On le connaît sous le pseudonyme de "l'homme au chapeau". Le 22 mars 2016, avec ses deux complices, Mohamed Abrini pousse une valise remplie d'explosifs dans le hall de l'aéroport de Bruxelles avant de renoncer. Le 8 avril 2016, il est arrêté dans la commune bruxelloise d'Anderlecht. Pourtant, dès juillet 2015, Mohamed Abrini est déjà dans les radars des enquêteurs. D'où cette question : que savaient les services de sécurité sur ce Molenbeekois de 33 ans ? Et pourquoi n'a-t-on pas pu l'arrêter avant les attentats de Paris et de Bruxelles ?
Un voyage en Syrie en juillet 2015
Tout commence le 13 juillet 2015. Une information anonyme arrive à la police de Molenbeek. Selon ce témoignage, Mohamed Abrini aurait pris la route de la Syrie pour combattre dans les rangs de l'organisation terroriste Etat Islamique. Les policiers prennent l'information au sérieux. Le lendemain, ils perquisitionnent le domicile de Mohamed Abrini et auditionnent ses proches.
Le 22 juillet, le parquet fédéral se saisit du dossier. Cinq jours plus tard, Mohamed Abrini se présente au commissariat. Voici ce qu'il déclare aux enquêteurs : "Je vous confirme que je suis allé en Turquie. Je suis parti sur un coup de tête. Je voulais souffler après mon dernier passage en prison". Condamné pour un vol avec violence, Mohamed Abrini a en effet été libéré en avril 2015. Mohamed Abrini ajoute : "Les gens se sont trompés en ce qui concerne un départ en Syrie. Je suis 100% contre les personnes qui se trouvent là-bas pour participer au combat. Je suis né ici, je suis content en Belgique".
Des signes de radicalisation retrouvés dans son GSM
Les déclarations de Mohamed Abrini ne convainquent pas les enquêteurs. Le 4 août, son GSM est analysé. Des photos suspectes et des recherches sur l'Etat Islamique sont retrouvées dans la mémoire de son téléphone. La police note : "Il est interpellant que des recherches à caractère inquiétant aient été effacées du GSM". Le dossier est alors confié à la DR3, la division antiterroriste de la police fédérale. Nous sommes le 1er septembre 2015.
Des investigations en stand by
Dans les semaines qui suivent, les investigations restent au point mort. A plusieurs reprises, le parquet fédéral demande à la DR3 d'analyser d'autres numéros de téléphone utilisés par Mohamed Abrini. Ce n'est que le 13 octobre, un mois tout juste avant les attentats de Paris, que les résultats tombent. Ils révèlent des liens inquiétants avec des numéros en Syrie. Ils révèlent surtout des contacts avec le frère d'Abdelhamid Abaaoud, considéré par tous les services de renseignement comme l'ennemi public numéro 1.
D'où cette question : pourquoi a-t-il fallu trois mois pour faire parler un numéro de téléphone ? Même s'il refuse de commenter les détails de l'enquête, Frédéric Van Leeuw, le procureur fédéral justifie cette lenteur relative par le contexte de l'époque. "Il faut comprendre que l'on est trop habitué à voir des séries où vous avez votre analyse ADN dans les 5 minutes. Où vous avez un accès direct à la téléphonie d'un suspect. Où vous avez une équipe de policiers qui travaille sans arrêt sur le même dossier. Ici ce n'est pas le cas. On est à un moment où les unités antiterroristes travaillent jour et nuit sur toute une série de dossiers. Tout en disant au procureur : 'Attention, il y a des dossiers qui sont inquiétants, mais on n'a pas la capacité suffisante pour travailler dessus'".
Un temps de retard jusqu'aux attentats de Paris
Le 16 octobre, le dossier Mohamed Abrini est mis à l'instruction. De nombreuses analyses sont demandées dans les jours qui suivent. Le 4 novembre, son domicile est placé sous écoute par la police. Tous ses allers et retours font l'objet d'une note circonstanciée. Cinq jours plus tard, son téléphone est mis sur écoute.