Au procès des attentats de Bruxelles, c’est la deuxième semaine de témoignages des rescapés de l’aéroport et de leurs proches. La journée a commencé par l’évocation par Katarina Viktorsson de sa maman Berit, décédée le 22 mars 2016. "Ma petite maman", "Mormor" pour ses petits-enfants, qui aimait tant danser pieds nus.
Katarina Viktorsson a évoqué la relation fusionnelle qu’elle avait avec sa mère Berit. "On s’appelait tous les jours", se souvient-elle. Une relation très forte s’est aussi développée entre les deux fils de Katarina et sa maman. "En suédois, on dit Mormor pour dire mamie. Elle venait trois à cinq fois par an à Bruxelles et restait plusieurs semaines avec moi et les enfants".
En mars 2016, Berit vient à Bruxelles pour participer à l’organisation et assister à l’anniversaire d’une cousine. Katarina souligne l’ironie du moment : "Lors de cet anniversaire, on s’est dit à plusieurs reprises que c’était agréable d’être tous rassemblés pour un évènement joyeux et pas pour des funérailles. On ne savait pas ce qui allait arriver quelques jours plus tard".
Je suis en miettes et comme une guerrière
Après cette fête d’anniversaire où Berit a dansé pieds nus, comme à son habitude, elle doit rentrer en Suède. Un de ses petits-fils est en larmes. Berit tente de le consoler avec ces mots : "Mormor revient bientôt, ne pleure pas".
4 jours avant de savoir
Ce qui a été le plus dur pour Katarina, ce sont les quatre jours d’espoir qui ont suivi le 22 mars. Avec des proches, elle appelle les différents hôpitaux du pays avec cette question : "Avez-vous encore des survivants blessés qui n’ont pas encore été identifiés ?". Sur Facebook, un ami de la famille publie un avis de recherche. Plusieurs personnes lui envoient la photo d’une dame dont la veste ressemble à celle de Berit ainsi que la coiffure, mais Katarina doit se résigner à écrire : "Malheureusement, ce n’est pas ma maman".
Pendant ces journées, Katarina se répète cette phrase : "Maman, j'arrive". Et puis, le vendredi 25 mars, l'espoir prend fin. Ce jour-là, elle apprend que toutes les victimes blessées ont été identifiées. Elle sait alors que sa mère n’est plus à chercher du côté des vivants. C’est le lendemain, le samedi, qu’elle retrouve sa mère à l’hôpital de Leuven.
Du médecin légiste, elle apprend que Berit n’a pas souffert. Katarina explique à la cour d’assises : "Maman est morte sur le coup. Elle n’a pas souffert. On a pu le prouver parce qu’il n’y avait pas de fumée dans ses poumons".
Avant de quitter la morgue, Katarina demande au médecin si un collier a été retrouvé sur sa mère. C’est un collier que Berit tenait de sa propre mère. "Je lui ai dit que je ne quitterais pas les lieux sans avoir ce collier". Un collier qui l’accompagnait aujourd’hui lors de son témoignage, comme un talisman.
Se reconstruire
Après un témoignage émouvant au cours duquel Katarina Viktorsson a dû plusieurs fois reprendre son souffle, la présidente de la cour d’assises lui demande comment elle se sent aujourd’hui. Elle répond en évoquant ce sentiment ambigu qui l’habite : "Je me sens à la fois en miettes et comme une guerrière". Elle ajoute : "Depuis 7 ans, je ne vis pas. Je survis pour mes enfants. Si je n’avais pas eu mes enfants, je suis quasi certaine que je n’aurais pas survécu".
Elle termine toutefois sur un message d’espoir : "Depuis peu, j’ai décidé que je ne pouvais pas continuer à vivre comme ça. Je dois avancer, je dois me reconstruire, je dois trouver un but et je dois me soigner. Je vaux la peine. Je mérite d’aller bien, d’être heureuse. Là, je pleure, mais à force de le dire, je commence à y croire".
Avant de quitter le Justitia, Katarina conclut : "C’était la dernière fois que je venais ici. Pour moi, le procès, c’est fini".