Attentats de Bruxelles

Procès des attentats de Bruxelles : le parquet requiert la culpabilité de Bilal El Makhoukhi en tant que co-auteur des attentats

Bilal El Makhoukhi lors du procès des attentats de Bruxelles

© Palix

Par Belga, édité par Romane Bonnemé

Le parquet fédéral a requis lundi matin, devant la cour d'assises de Bruxelles, la culpabilité de Bilal El Makhoukhi en tant que co-auteur des attentats terroristes du 22 mars 2016 à l'aéroport de Zaventem et dans la station de métro Maelbeek. Ces attaques djihadistes ont coûté la vie à 32 personnes et fait des centaines de blessés.

Le procureur fédéral Bernard Michel a déroulé, pendant près de deux heures, tous les éléments de preuve qui, pour lui, démontrent que l'accusé est coupable de participation aux activités d'un groupe terroriste et d'assassinats et de tentatives d'assassinats terroristes.  

Dès sa prise de parole, les accusés Mohamed Abrini, Osama Krayem et Salah Abdeslam ont demandé à quitter la salle d'audience. Le parquet a également requis, la semaine précédente, leur culpabilité sur ces trois chefs d'accusation. Au total, 10 hommes - dont un fait défaut - sont poursuivis dans le cadre des attaques terroristes qui ont endeuillé la Belgique.  

Bernard Michel a ensuite présenté en neuf points les éléments prouvant que Bilal El Makhoukhi a participé aux activités de la cellule responsable des attentats. Grièvement blessé au combat, l'accusé rentre en Belgique en novembre 2013 pour se faire soigner. Sans ce tir de sniper qui lui a valu une amputation, il serait resté en Syrie "jusqu'à ce que la charia domine le monde", avait-il déclaré à sa mère. Abattu par ce retour forcé, l'accusé "retrouve le moral" en janvier-février 2016 grâce au projet d'attentat, a estimé le procureur. "Son regain d'énergie (...) s'explique parce qu'il a retrouvé un sens à sa vie": redevenir "utile à la cause". En atteste, selon le magistrat, ses rencontres fréquentes avec deux des trois kamikazes, Khalid El Bakraoui et Najim Laachraoui. Des rencontres que l'accusé "confirme lui-même": "on se voit toutes les deux-trois semaines dans le quartier Marie-Christine" à Laeken, a ainsi relevé Bernard Michel, citant l'accusé.  

Le procureur a également pointé la relation privilégiée de l'accusé avec Najim Laachraoui, "son ami et mentor". D'après les auditions de l'accusé Osama Krayem, l'artificier du groupe avait chargé Bilal El Makhoukhi de trouver une personne de confiance pour héberger certains membres de la cellule terroriste. Si celui qui se fera exploser à Zaventem confie cette tâche à Bilal El Makhoukhi, c'est parce que le groupe se tourne uniquement vers des individus de confiance, "des amis fidèles et de longue date", pour ne pas risquer de faire capoter le projet d'attentat, a exposé le procureur fédéral. Or, "une amitié indéfectible les lie: ce sont des compagnons d'armes" puisqu'ils ont combattu côte-à-côte en Syrie, "des frères de sang: ils ont vu les mêmes horreurs et subi les mêmes peurs".  

Un "logisticien de confiance"

C'est ainsi que le Belgo-Marocain recrute son ami Hervé Bayingana Muhirwa comme logeur après la fusillade de la rue du Dries le 15 mars 2016, le fameux "Amine" que l'enquête n'a pas formellement identifié. Pour étayer son propos, le magistrat a renvoyé à un fichier audio adressé par Najim Laachraoui au chef de la cellule terroriste basé en Syrie. Le jeune homme s'y réjouit d'avoir "un frère de plus dans la logistique". "C'est Abou Imrane (le nom de guerre que portait Bilal El Makhoukhi en Syrie, NDLR) qui nous l'a ramené."  

Bilal El Makhoukhi devient donc un "logisticien de confiance", selon le procureur. "Avoir un Bilal dans son équipe ça booste. Il coche toutes les cases: expérience du combat, connaissance de la Belgique comme de la Syrie. C'est l'homme idéal", s'est exclamé Bernard Michel. "Il accepte les missions qu'on lui donne et visite toutes les caches", dont le studio de l'avenue des Casernes à Etterbeek et l'appartement de la rue Max Roos à Schaerbeek "où se trouvent les armes qu'il s'engagera à récupérer" et où il enjambera "des caisses de TATP dans une odeur infecte" que dégage la fabrication des explosifs.  

"De tous ceux qui ne devaient pas mourir le 22 mars, il reste le plus important", a poursuivi le parquet. Pour ce dernier, le trentenaire devient la personne de contact de "l'émir" resté en Syrie. Aux "frères" qui voudraient perpétrer de nouveaux attentats, il pourra fournir des armes ; ceux qui voudraient rejoindre la Syrie devront passer par lui pour obtenir de faux papiers. "Il donne une pérennité au groupe après les attaques", selon Bernard Michel. En témoignent les mots de Najim Laachraoui à l'émir: "on va lui laisser la dernière adresse qu'on a, les armes et l'argent. Donne-lui des instructions", a noté le procureur fédéral.  

Aucune nouvelle des armes

Qu'est-il advenu de ces armes ? "On n'en sait toujours rien" bien que l'accusé ait reconnu les avoir réceptionnées, a fustigé le magistrat. "Elles sont peut-être dans la nature, ou saisies à l'occasion d'autres dossiers judiciaires. Peut-être ont-elles été définitivement détruites parce qu'elles étaient devenues trop 'chaudes' pour servir encore." Apporter une réponse sur ce point "aurait eu un sens pour les victimes", les enquêteurs, la justice. Mais "si on ne sait pas, c'est parce que la personne qui sait encore aujourd'hui se tait. Et ça, je trouve ça grave".  

Pour le ministère public, ce choix démontre l'attitude de plusieurs accusés, dont Bilal El Makhoukhi: "en dire le moins possible et nier tant qu'on peut". "Ils ne reconnaitront que ce qui est matériellement impossible de nier mais, pour le reste, ils se taisent", a-t-il déploré. Ainsi, l'accusé a-t-il reconnu avoir été approché par Najim Laachraoui afin de trouver des appartements et des voitures pour la cellule, qu'il est bien Abou Imrane et qu'il a effectivement pris possession des armes, a énuméré le magistrat. Toutefois, "il ne veut mouiller personne, ce qui limite le champ de sa transparence". "Il a même déclaré: 'Peut-être que si les éléments contre moi n'étaient pas si forts, j'aurais maintenu mes déclarations antérieures'. Gardez bien ces éléments à l'esprit", a lancé le procureur au jury. "En réalité, Bilal El Makhoukhi s'est donné un vernis de sincérité mais, quand on gratte, il reste de très grandes zones d'ombre. Il a encore beaucoup à nous apprendre mais il se tait."  

"Bilal El Makhoukhi est en aveu concernant les assassinats et tentatives d'assassinat terroristes", a finalement souligné le procureur. "Selon lui, 'c'est triste que des gens meurent mais si on décide de bombarder (la Syrie, NDRL), c'est des choses qui arrivent. C'est tout'. La loi du Talion est son mode de fonctionnement."

Attentats de Bruxelles : 1er jour du réquisitoire du parquet fédéral (par M. Joris 30/5/2023)

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