Justice

Procès de l’attentat à Nice : "Il n’y a pas eu de relâchement" avant l’attentat, affirme François Hollande

Ce croquis d’audience réalisé le 10 octobre 2022 montre l’ancien président français François Hollande témoignant devant la cour d’assises de Paris lors du procès de huit suspects de l’attentat de juillet 2016 dans la ville méditerranéenne de Nice.

© AFP

"Il n’y a pas eu de relâchement" dans la lutte contre la menace terroriste avant l’attentat de Nice le 14 juillet 2016, a assuré lundi l’ancien président de la République François Hollande, devant la cour d’assises spéciale de Paris.

Le 14 juillet 2016, un assaillant au volant d’un camion de 19 tonnes avait volontairement pris pour cible la foule rassemblée sur la Promenade des Anglais pour la Fête nationale, tuant 86 personnes et faisant plus de 450 blessés.

Au procès qui se tient depuis le 5 septembre, plusieurs avocats de parties civiles ont interrogé l’ex-chef de l’État sur un éventuel relâchement de la vigilance après l’Euro-2016 de football, qui venait de s’achever le 10 juillet.

"Toutes les forces sur le terrain ont été maintenues" et les consignes de vigilance aux communes réitérées à l’occasion des festivités du 14 juillet, a-t-il affirmé.

 

Cazeneuve à la barre

"Le 11 juillet 2016, l’ensemble des préfets ont été réunis au ministère de l’Intérieur et je leur ai dit : 'l’Euro 2016 est terminé, mais la menace terroriste est toujours présente'", a ensuite souligné Bernard Cazeneuve, appelé à témoigner après François Hollande.

Le dispositif plus visible pour cet événement sportif s’explique par le fait que "les deux manifestations n’étaient pas de même nature", a fait valoir celui qui occupait alors la place Beauvau.

L’Euro 2016 est terminé, mais la menace terroriste est toujours présente

Contrairement au 14 juillet, des fouilles systématiques ont été réalisées à l’entrée des "Fan Zones".

"Nous aurions pu supprimer toutes les fêtes locales, demander que tous les 14 juillet prévus soient reportés […] Mais nous considérions" qu’il fallait "montrer que nous voulions vivre, tout en prenant des mesures de protection", a souligné M. Hollande.

Passage à l’acte

Il a ajouté que l’auteur de l’attentat de Nice "n’était pas regardé par les services (de renseignement) comme étant capable" d’un passage à l’acte terroriste et qu’il n’y avait donc "pas d’éléments pour procéder à une assignation à résidence" administrative et "empêcher le crime odieux".

"Nous n’avions aucun signalement concernant un individu susceptible de passer à l’acte" à cette occasion, a confirmé Bernard Cazeneuve.

Citant un rapport de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), l’ancien ministre a indiqué que 64 policiers nationaux étaient mobilisés sur la Promenade des Anglais, 107 pour tous les événements du 14 juillet à Nice et 197 sur l’ensemble de la circonscription, des chiffres "de 20% supérieurs aux effectifs mobilisés l’année précédente".

Nous n’avions aucun signalement concernant un individu susceptible de passer à l’acte

François Hollande, qui se trouvait au festival d’Avignon le soir des faits, a par ailleurs démenti que des effectifs de CRS ou de gendarmes mobiles aient été spécifiquement affectés à sa sécurité, au détriment d’autres événements organisés ce soir-là dans la région.

"Est-ce qu’on avait les moyens d’assurer la sécurité du 14 juillet ? La réponse du préfet et du maire de Nice a été 'oui' ", a-t-il lâché, soulignant que c’était à ce niveau que se décidait en détail le dispositif à mettre en place.

Le maire de Nice Christian Estrosi ainsi que celui qui occupait ces fonctions lors des faits, Philippe Pradal, seront entendus au procès le 20 octobre.

Une information judiciaire est par ailleurs ouverte depuis 2017 sur le dispositif de sécurité mis en place ce soir-là.

La question des autopsies

L'ancien procureur antiterroriste François Molins a estimé lundi au procès de l'attentat de Nice que le choix fait par les médecins légistes de prélever l'entièreté des organes de certaines victimes "ne se justifiait pas", tout en défendant la nécessité des autopsies pour les besoins de l'enquête.

Ce croquis d'audience réalisé le 10 octobre 2022 au palais de justice de Paris montre le magistrat français François Molins s'exprimant lors d'une audience dans le cadre du procès de l'attentat de juillet 2016 dans la ville méditerranéenne de Nice.
Ce croquis d'audience réalisé le 10 octobre 2022 au palais de justice de Paris montre le magistrat français François Molins s'exprimant lors d'une audience dans le cadre du procès de l'attentat de juillet 2016 dans la ville méditerranéenne de Nice. © AFP

"Si c'était à refaire, il n'y aurait pas eu de prélèvements systématiques"

Après l'attaque, plusieurs familles se sont vivement émues en constatant que des victimes avaient été dépouillées de leurs organes lors des autopsies, sans qu'elles en soient prévenues.   "Mon sentiment, c'est que le prélèvement de la totalité des viscères n'était pas indispensable", a déclaré devant la cour d'assises spéciale de Paris celui qui est aujourd'hui procureur général près la Cour de cassation, l'un des plus hauts magistrats français.

Mon sentiment, c'est que le prélèvement de la totalité des viscères n'était pas indispensable

 "Si c'était à refaire, il n'y aurait pas eu de prélèvements systématiques", a-t-il ajouté, reconnaissant aussi des insuffisances dans l'information aux familles. Après l'attaque,  des autopsies ont été pratiquées sur les corps de 14 victimes, dont quatre enfants, avait expliqué au début du procès l'ex-directeur de l'institut médico-légal (IML) de Nice, Gérald Quatrehomme.

François Molins, en tant que procureur de Paris alors chargé de toutes les enquêtes en matière de terrorisme, a confirmé à la barre les trois critères fixés par le parquet pour déterminer la nécessité d'une autopsie.  

Le premier, pour "établir scientifiquement les causes du décès" si l'examen externe du corps n'y a pas suffi. Le deuxième, lorsque la victime a eu une prise en charge médicale avant de décéder, "pour faire la part des choses" entre ce qui est dû à l'attaque et ce qui est lié à une "éventuelle négligence médicale". Et enfin en cas de suspicion d'atteinte par balle.  

"J'ai conscience que c'est un sujet douloureux pour les victimes", mais "on ordonne une autopsie non pas pour faire de la peine mais parce qu'on en a besoin", a-t-il fait valoir. Ce n'est pas parce qu'"après coup l'autopsie n'a servi à rien qu'on peut inférer qu'il ne fallait pas l'ordonner".  

"Sujet douloureux"

Sur chaque corps autopsié, des organes ont été prélevés et placés sous scellés, au cas où des analyses complémentaires seraient nécessaires à l'enquête, avait expliqué le Professeur Quatrehomme. "On n'a pas abordé la question des prélèvements d'organes" au cours de la réunion de travail organisée entre les magistrats et l'IML", a assuré François Molins, expliquant s'en être remis sur ce point à l'expertise des médecins légistes. Hormis pour certains organes qu'il est nécessaire de prélever en entier lorsqu'on veut les analyser, le protocole habituel à Paris est de "prélever un échantillon, quelques centimètres", et lorsque le parquet de Paris donne ses instructions, "on n'imagine pas que ça va être autrement", a souligné le magistrat.   La majorité des familles concernées n'ont pas été informées de ces actes et ne l'ont appris que lors de la procédure, voire à l'audience, ont rappelé à la barre de nombreuses parties civiles dans des témoignages déchirants.  

"Je cherche à comprendre comment le système médico-judiciaire a pu en arriver à une telle absurdité : découper ma fille de 12 ans en morceaux pour déterminer qu'elle est décédée d'un "polytraumatisme compatible avec la percussion avec un engin à haute cinétique". Tout ça pour ça. Mais on le savait déjà !", avait ainsi déclaré à la barre Anne Gourvès.   En 2018, elle avait découvert "avec effroi un procès-verbal de mise sous scellés d'organes" de sa fille.

Anne Gourvès a fait une demande de restitution des organes, assortie d'un test ADN qui lui a été refusé. Un document médical (qui évoque une personne de sexe féminin âgée d'une vingtaine d'années) l'a fait même douter du fait qu'il s'agissait bien de ceux de sa fille.

Pour ces cas, "je ne vois pas d'autres solutions que de faire des analyses ADN pour restituer ces organes aux familles", a déclaré François Molins, précisant qu'il s'exprimait en son nom, déclenchant quelques applaudissements dans la salle d'audience.

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