Justice

Procès des attentats de Bruxelles : "Cette succession de couacs et de ratés participe de ce qu’on appelle la victimisation secondaire"

Focus : Procès des attentats de Bruxelles

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

L’audience a enfin repris ce jeudi 5 décembre en milieu d’après-midi au procès des attentats de Bruxelles. Audience consacrée à l’attentat à la station de métro Maelbeek. Enfin, car, jusqu’à ce moment-là, le procès a surtout été secoué par la question des fouilles à nu des accusés cette semaine, fouille que la police a pris du temps à justifier.

Doit-on dès lors considérer, comme le disent certains, d’une semaine pour rien ou presque ?

Luc Hennard, porte-parole du procès, croit : "qu’on ne peut pas dire qu’il s’agit d’une semaine pour rien." Les problèmes soulevés "sont sérieux, me semble-t-il." Mais il déplore que cela ait empêché le procès d’entrer dans le vif du sujet : "c’est-à-dire aborder enfin les faits que l’on reproche aux accusés qui sont présents dans le cadre de cette affaire."

Comment expliquer qu’on ait autant de parasitages depuis le début de ce procès ? N’a-t-on pas anticipé tous ces éléments : les box des accusés, les difficultés avec les transferts, l’incapacité à amener directement les documents qui justifient les fouilles cette semaine, etc. ?

Pour le porte-parole du procès, il est incontestable "que nous n’avons pas été exemplaires – et quand je dis nous, je pourrais être plus précis. Il est évident que la discussion relative aux box aurait pu être évitée, ça ne fait pas l’ombre d’un doute. Les discussions qui ont lieu aujourd’hui par rapport au transfèrement, je pense que si la question avait été anticipée par les services qui sont en charge de ce transfèrement, se poser très raisonnablement et sereinement la question de savoir s’il fallait procéder d’une manière ou d’une autre, cela aurait pu être anticipé. Cela n’a pas été anticipé et les conséquences sont celles que nous connaissons. Et il y a donc eu ce débat. Ce débat, je le rappelle, est un débat qui est important. Chacun dans ce procès a des droits et ces droits doivent être respectés. Nous vivons dans un État démocratique et c’est une chance, et ces règles sont essentielles pour qu’un procès puisse bien se tenir."

Pourquoi si peu d’anticipation, justement, par rapport à ces documents ?

"Il est évident que ce sont des questions qui se sont posées, on n’a pas découvert aujourd’hui que ces questions allaient être à un moment ou à un autre à l’ordre du jour. […] Lorsque la Cour demande des explications et la défense a également demandé d’avoir ces explications — et elle a le droit de le faire — tout de suite, je dirais à l’instant même, ces documents auraient dû être produits. Ça a pris beaucoup de temps."

Dire que la Belgique se ridiculise, je ne le crois pas

Est-ce que la Belgique se ridiculise en ce moment comparé à la France, où ce procès est toujours cité en exemple ?

Luc Hennard précise que le procès de Paris, "que l’on présente comme la référence absolue de ce qui aurait dû se passer, a également connu des difficultés. La grosse différence, c’est qu’à Paris, un certain nombre de choses se sont réglées un peu backstage. Ici, et c’est un peu la qualité du procès de la Cour d’assises, et notamment de l’intervention de ce jury populaire, c’est que tout doit se passer de manière transparente. Alors, dire que la Belgique se ridiculise, je ne le crois pas."

"Je crois en tout cas qu’il y a un certain nombre de réflexions à mener, et ces réflexions sont importantes. Ce qui est à mon avis exemplaire dans ce procès, c’est que le pouvoir judiciaire en la personne de la Cour d’assises et de la présidente de la Cour d’assises remplit sa mission. […] Et je suis persuadé que cette Cour d’assises, avec la participation du citoyen lambda, sera citée en exemple de la qualité d’une démarche judiciaire, démarche qui est essentielle dans une société démocratique comme la nôtre."

Autre regard, celui de l’avocat des parties civiles, Adrien Masset. Comment ses clients ont-ils vécu cette semaine, où la question des fouilles à nu des accusés a pris toute la place ?

"Ils l’ont vécue de manière très difficile", répond d’emblée l’avocat. "Ça a été de l’incompréhension au départ, ça a été du dépit, puis ça s’est transformé en colère diffuse. Cette succession de couacs et de ratés participe de ce qu’on appelle la victimisation secondaire. C’est en quelque sorte de la violence institutionnelle."

Des gesticulations sur les génuflexions et les fouilles à nu paraissent vraiment dérisoires

"Est-ce que ça vient du ministère de la Justice ? Est-ce que ça vient de la police fédérale ? Est-ce que les avocats de la défense s’y associent ? Tout ça est évidemment très compliqué pour eux à vivre.", ajoute Adrien Masset. "Mais je dois vous dire que lorsqu’on a enfin été confronté hier à la reprise du fond du procès et cette relation de l’attentat à la station de métro Maelbeek par le commissaire de police de la police des chemins de fer, qui a exposé qu’il garde en image notamment cette jeune femme qui agonise, les intestins dans sa main, je dois vous dire que des gesticulations sur les génuflexions et les fouilles à nu paraissent vraiment dérisoires. Alors, j’entends bien que ces accusés ont évidemment des droits et il faut les respecter, mais je dois vous dire qu’hier le sentiment était vraiment très diffus suite à cette audition. Là, on est vraiment dans le cœur de l’horreur de ces terroristes."

Les problèmes s’accumulent et certains sous-entendent qu’on essaye de saboter ce procès ou en tout cas de le ridiculiser. Que pensez-vous de cette affirmation ?

Adrien Masset ne croit pas qu’il faille toujours avoir une vue négative de la situation. Selon l’avocat il y a effectivement eu un manque d’anticipation. Mais il ajoute que les demandes qui ont été formulées par la défense "paraissaient effectivement légitimes et elles ont d’ailleurs engrangé quelques succès, que ce soit sur les box ou sur certaines conditions de transfert. C’étaient donc des questions qui méritaient d’être posées, il faut pouvoir le dire. […] En attendant, on a perdu du temps et on a perdu des accusés, puisque ceux-ci refusent de venir. Ce n’était vraiment pas l’objectif des victimes d’avoir un procès d’assises qui va durer plusieurs mois — six ou sept mois — en l’absence des accusés. Ce n’est vraiment pas ce qu’on souhaite."

Ce jeudi après-midi, le procès est donc entré dans le vif du sujet, avec les images de l’attentat à la station Maelbeek. A quoi doit-on s’apprendre aujourd’hui lors des audiences ?

"Ce sera, me paraît-il, une journée extrêmement difficile pour ces victimes, dans la mesure où ce seront les détails forts crus, malheureusement, de l’intervention des services de secours — pompiers, ambulanciers, médecins urgentistes. On est donc bien évidemment confrontés à l’horreur en tant que telle, l’horreur que ces terroristes ont voulue. Ce n’est pas par hasard que ça survient. Je rappelle que ces attentats à Bruxelles interviennent quelques mois après Paris et que ce sont des acteurs, sous le bénéfice de la présomption d’innocence, qui sont communs, qui savent les dégâts qu’ils peuvent causer, qui savent les tourments et la manière dont ils vont prendre la vie à des victimes innocentes et plonger des familles de victimes dans le chaos total."

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous