Economie

Pourquoi l’inflation n’affecte-t-elle pas tous les Belges de la même façon?

En ce mercredi, jour de grève nationale, les syndicats n’ont de cesse de répéter cette revendication : une augmentation des salaires au-delà de l’indexation. L’inflation de cette fin 2022, c’est du jamais vu depuis presque 50 ans, +12% en un an. Évidemment, ça fait mal au pouvoir d’achat, mais nous ne sommes pas tous égaux face à cette augmentation du coût de la vie.

Des augmentations variables selon les produits

On pourrait alors se dire que tout a augmenté de 12% pour tout le monde, c’est logique, on est logé à la même enseigne. Mais si on prend le temps de regarder dans les détails, il y a des nuances : des choses qui augmentent bien plus que 12%, à commencer par l’énergie, +130% pour le gaz, 85% pour l’électricité et 25% pour l’essence. Et à l’inverse, d’autres choses augmentent moins, et même, bien moins que 12%. Il y a même des choses qui ont diminué.

Le Belge moyen n’est personne, ça n’existe pas.

Les télévisions, par exemple, sont 14% moins chères aujourd’hui qu’il y a un an. Ou encore les smartphones, les machines à laver, tout ça coûte moins cher. Donc, 12% d’augmentation, c’est une moyenne. C’est pour un Belge théorique, un Belge moyen. Sauf que le Belge moyen n’est personne, ça n’existe pas.

Qui est plus et qui est moins touché par cette inflation ?

Plus une partie importante de votre budget est consacrée à des postes de dépenses qui ont fort augmenté, plus vous êtes touché. Cela paraît évident mais c’est là qu’on n’est pas tous égaux.

Prenons un exemple théorique : vous êtes locataire dans une passoire énergétique et vous êtes indépendant.

Vous allez alors dépenser beaucoup en énergie, c’est-à-dire ce qui a augmenté le plus ; et comme vous êtes indépendant, votre revenu n’est pas automatiquement indexé. Par contre, votre loyer, puisque vous êtes locataire, lui, est indexé, donc il augmente régulièrement.

Et vous allez avoir une grosse perte de pouvoir d’achat. Donc, même si l’inflation est la même pour tout le monde, vous n’allez pas la ressentir de la même manière que quelqu’un qui dépense très peu pour son énergie parce que, par exemple, il vit dans une maison passive avec des panneaux photovoltaïques, que cette personne est employée, donc avec un salaire indexé, et peut-être avec une carte essence, qui fait qu’il ressent moins ou même pas du tout l’augmentation du prix de l’essence, et qui serait propriétaire, donc avec des mensualités d’un crédit hypothécaire qui, elles, n’augmentent pas, qui ne sont pas indexées.

Cette deuxième personne, même si ses coûts augmentent, comme pour tout le monde, ses revenus augmentent encore plus vite.

Plus on descend dans l’échelle des revenus, plus les ménages doivent renoncer à l’essentiel.

Ce constat fait dire à Philippe Defeyt, économiste à l’Institut du développement durable, qu’on peut déplorer l’augmentation du coût de la vie, oui, mais certains sont plus concernés que d’autres. "On peut dire aujourd’hui qu’il y a des travailleurs qui gagnent du pouvoir d’achat, commente Philipe Defeyt. Donc, j’aurais tendance à dire que toutes les plaintes ne se valent pas. Prenons l’exemple d’un ménage de la classe moyenne supérieure. Oui, peut-être que ce ménage devra renoncer à un city trip ou devra épargner un peu moins, mais ce ménage a la capacité de s’ajuster à la nouvelle réalité sans toucher à des choses essentielles. Par contre, plus on descend dans l’échelle des revenus, là on risque de rencontrer des ménages qui doivent vraiment renoncer à quelque chose d’essentiel pour continuer à payer énergie, loyer et alimentation."

Moins de revenus, plus d’inflation ? Pas si simple…

Est-on plus victime de l’inflation lorsqu’on a moins de revenus ? La réponse n’est pas si simple. Il faut tenir compte des mesures et des aides correctives.

Il y a d’abord évidemment l’indexation automatique des salaires, qui fait que, bon an mal an, les revenus suivent la courbe du coût de la vie. Et il y a les mesures que les gouvernements ont décidées récemment pour faire face à la situation, qui atténuent et qui neutralisent même parfois cette augmentation des coûts. À commencer par le tarif social, qui plafonne les prix de l’énergie pour un quart des ménages belges.

Pour Charlotte de Montpellier, économiste chez ING, c’est un bon filet de sécurité pour les uns, mais pas pour les autres : en général, les plus pauvres n’ont pas vu leur prix de l’énergie augmenter autant que ce qu’on voit dans l’indice, donc les 63%. Et finalement, ce ne sont pas spécialement eux qui ont le plus d’inflation ressentie, mais ça peut être un ménage de la classe moyenne qui se retrouve dans un logement un peu plus grand, mais qui n’est pas bien isolé, et qui, lui, ne peut pas bénéficier du tarif social. Et donc, finalement, on ressent une inflation plus élevée que les 12% dans la moyenne des Belges."

A question simple, réponse complexe et surtout très influencée par divers facteurs : le logement dans lequel vous habitez, l’indexation (ou non) de votre revenu, ce à quoi vous allouez vos dépenses, les aides dont vous bénéficiez ou pas ; autant d’éléments qui font que le ressenti de l’inflation ne sera vraiment pas le même pour tout le monde.

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