnistes d’il y a une centaine d’années ! Dans les années 1950, les modèles utilisés avaient une résolution spatiale de 500 km et n’utilisaient que très peu de données, c'est dire. Autre chiffre ? Il fallait à l'époque une trentaine d'heures de calcul pour produire une prévision à une échéance de 24h.

Le plus important dans tout ceci, et c’est peut-être là qu’il faut être le plus attentif, est la chose suivante : l’humain. Là où un ordinateur (ou, au hasard, une application smartphone) ressortira de façon "bête et méchante" un scénario qu’on lui a demandé de produire, un prévisionniste analysera différents modèles, les mettra en balance les uns avec les autres et, fort de son expérience, tranchera : "Je sais que ce modèle est plus efficace dans ce genre de situation alors que celui-ci se trompe régulièrement dès que le relief joue un rôle". La machine quant à elle ne peut se contenter que de ce qu’elle a : elle tombera parfois juste, mais parfois faux aussi. Tout comme l'humain.

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