Belgique

Procès des attentats de Bruxelles : des accusés qui participent au débat judiciaire, à l’exception d’Osama Krayem

© – PaliX

Par Patrick Michalle

Oublié déjà en partie le départ chaotique du procès de Bruxelles, car depuis les témoignages des victimes, ce procès a pris son véritable envol et donne à ce procès historique l’épaisseur et la dimension qui conviennent. L’impact sur les accusés est également visible après les deux premiers jours de leurs auditions "croisées" car à l’exception d’Osama Krayem qui a choisi de rester muré dans le silence, les huit autres accusés présents ont choisi de participer au débat judiciaire. Tous répondent aux questions posées dans une attitude plutôt constructive, s’efforçant de répondre sans toujours y réussir aux questions parfois pointues de la présidente Massart. 

Sept ans après les faits, les accusés n’ont souvent d’autres choix que de poser à leur tour des questions pour comprendre ce qu’on leur demande exactement. Après les deux premiers jours d’audition des accusés, le choix de la présidente de procéder à leur interrogatoire croisé a permis de rendre les échanges plus fluides en lui offrant au surplus la possibilité en glissant d’un accusé à un autre de s’adapter au gré des circonstances pour clarifier un élément de contenu ou pour "calmer le jeu" si une crispation apparaît.

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D’emblée trois questions essentielles posées aux accusés ont permis de camper les positions de chacun. "Êtes-vous en aveu d’avoir participé aux faits qui ont abouti à la double explosion à Zaventem ?", a-t-elle interrogé, avant de poser des questions similaires pour Maelbeek ainsi que pour la participation à une organisation terroriste. Dans l’ordre, c’est d’abord Bilal El Makhoukhi qui a répondu "oui" aux trois questions, de même que Mohamed Abrini un peu plus tard. Tandis que pour les autres, c’est entre "oui partiellement" pour le rwandais Hervé Bayingana Muhirwa, "non pas vraiment" pour Sofien Ayari qui fut arrêté à Molenbeek en même temps que Salah Abdeslam et un "non" franc et massif pour Salah Abdeslam aux trois mêmes questions, estimant être "injustement" poursuivi pour les faits du 22 mars 2016 pour les mêmes raison que Sofien Ayari, "il était en prison à ce moment-là" à un moment où la décision de frapper Bruxelles n’avait pas été prise.

Que retenir des premières déclarations des accusés ?

Pour Mohamed Abrini, on retiendra de ses premières auditions, la confirmation qu’il n’a jamais eu l’intention de se faire exploser. Jusqu’au dernier moment, il affirme avoir été habité par la peur d’une explosion prématurée des bombes sur le chemin de l’aéroport et qu’il a été tenaillé sur le trajet par une unique question, comment annoncer "aux autres" qu’il ne comptait pas mourir en martyr avec eux.

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Si Mohamed Abrini est encore convaincu que le combat en Syrie a sa légitimité, qu’il voulait y retourner au moment de Zaventem et qu’il était prêt à s’y battre comme son petit frère mort en combat, en revanche s’en prendre à des innocents, femmes et enfants, il n’était pas prêt à le faire. Sur le procès lui-même, Mohamed Abrini constate l’absence des décideurs, des commanditaires "si on avait pu attraper les responsables, je ne pense pas que les frères Farisi seraient là, ni Hervé Bayingana Muhirwa. Si Oussama Atar ou Abdelhamid Abaaoud avaient été arrêtés, nous serions passés au second plan. Mais on ne les a pas attrapés et il fallait bien traduire quelqu’un en justice".

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Bilal El Makhoukhi a, selon l’enquête relative aux attentats du 22 mars, apporté son aide à la cellule bruxelloise en tenant un rôle logistique. Il aurait également été à l’origine du recrutement de l’accusé Hervé Bayingana Muhirwa. C’est après avoir séjourné en Syrie où il fut blessé que Bilal El Makhoukhi a dû rentrer en Belgique puis a retrouvé dans notre pays plusieurs membres de la cellule terroriste qu’il a connus en Syrie, comme Abdelhamid Abaaoud, le coordinateur des attentats de Paris. C’est aussi là-bas qu’il se liera d’amitié avec Najim Laachraoui, l’un des kamikazes de Zaventem, qu’il ne connaissait que de vue lorsqu’il vivait en Belgique. Il a également admis avoir bien connu Khalid El Bakraoui, qui s’est fait exploser à Maelbeek. Son souhait semble avoir toujours été de retourner en Syrie, "À mon retour, je suis déprimé, j’ai envie de retourner en Syrie. Je n’avais pas de loisirs, je lisais des livres religieux. J’avais gardé des contacts avec des gens sur place pour essayer de repartir".

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Hervé Bayingana Muhirwa a reconnu avoir "une part de responsabilité" dans les attentats du 22 mars 2016. "Je m’expliquerai au moment voulu". Son parcours scolaire et son engagement social ont amené la présidente à lui demander "que faites-vous dans un box d’accusés ?". Il a évoqué des circonstances "que je regrette énormément. Pas les rencontres, mais ce qui m’a amené ici".

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Salah Abdeslam, comme il fallait s’y attendre a remis en cause son renvoi aux assises pour les attentats du 22 mars, "ma présence dans ce box est une injustice", indiquant n’avoir pas participé et que le projet d’attaques à Bruxelles a démarré après son arrestation et la diffusion de la photo des frères El Bakraoui. "Moi, j’étais en prison et au courant de rien".

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Sofien Ayari, qui a quitté la Tunisie pour aller combattre en Syrie, n’y a rencontré aucun autre protagoniste du dossier des attentats du 22 mars, "je ne connaissais personne avant de rencontrer Osama Krayem sur le trajet du retour, puis Salah Abdeslam quand il est venu nous chercher en Allemagne", a réaffirmé l’accusé. Lors de son interrogatoire, Sofien Ayari a évoqué son départ en Syrie et la culpabilité qu’il avait éprouvée par rapport à sa famille à qui il avait caché son départ. "C’est déchirant quand vous décidez de partir en sachant que vous ne reviendrez peut-être jamais".

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Ali El Haddad Asufi a été condamné à 10 ans de prison au procès de Paris, pour participation aux activités d’un groupe terroriste, une peine assortie d’une sûreté des deux tiers. Il est désormais théoriquement libérable. Celui qui était un ami d’enfance d’Ibrahim a réaffirmé son innocence. Il mise donc tout sur ce procès en Belgique pour établir son innocence afin d’espérer sortir de prison. Après avoir confirmé ses rapports avec Smail Farisi et Ibrahim El Bakraoui, qu’il avait rencontrés à l’école à Ixelles, il affirme n’avoir jamais rien su des activités terroristes de son ami Ibrahim. Celui-ci ne se confiant quelquefois qu’à propos de ses activités délinquantes de droit commun. Ce qui a conduit les enquêteurs à le soupçonner pour ses nombreux contacts.

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Concernant les frères Farisi qui comparaissent libres au procès, Smaïl, qui a logé Khalid El Bakraoui à Etterbeek jusqu’au 22 mars a confirmé n’avoir jamais rien su de ses activités terroristes, "j’ai juste aidé quelqu’un dans le besoin pendant trois jours", explique-t-il à propos de l’hébergement qu’il a proposé à Ibrahim El Bakraoui, "je ne l’ai pas aidé pour qu'il ramène des sacs d’explosifs et se fasse péter". Il a présenté de "sincères excuses" aux victimes ajoutant "mon cœur est avec elles, je n’ai jamais voulu de mal à qui que ce soit.

Ibrahim, son frère, est le seul à être poursuivi uniquement pour "participation aux activités d’un groupe terroriste". Il a répondu "non" à l’unique question le concernant : "Participer avec qui ? Je ne connais personne ici, je ne vais pas participer avec quelqu’un d’invisible", a-t-il ironisé en réponse à la présidente. Questionné sur son état psychologique, il a affirmé "vider une boîte d’anxiolytiques en deux jours".

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