Environnement

Premier traité mondial contre la pollution plastique : quels sont les enjeux des négociations qui débutent ce lundi ?

Par Victor de Thier

Le monde produit aujourd’hui deux fois plus de déchets plastiques qu’il y a vingt ans. Au total, 460 millions de tonnes de plastique sont produites chaque année. Parmi celles-ci, entre 4,8 et 12,7 millions de tonnes terminent dans les océans, qui pourraient contenir plus de plastique que de poissons d’ici 2050. Des microplastiques ont même été retrouvés au sommet de l’Everest, à 8442 mètres d’altitude. Et ce n’est pas fini : la production de plastique pourrait encore tripler d’ici à 2060 si rien n’est fait.

Comment mettre un frein à cet engrenage infernal ? C’est ce que vont tenter de trancher les pays réunis à Paris à partir de ce lundi dans le cadre du second tour des négociations sur le premier traité mondial de lutte contre la pollution plastique.

Certaines associations – dont Greenpeace – y voient une occasion inespérée de "mettre un terme au fléau du plastique" en appelant à ce que ce traité soit bien contraignant pour les signataires, ce que certains Etats refusent jusqu’à présent.

La face cachée de l’Iceberg

Au-delà des enjeux environnementaux, la prolifération du plastique représente aussi un véritable danger en termes de santé publique. De nombreuses études ont montré que des microplastiques ont été détectés jusque dans le sang, dans le lait maternel, ou même dans le placenta.

Comme le rappelle le Center for International Environmental Law (CIEL), chaque étape du cycle de vie du plastique est nocive pour l’environnement et notre santé, de l’extraction des matières premières au traitement des déchets, en passant par la transformation et l’utilisation du produit plastique et des emballages.

En 2019, un rapport commandé par le WWF à l’Université de Newcastle (Australie) a estimé qu’un individu moyen pourrait ingérer jusqu’à 5 grammes de plastique par semaine, soit le poids d’une carte de crédit.

Le recyclage, pas une solution miracle

"Il faut qu’on fasse attention à ce que la question du recyclage ne remplace pas le débat sur la réduction de la production de plastiques", a mis en garde le ministre français de la Transition écologique Christophe Béchu, en amont des débats.

Cette question s’annonce en effet comme un point clé des négociations, plusieurs pays voulant privilégier l’option d’une meilleure gestion des déchets plutôt qu’une diminution de sa production.

Or, les deux tiers des plastiques produits dans le monde ont une faible durée de vie et deviennent des déchets à gérer après une seule ou quelques utilisations.

Selon un rapport de l’OCDE, sur les 460 millions de tonnes de plastiques produites chaque année, seuls 9% des déchets sont effectivement recyclés et 22% sont abandonnés (décharges sauvages, incinérations à ciel ouvert ou rejet dans la nature). À un certain moment, la plupart d’entre eux finiront inéluctablement dans nos océans.

"Si on augmente nos taux de recyclage, mais qu’en parallèle on augmente notre production, on aura reculé dans la résolution du problème. Donc, premièrement on réduit, deuxièmement on majore la part de recyclage", a ajouté le ministre français.

Repenser la conception des matériaux

Réduire en premier lieu la production est aussi martelé par les ONG et les scientifiques.

"Les données les plus probantes montrent que la réduction de la production sera essentielle pour résoudre le problème", a déclaré Richard Thompson, membre de la Coalition des scientifiques pour un traité plastique performant.

La part minime du recyclage s’explique aussi car "peu de produits ont été conçus en vue d’une économie circulaire", a-t-il expliqué, rappelant la nécessité de "repenser la conception des matériaux", un des leitmotivs de l’ONU-Environnement.

Vers une première ébauche de texte ?

En 2022 à Nairobi, 175 pays ont trouvé un accord de principe pour mettre fin à la pollution plastique avec l’ambition d’élaborer d’ici à la fin 2024 un traité juridiquement contraignant sous l’égide du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). D’autres pays ont depuis rejoint

Après des débats techniques fin 2022 en Uruguay, Paris accueille de lundi à vendredi la deuxième session de négociations, sur les cinq prévues. Elle doit permettre de dessiner les principales orientations, voire une première ébauche de texte.

Mais les négociations s’annoncent tendues.

Les Etats qui ont participé à la première cession de négociations en Uruguay, s’opposent sur les contours de l’accord, à savoir s’il faut limiter la production de plastique, éliminer progressivement certains types de plastique ou encore harmoniser les règles au niveau mondial.

Des nations comme la Chine et l’Inde ou les États-Unis, se montrent plus réticentes, insistant sur le recyclage et une meilleure gestion des déchets plutôt que sur des mesures visant à réduire leur production. Elles privilégient par ailleurs des plans nationaux plutôt qu’un plan global.

Trois autres sessions de négociations sont prévues d’ici fin 2024 avant la conférence diplomatique d’adoption du traité attendue en 2025.

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