Vie pratique

Précarité étudiante : elles vendent des photos de leurs pieds

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Par Laure Rulmont via

90 pour cent des étudiants trouvent qu'étudier en Fédération Wallonie-Bruxelles devient trop cher, selon une enquête de la FEF. Pour financer leurs études et arrondir les fins de mois, ils sont contraints de trouver des solutions rapides en complément de leurs jobs. Récemment, un phénomène nouveau a fait son apparition : la vente de photos de pieds via les réseaux sociaux. 

© Pixabay

Des photos de pieds munis de fins bijoux de chevilles, avec chaussettes ou sans, et parfois mis en scène devant un décor spécifique, vous en avez peut-être déjà aperçues sur Twitter ou sur Instagram. Elles sont essentiellement partagées par de jeunes femmes en échange d'un peu d'argent. Parmi celles-ci, on retrouve beaucoup d'étudiantes. Si le phénomène peut faire sourire, il y a bel et bien une clientèle en demande de ce genre de clichés. Les acheteurs sont pour la plupart des hommes et peuvent payer bien cher. 

Publication sur Twitter d'une femme qui vend des photos de pieds
Publication sur Twitter d'une femme qui vend des photos de pieds © Tous droits réservés

Thomas (nom d'emprunt), 30 ans, est fétichiste des pieds. Il ressent du désir sexuel et de l'excitation pour cette partie du corps. Il explique : "Internet m'a permis de découvrir tout ce monde-là, même si finalement j'étais attiré par des pieds de femmes en réel, pas seulement sur les réseaux sociaux. Je n'ai cependant jamais acheté de photos puisqu'on peut en trouver certaines gratuitement".

Selon Marie-Hélène Plate, coordinatrice du Service d'Ecoute et d'Orientation Spécialisé, un service de prévention pour ce type de fantasmes, l'attrait pour ce genre de photos s'explique : "Chaque personne est différente, on ne peut pas faire de généralisation sur cette attirance envers les pieds. Chacun a son vécu et ses expériences, sexuelles ou non. L'humain a toujours une préférence pour une partie du corps en particulier. Les pieds appartiennent aux parties les plus fantasmées avec les cheveux et la poitrine. Mais avec ce phénomène de photos, on peut quand même parler de mode. Les gens se lancent dedans parce qu'ils ont vu sur les réseaux que ça fonctionne".  

De l'argent facile ?

Sur les réseaux sociaux, de nombreuses femmes, y compris des étudiantes, donnent des conseils pour se lancer sur ce marché. Elles expliquent où poster les photos et par quels moyens récolter l'argent. Certaines partagent au grand public des captures d'écran des gains récoltés sur leur compte Paypal, un système qui permet d'envoyer et de recevoir des paiements en ligne.

Discussion Instagram entre Joséphine (nom d'emprunt) et un acheteur
Discussion Instagram entre Joséphine (nom d'emprunt) et un acheteur © Tous droits réservés

Pourtant, d'une simple photo de pieds, les étudiantes peuvent se retrouver coincées dans un cercle vicieux où les demandes deviennent de plus en plus "précises". La frontière entre ces images et le travail du sexe devient alors très fine. Certains acheteurs vont jusqu'à demander des objets personnels portés par les jeunes femmes. Amandine (nom d'emprunt), 18 ans, témoigne : "C'est passé de l'envoi de photos de pieds, à l'envoi de photos en collants puis en talons. Ensuite, ils voulaient aussi des photos de mes sous-vêtements. A la fin, ils voulaient carrément que je leur envoie les dessous portés et, si possible, avec des marques dedans, avec des traces blanches. Un homme m'a demandé de lui envoyer mon string après l'avoir porté 10 jours. Je me suis sentie sale, humiliée et manipulée".

Amandine a aujourd'hui arrêté ce "business" : " Je n'ai pas gagné énormément d'argent car je devais à chaque fois racheter de nouveaux collants pour ensuite les envoyer. Ce que j'ai reçu m'a aidé à payer ces sous-vêtements mais aussi mes cigarettes, pas davantage". L'idée de rentabilité qui est véhiculée sur les réseaux n'est donc pas totalement exacte, d'autant que la concurrence est devenue forte.

La jeune femme de 18 ans est suivie actuellement par un planning familial. Elle nous confie : "C'est douloureux, pour moi, d'en parler. J'ai été prise dans cet engrenage et j'ai vraiment eu cette impression de devenir un objet, d'être à leur merci". Il n'est pas rare que les étudiantes soient exposées au harcèlement, au chantage, aux arnaques, aux rapports de pouvoir mais aussi aux clients qui exposent leurs désirs sans aucun filtre.

Concurrence et plateformes de partage

S'il était plus facile de gagner de l'argent il y a plusieurs mois en se lançant dans la vente de photos de pieds, c'est à présent plus compliqué pour les nouveaux arrivants. La concurrence est élevée. Les vendeuses doivent se diversifier et proposer du contenu original (décors particuliers, bijoux, manucures… ). Elles doivent également appuyer leur présence sur les réseaux sociaux (Instagram, Facebook, Twitter, Snapchat et TikTok) afin de promouvoir leur contenu. Avoir une communauté, un certain nombre d'abonnés et entretenir une relation particulière avec les clients est presque obligatoire pour se faire une place. Ces dernières années, d'autres plateformes sont venues s'ajouter : OnlyFans et surtout MYM.

Le site MYM et ses travers

MYM (Me. You. More) est un site français créé à la base pour permettre aux personnalités publiques et aux modèles d'entretenir des relations plus privées avec leurs fans sous forme d'abonnements payants. Le but est simple : toute personne peut créer un compte afin de partager des images exclusives. L'interface ressemble fort au feed (suite de photos publiées par ordre chronologique) d'Instagram. Certains clichés peuvent être floutés pour donner envie aux acheteurs de s'abonner pour en voir plus.  

Compte MYM d'une femme qui vend des photos de ses pieds
Compte MYM d'une femme qui vend des photos de ses pieds © Tous droits réservés

Ce réseau est utilisé par les jeunes femmes pour diffuser leurs photos de pieds. Mais pas seulement. Maria, 22 ans, s'est lancée sur MYM suite à des messages d'abonnés Instagram lui suggérant de créer un compte. "Je faisais mes études dans une école d'équitation qui était très chère. Je me disais qu'ouvrir un compte MYM m'aiderait à obtenir un revenu supplémentaire. Je postais principalement des photos en lingerie. Le problème de MYM, c'est que quand tu commences à montrer quelque chose, les gens veulent toujours plus. On a été jusqu'à me demander des services sexuels contre de l'argent". 

Aujourd'hui, Maria s'est retirée de ces réseaux : "Celles qui se lancent sur les plateformes doivent faire attention à ce qu'elles postent. Ca va les suivre toute leur vie. Moi, je voulais rentrer à la police, mais je ne pourrai jamais y travailler à cause de ça". 

L'envoi de photos de pieds, même sur le réseau MYM, peut donc avoir de lourdes conséquences sur l'avenir des jeunes filles intéressées par cette pratique.

Si vous êtes de près ou de loin confrontés à cette pratique, vous pouvez contacter la ligne de SEOS (Service d'Ecoute et d'Orientation Spécialisé) au 0800 200 99 (appel gratuit et anonyme).

 

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