Justice

Procès des attentats de Bruxelles : "l’expérience nous montre que les jurés d’assises se révèlent des juges pertinents"

L'invité: Damien Vandermeersch, professeur de droit

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Ils seront 36 citoyens, 12 effectifs et 24 suppléants, à être tirés au sort ce mercredi pour le procès des attentats de Bruxelles.

Pour cette composition de jury d’assises, la cour d’appel de Bruxelles a envoyé un millier de convocations.

C’est une fois de plus l’occasion de revenir sur la question du jury populaire que constitue la cour d’assises, un exercice de démocratie directe qui pose son lot de questions logistiques, juridiques, démocratiques, puisque dans les autres niveaux juridictionnels, ce sont des juges professionnels.

Ici, pour les attentats de Bruxelles, outre l’exercice de juger, la durée, la technicité et l’ampleur du procès en feront un procès exceptionnel.

"L’expérience nous montre que les jurés de cour d’assises se révèlent des juges pertinents, compétents, motivés, qu’ils comprennent les enjeux, commente Damien Vandermeersch, professeur de droit et avocat à la Cour de cassation.

Se glisser dans la peau d’un juge

Les procès en cour d’assises prennent plus de temps, coûtent plus cher mais le principe de ce jury populaire est inscrit dans la Constitution. Il fait débat mais est toujours d’application.

A Paris, le récent procès des attentats avait disposé d’un jury professionnel, composé de magistrats, dans un contexte de menaces et de pressions éventuelles sur des jurés citoyens.

Alors peut-on se mettre dans la peau d’un juge lorsqu’on est simple citoyen ? Et, plus que se mettre dans la peau du juge, exercer sa fonction. "C’est le défi que doivent relever les citoyens".

Juger, c’est être confronté à des situations complexes, à des vécus particuliers, à beaucoup de souffrance.

"Là, les citoyens sont de l’autre côté et comprennent la difficulté. Juger, c’est être confronté à des situations complexes, à des vécus particuliers, à beaucoup de souffrance. Et voir ce que l’on donne comme réponse pénale à ces situations.

Si on prend les citoyens pour des idiots et incompétents, il faut alors supprimer la cour d’assises. Mais je ne pense pas que le citoyen est incompétent. Et attention, on juge des faits, des crimes qui ont été perpétrés; que ce soit un juge professionnel ou un citoyen, tout le monde est capable de comprendre l’ensemble de faits."

Des avocats et magistrats plus pédagogues en cour d’assises

Les questions techniques et de procédure pourraient être des obstacles pour les jurés non-professionnels. "Le jury populaire rend les acteurs du procès plus pédagogues, surtout au vu de la complexité du dossier des attentats. Et c’est bien aussi pour les justiciables, pour les victimes, les parties civiles, d’avoir ce procès où tout est compréhensible".

Avec la charge émotionnelle de ce procès, y a-t-il un risque d’instrumentaliser le jury ? Pas davantage que pour juge professionnel. J’ai vécu les enquêtes et les procès sur le génocide au Rwanda, je peux vous dire qu’il n’y a presque pas un jour où je n’y pense pas encore aujourd’hui. Donc, on est pénétré par les faits, et on doit d’ailleurs se pénétrer des faits pour pouvoir les juger. C’est extrêmement lourd, mais je pense que c’est une dimension qui n’est pas juridique, c’est une dimension qui est plus personnelleEt l’avantage d’un juré est aussi qu’ils ne sont pas seuls. Ils travaillent et ils réfléchissent de façon collective".

Donner la parole à tout le monde

On juge les faits mais aussi un enjeu de société ; alors quelle sera vertu de ce procès qui s’annonce comme un grand procès de l’histoire de la Belgique ? "Pour moi, un procès, c’est d’abord — et la justice a cette qualité — de donner la parole à tout le monde, les victimes, les témoins et les accusés sans préjugés.

La première vertu d’un procès, c’est de pouvoir entendre ce qui dépasse l’entendement.

La première vertu d’un procès, c’est donc de pouvoir entendre ce qui dépasse l’entendement et de dire que ça a eu lieu et de pouvoir poser, par rapport à ce qui dépasse l’entendement, toutes les questions pertinentes et impertinentes".

Comment a-t-on pu en arriver là ?

De tels procès sont aussi l’occasion de se poser la question "comment a-t-on pu en arriver là"? Qu’est ce qui s’est passé dans la société pour entraîner des faits aussi graves, aussi violents ?

"Pour moi, c’était le principal questionnement, affirme le professeur de droit. Ce qui est important lors du procès, c’est de voir les trajectoires (des accusés). Et je pense qu’ici, ces questions-là devront aussi être abordées. Ce n’est pas arrivé un jour J, il y a aussi les jours -1, -2, et tout l’antérieur. C’est aussi important d’avoir ces questions, qui seront peut-être un peu impertinentes, qui vont nous déranger."

Une cour d’assises qui a ses limites

Si Damien Vandermeersch se révèle relativement optimiste quant à ce procès, il n’en est pas mois opposé à la cour d’assises. "Je ne suis pas pour la cour d’assises, mais je suis pour une chambre criminelle mixte, avec des magistrats professionnels et des citoyens, moins lourde qu’un procès de cour d’assises, et un degré d’appel " ce que ne permet pas la cour d’assises.

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