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Prisons : Le jeu vidéo, outil de réinsertion ?

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Par Aurélie Russanowska

L’e-sport au service d’une société plus inclusive, est-ce possible ? On en parle avec Aurélie Russanowska.

 

L'E sport, c’est quoi ?

Sous la dénomination de l’e-sport, on entend les jeux qui cultivent l’esprit de compétition et le goût de la victoire. Il y a aussi les jeux qui sont l’équivalent des sports dans la vie réelle : la NBA a lancé il y a 4 ans une version digitale du tournoi.

Il y a également les applications de simulation sportives comme Zwift qui combine le vélo à l’intérieur avec une interface de jeu simulant une vraie course. Les marques s’emparent de l’e-sport comme nouveau canal média mais elles l’utilisent aussi pour se positionner sur la notion d’inclusion.

Des compétitions du jeu “League of Legends” remplissent des stades de foot entiers. L’audience de l’e-sport est estimée à environ 728 millions de téléspectateurs dans le monde. Les revenus générés par ces événements en live ou en streaming explosent. On pense aux droits de diffusion, au sponsoring, aux tickets, au merchandising…

L’e-sport, moteur d’inclusion ?

Dans le jeu, les compétiteurs peuvent être égaux. Le jeu ne pourrait refléter ni le genre, ni l’origine, ni l’histoire, ni la couleur de peau, ni le handicap du joueur. Les exemples de bonnes pratiques sont très nombreux.

D’ailleurs, il existe des tournois tels que Gaming for Inclusion, Jouer pour l’inclusion – organisé par Microsoft et Special Olympics et diffusé en ligne sur Twitch. Il s’agit du premier tournoi inclusif dans lequel des athlètes avec ou sans handicap intellectuel peuvent concourir. La star de la NBA Jayson Tatum ou encore Jewell Loyd la basketteuse américaine se joindront à la compétition.

Dans la même vision mais moins récent, Microsoft a développé il y a quelques années la manette adaptive : une manette conçue pour que les joueurs atteints d’un handicap physique puissent aussi jouer et se mesurer à chance égale avec d’autres compétiteurs.

Mais de manière générale, l’e-sport n’est pas inclusif. L’e-sport c’est 85% d’hommes. Les joueuses sont victimes de remarques sexistes et de harcèlement sur les plateformes de jeu.

Si bien que certaines joueuses célèbres organisent des compétitions 100% féminines.


►►► A lire aussi : L’enfer des joueuses en ligne


L’e-sport est une représentation des maux de notre société – une société polarisée et intolérante – alors qu’il pourrait être un modèle si on le pratique correctement.

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Dans les prisons : expérience étonnante

Un autre bel exemple d’inclusion est belge et il s’agit de Decathlon. Au début de l’année Decathlon Belgique a équipé 6 détenus de vélos intérieurs et de l’application Zwift pour s’entraîner ensemble mais aussi avec des cyclistes du monde extérieur.

L’opération s’appelle The Breakaway. On peut y voir une double mission : associer Decathlon à l’e-sport comme n’importe quel autre sport et véhiculer le message de Decathlon qui souhaite rendre le sport accessible à tous, même aux détenus en prison, car le sport a le pouvoir de transformer le corps et le mental.

Ils ont réalisé cette opération avec deux organisations qui militent pour le sport et la culture dans les prisons en Belgique dans un seul but : favoriser la réinsertion dans la société à la sortie de prison.

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Ici Decathlon fait preuve d’audace en équipant 6 prisonniers pour qu’ils deviennent des athlètes comme n’importe qui et en les réintégrant au monde extérieur depuis leur cellule, sans attendre leur sortie de prison. C’est un discours qui va à contre-courant de notre appareil judiciaire belge qui veut enfermer encore plus de monde. Or les pays scandinaves et la Hollande vident leurs prisons. On souligne bien entendu le courage de ces 6 prisonniers de faire partie de cette équipe.

Quelles sont les réactions ?

Decathlon a réalisé une série de podcasts, en néerlandais, dans lesquels ces détenus, mais aussi d’anciens détenus et champions sportifs ont accepté de s’exprimer. Ils témoignent de leurs espoirs, de leurs démons et de leur relation au sport qui a changé leur vie, de leur envie de victoire aussi car ils courront demain contre une équipe composée de l’appareil judiciaire belge.

Aurélie Russanowska s’est entretenue avec une responsable des matières sociales et de santé à Bruxelles. "Le taux de suicide est 8 fois plus élevé qu’en dehors et il y a 40% de récidives. Enfermer les gens et finalement les supprimer de notre vie de tous les jours en espérant qu’ils changent peut-être, ne fonctionne pas. En partant d’un idéal sportif, Decathlon a mis en valeur le pouvoir inclusif de l’e-sport et remet en question notre vision de la peine et de l’enfermement.

L’exclusion, le repli sur soi n’est pas la solution. Ni pour la société, ni pour l’e-sport, ni pour les prisons.

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