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Premier sommet mondial des forêts tropicales : des crédits carbone pour les pays protecteurs de la biodiversité ?

Déclic et des claques

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Un premier sommet mondial pour la protection des forêts tropicales se tient ces 1 et 2 mars en Afrique. Organisé par la France et le Gabon, ce One Forest Summit a pour objectif de trouver des solutions, et surtout des financements, pour protéger les écosystèmes forestiers.

Les forêts tropicales ne représentent que 5% de la surface de la planète. Pourtant, elles abritent entre 50 et 80% des animaux et des plantes qui peuplent ce monde. Il est donc vital de les protéger, pour préserver leur écosystème. Les enjeux sont même multiples.

De l’importance de la sauvegarde des forêts tropicales

Un sommet sur les forêts tropicales fait sens aujourd’hui car le monde doit faire face à deux crises : la crise climatique et celle de la biodiversité. Les forêts représentent un endroit où les sources de biodiversité sont vraiment très importantes. Un million d’espèces sont menacées sur la planète et l’écosystème qu’est la forêt tropicale compte 50 à 60% de vertébrés terrestres et d’espèces d’arbres.

Les forêts protègent aussi les sols ou encore le cycle de l’eau. Enfin, on le sait, les arbres sont une source inestimable d’oxygène… et avec leur capacité de photosynthèse, ils constituent le deuxième plus grand puits de carbone de la planète, juste après l’océan : les forêts tropicales absorbent ainsi 25% de nos émissions de CO2.

Protéger les forêts, c’est donc un enjeu majeur qui se présente comme une solution pour tenter de freiner l’érosion de la biodiversité. Un exemple frappant concerne les conséquences de la déforestation et de l’apparition de nouvelles cultures sur les chimpanzés qui vivent dans l’un trois grands bassins tropicaux du monde : le bassin du Congo. Les conséquences sont catastrophiques observe Sabrina Krief, spécialiste des grands singes qu’elle étudie dans la région, au micro de France Inter : "On a cohabité et vécu, et co-évolué avec les grands singes depuis 6 millions d’années et en 50 ans, 70% des grands singes ont disparu de notre planète. La première cause de déforestation en Afrique tropicale c’est l’agriculture intensive. Aujourd’hui, les chimpanzés que j’étudie dans le nord du parc de Kibale en Ouganda, se trouvent confrontés à des zones de théiculture intensive avec non seulement leur forêt, leur habitat qui disparait mais également des sources de pollution intense". Elle ajoute que 30% des chimpanzés ont des malformations. Ces dernières semblent être associées à la pollution environnementale intense due au thé, aux néonicotinoïdes.

Les chimpanzés de parc national de Kibale sont menacés par la théiculture.
Les chimpanzés de parc national de Kibale sont menacés par la théiculture. © Hermes Images/AGF/Universal Images Group via Getty Images

Des crédits carbone ou biodiversité pour les pays forestiers ?

Malgré cette connaissance scientifique des dangers de la déforestation, celle-ci se poursuit avec des exploitations non durables, des défaillances réglementaires, des pays qui importent sans faire attention à l’exploitation des forêts. C’est ce que ce premier sommet des forêts tropicales à Libreville a l’intention d’encadrer.

Il compte aborder les enjeux liés à la préservation des trois grands bassins tropicaux du monde : la forêt amazonienne, le bassin du Congo et les forêts tropicales d’Asie du Sud-Est.

En décembre 2022, la COP15 sur la biodiversité s’est tenue à Montréal. Elle avait débouché sur un accord international reconnaissant la nécessité de protéger 30% des terres et des mers d’ici à 2030. Maintenant, il faut décliner cet accord en trouvant un accord "juste et équitable" sur les forêts tropicales, entre les pays forestiers et la communauté internationale. C’est là-dessus notamment que portent les conversations.

L’une des grandes pistes sur laquelle les experts travailleront, c’est l’instauration de crédits carbone ou de biodiversité. Ces crédits permettraient de rémunérer les pays pour les efforts entrepris pour protéger la forêt. Par exemple, la forêt du Gabon capte environ 100 millions de tonnes de CO2 par an, un service rendu à la planète qu’il conviendrait de valoriser selon certains. Ce Sommet vise donc à développer des sources de financement innovantes, notamment via l’achat par des entreprises de crédits carbone. Cette question pose évidemment pas mal de questions sur la valeur ajoutée pour le climat et la biodiversité. Certaines ONG ont bien peur que les entreprises se donnent une image verte à travers de fausses solutions, à commencer par la compensation carbone qui ne prend pas en compte la population.

© LUDOVIC MARIN / AFP

Les forêts tropicales ont la gueule de bois

Lors de ce sommet, on évoquera aussi sans doute le lourd constat de la forêt amazonienne. Sa déforestation a atteint des niveaux inégalés sous la présidence de Jair Bolsonaro, au point que l’Amazonie a perdu, pour certains scientifiques, son statut de premier poumon vert de la planète. Elle serait détrônée par la forêt tropicale du bassin du fleuve Congo qui stocke 40 milliards de CO2. La forêt amazonienne est pourtant deux fois plus étendue… mais à bout de souffle. Elle est aussi devenue émettrice de CO2.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en un siècle, l’humanité a abattu ou dégradé au moins 80% de ses forêts primaires. Chaque année, 15 millions d’hectares de forêts tropicales primaires, soit la superficie de l’Angleterre, sont déboisés.

Conséquences : en Europe, il n’existe plus qu’une seule forêt originelle, en Pologne et à ce rythme, il n’y aura plus de forêts en Asie en 2100, alertent les spécialistes. Or, une forêt native met 700 ans pour se développer en milieu tropical et jusqu’à dix siècles dans les zones tempérées.

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