Justice

Procès des attentats de Bruxelles : une psychologue militaire prévient les victimes des explosions que "le traumatisme ne disparaîtra jamais"

Par Melanie Joris du service judiciaire

Ce mercredi matin, au procès des attentats de Bruxelles, Magali Huret, psychologue à l’hôpital militaire Reine Astrid, a évoqué les conséquences psychiques et psychologiques d’une explosion. Son récit a fait écho aux nombreux symptômes évoqués par des victimes lors de leurs témoignages. La psychologue a aussi indiqué qu’il fallait apprendre à vivre avec ce traumatisme car celui-ci ne disparaîtra pas.

Pour comprendre l’impact d’un attentat, la psychologue a évoqué les croyances de base sur lesquelles l’être humain se repose pour fonctionner normalement. Dans ces croyances, on retrouve le sentiment de sécurité, la prévisibilité, le contrôle. Lors d’un incident traumatique, il y a un effondrement de ces croyances. La victime va perdre confiance en l’humanité et se sentir trahie.

Certaines victimes vont aussi avoir des difficultés à se réadapter à la vie sociale, elles vont se sentir incomprises ou en décalage. Pour avoir une vie plus ou moins normale, elles vont mettre en place des stratégies d’évitement. Elles ne fréquenteront plus certains lieux, événements ou personnes. Petit à petit, les victimes vont s’isoler et, en s’isolant, vont renforcer leurs traumatismes.

Peut-on guérir d’un tel traumatisme ?

Après avoir énuméré les difficultés que doivent affronter les victimes, la présidente de la cour d’assises a demandé à la psychologue militaire s’il était possible de guérir d’un tel traumatisme ou s’il fallait se résigner. La présidente a notamment fait référence à certaines victimes qui ont dit lors de leur témoignage : "Je n’ai plus aucun goût à la vie".

La réponse de la psychologue a touché en plein cœur plus d’une victime dans la salle d’audience : "Non, on ne guérit pas. Une victime peut apprendre à mieux gérer ses émotions, mais les images, les bruits, les odeurs vont rester à tout jamaisIl faut apprendre à vivre avec", a déclaré Magali Huret.

La psychologue a également utilisé la métaphore de la pierre radioactive pour évoquer le traumatisme : "Parfois, on peut ranger cette pierre dans un tiroir, mais ses effets vont encore se faire sentir. Il y aura toujours une petite lumière, on ne peut jamais récupérer à 100%".

Lors de ce témoignage, des sanglots se sont fait entendre dans la salle d’audience. C'était ceux de Philippe Vandenberghe, un habitué du procès. Lors d’une suspension, il nous explique : "La psychologue a évoqué des symptômes que j'ai expérimentés personnellement. À un moment, on devient très ému et on s'effondre". Cette émotion, Nathalie Dexpert la partage. Elle aussi a été déstabilisée par l’exposé de la psychologue : "C’est très difficile à digérer d’entendre que le traumatisme sera toujours là. La psychologue a mis des mots sur ce qu’on sait au fond de nous. Le chemin sera encore long".

Peut-on simuler un tel traumatisme ?

Lors des questions des parties civiles, plusieurs avocats ont interrogé la témoin sur la possibilité de simuler un traumatisme psychologique. Et s’il était possible d’estimer une durée moyenne nécessaire pour surmonter un tel traumatisme. Ces questions ne sont pas innocentes. Beaucoup de victimes ont été confrontées à de telles insinuations lors de leurs rendez-vous avec les médecins des assurances.

À la question de la simulation, la psychologue Magali Huret a été très claire : "C’est l’expérience du professionnel qui va permettre de repérer si une personne répète des symptômes qu’elle a lus sur internet ou si elle souffre réellement. Mais sincèrement, après avoir vécu ce type d’évènement, je ne vois pas bien qui pourrait simuler", a-t-elle déclaré.

Quant à savoir s’il est possible d’estimer une durée moyenne de persistance d’un traumatisme, la psychologue répond : "Non. Dans ma pratique, je ne peux pas donner de délais moyens. Ça dépend de tellement de facteurs différents, le vécu traumatique est tout à fait individuel". Une réponse qui s’oppose aux diagnostics de certains médecins mandatés par les assurances. L’un d’entre eux avait estimé qu’au bout d’un an la victime qu’il avait en face de lui devait être rétablie.

Pour Me Maryse Alié, membre du collectif d’avocats qui représente l’association Life4Brussels, ce témoignage était extrêmement précieux : "Ce témoignage nous a rappelé à quel point il est important que les victimes soient reconnues. Et la psychologue l’a reconnu, certains symptômes peuvent être encore là sept ans après".

Reportage de notre 19h30

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma... Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous