Attentats de Bruxelles

Procès des attentats à Bruxelles : une journée sous le sceau de questions aux enquêteurs parfois très techniques

© Palix

La journée de lundi devant la cour d’assises chargée de juger les attentats à Bruxelles du 22 mars 2016 a été marquée par des questions parfois très techniques aux enquêteurs et juges d’instruction de la part des procureurs fédéraux et des avocats des parties civiles.

Comme d’habitude, la session matinale de cette 10e semaine de procès a commencé par le départ de la salle d’audience des accusés Mohamed Abrini, Salah Abdeslam et Osama Krayem. Seuls quatre accusés détenus sont donc restés dans le box : Sofien Ayari, Ali El Haddad Asufi, Bilal El Makhoukhi et Hervé Bayingana Muhirwa.

Les procureurs fédéraux ont ensuite poursuivi leur liste de questions adressées aux enquêteurs qui sont venus témoigner devant la cour d’assises entre le 21 décembre et le 9 février. Les questions ont concerné tour à tour chaque accusé, devant un jury attentif malgré les longueurs.

Organisant ses questions par accusé, le procureur fédéral Bernard Michel s’est d’abord intéressé au cas de Sofien Ayari, soupçonné de radicalisation dans son pays d’origine, la Tunisie, au moment de quitter le pays pour la Syrie en décembre 2014.

Des précisions sur le voyage en Syrie de Mohamed Abrini

Puis, le procureur fédéral a demandé des précisions concernant Mohamed Abrini, et plus précisément sur le voyage de celui-ci en Syrie à l’été 2015. L’accusé déclare que son leitmotiv pour ce séjour était de se rendre sur la tombe de son frère cadet, décédé en Syrie quelques mois plus tôt. Il n’a pas parlé de ce voyage à sa famille avant de partir, ni à son retour, ont répondu les enquêteurs. Lors d’une audition par une juge d’instruction belge dans le cadre de l’enquête sur les attentats de Paris, l’accusé Abrini a par ailleurs indiqué qu’un choix lui avait été proposé ainsi qu’à Salah Abdeslam et Sofien Ayari au lendemain du 13 novembre 2015 : celui de prendre de faux papiers et disparaître (sans doute en Syrie ou en Irak, NDLR) ou de "rester jusqu’au bout". Mohamed Abrini, qui a fait le choix de rester, pensait que ses deux co-accusés allaient partir, a-t-il expliqué dans cette audition relatée par les enquêteurs.

Concernant l’accusé Ali El Haddad Asufi, ensuite, les procureurs fédéraux ont souhaité éclaircir ses liens avec le kamikaze Ibrahim El Bakraoui, qu’il aurait plusieurs fois accompagné en voiture entre la fin décembre 2015 et la fin janvier 2016. Le ministère public s’est en outre intéressé à des armes qu’aurait pu récupérer Ali El Haddad Asufi pour la cellule terroriste. Les juges d’instruction et enquêteurs ont cependant concédé qu’aucun élément ne démontrait l’achat effectif d’armes par Ali El Haddad Asufi.

Les procureurs fédéraux ont ensuite posé des questions aux enquêteurs concernant des échanges téléphoniques entre les accusés Bilal El Makhoukhi et Hervé Bayingana Muhirwa avant de terminer la matinée avec des interrogations sur les frères Farisi et la manière dont les objets de l’appartement de l’avenue des Casernes ont été évacués après les explosions du 22 mars.

Salah Abdeslam, Mohamed Abrini et Osama Krayem mis de côté ?

L’après-midi, ce sont les parties civiles qui ont reçu la parole. Dans leurs questions, elles ont mis en exergue le rôle des accusés ayant renoncé aux attaques. Les noms de Salah Abdeslam, Mohamed Abrini et Osama Krayem ont ainsi souvent été cités.

Adrien Masset, avocat de l’association de victimes V-Europe, a voulu en savoir davantage sur les personnes "qui n’ont pas été au terme de leur détermination" (qui ont renoncé à se faire exploser ou qui ont pris la fuite, NDLR), ce qui caractérise les trois accusés précités. "Ont-ils été déconsidérés par les autres membres de la cellule ?", a-t-il demandé. Après le 22 mars, la situation est particulière dans le sens où il n’y a plus vraiment de cellule, ont répondu les enquêteurs. Mais lorsqu’on retourne en arrière, on retrouve des éléments indiquant qu’Osama Krayem se sentait mis à l’écart des discussions parce qu’il ne parlait pas français, par exemple.

Après la fusillade de la rue du Dries à Forest le 15 mars, il ressort d’un message audio retrouvé sur un ordinateur des terroristes un certain ressentiment vis-à-vis de Sofien Ayari et Salah Abdeslam, qui ont fui au lieu de "mourir en martyre" comme Mohamed Belkaïd (tué par les policiers lors de la fusillade). C’est ce qu’ont expliqué les responsables de l’enquête. Mohamed Abrini aurait également affirmé à plusieurs reprises s’être senti "mis de côté" et ne pas avoir participé aux prises de décisions.

Me Masset a par ailleurs demandé si les déclarations contradictoires de Salah Abdeslam avaient été recoupées. L’accusé a déclaré par le passé avoir renoncé à se faire exploser à Paris le 13 novembre 2015, puis que son matériel défectueux l’en avait empêché. "La cour d’assises de Paris a estimé que sa déclaration selon laquelle sa ceinture était défectueuse n’était pas crédible", ont répondu les juges d’instruction.

L’avocat Guillaume Lys a par la suite voulu avoir des précisions quant au calendrier de la préparation des attentats du 22 mars. Le projet de fabrication de TATP (explosifs, NDLR) était effectif dès la location de l’appartement de la rue Max Roos à Schaerbeek le 21 janvier, car l’endroit comportait les caractéristiques nécessaires à cette élaboration, a assuré un enquêteur. "Il y avait pour objectif de fabriquer du TATP dans cet appartement", a-t-il dit d’un ton franc. L’audience s’est terminée vers 18h00. Mardi matin, ce seront aux avocats de la défense de questionner les enquêteurs et juges d’instruction. Les conseils de Mohamed Abrini seront les premiers à prendre la parole.

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous