Belgique

Procès des attentats - Sabine Bourguignon, l’amnésique de la deuxième voiture à Maelbeek : "Je ne me souviens plus de rien"

Sortie des victimes du métro

© RTBF

Sabine Bourguignon était dans la deuxième voiture du métro à Maelbeek, pas loin de Khalid El Bakraoui lorsqu’il s’est fait exploser. C’est l’une des rares miraculées de l’attentat. Aujourd’hui c’est aussi le témoignage d’une amnésique, des faits, elle ne se souvient de rien : "je me suis réveillée début mai à l’hôpital, je me demandais pourquoi je me trouvais là". Lorsqu’elle apprend par ses proches qu’elle a été victime de l’attentat du métro, elle ne parvient pas à y croire " c’était inconcevable parce que je m’en souvenais pas du tout ". Plutôt un accident avait-elle pensé au départ, lors de son réveil à l’hôpital. Puis il a fallu qu’elle se rende à l’évidence.

Je me demandais pourquoi je me trouvais là

Sa maman témoigne à ses côtés, elle n’oubliera jamais ces jours terribles, "mon beau-fils qui me téléphone pour me dire que Sabine est à l’hôpital, plus tard qu’elle est aux soins intensifs ". Lorsqu’ils arrivent à l’hôpital, les médecins refusent aux parents de voir leur fille, " je leur ai dit que je ne partirais pas sans l’avoir vue". Leur insistance finira par porter, ils sont autorisés à la voir quelques minutes seulement, "elle avait de nombreuses fractures aux omoplates, à la hanche, une commotion cérébrale ". Elle sera placée en coma artificiel pour économiser ses ressources vitales.

Une trentaine d’opérations à l’hôpital, une vingtaine par la suite

Les photos vues à l’audience montrent un visage méconnaissable, entouré de bandages. Difficile d’y reconnaître la même personne que celle qui témoigne aujourd’hui "je ne sais pas mettre des dates car j’ai subi une trentaine d’opérations à l’hôpital et encore une vingtaine par la suite. Les dernières à l’oreille".

"Vous avez des souvenirs d’avant ?" lui demande la présidente. Sabine Bourguignon répond que l’amnésie se limite à une période de cinq à six mois, autour de l’attentat. Sa maman explique que durant longtemps elle lui répétait souvent les mêmes choses ne sachant plus qu’elle en avait déjà parlé.

Les dégâts sur les proches, la souffrance de son fils

"Mon fils à l’époque avait 5 ans. C’est un peu grâce à lui que je suis devant vous aujourd’hui". Le médecin a permis que son enfant vienne la voir aux soins intensifs. Le fait d’avoir dû partager tous ces moments difficiles, y compris durant la période de revalidation de sa maman, l’a rendu irritable. Sabine Bourguignon se rappelle qu’au cours d’un déplacement en métro vers la clinique de la main où elle devait se rendre régulièrement chaque semaine, au moment de passer devant la station Maelbeek, son fils est resté debout près d’une porte. Rien ne s’est passé sur le moment mais arrivé à la maison, il a très mal réagi, "quand il a appris que je venais au procès, il a eu peur. Je lui ai dit qu’on était bien protégé". La présidente : " s’il veut venir voir la salle vide. Pas de problème". La suggestion lui a été faite, répond sa maman, mais il a refusé de venir.

L’art comme passion et comme thérapie

Depuis l’attentat et ses conséquences, la famille s’est resserrée. Au début, à chaque retour de l’hôpital, dira sa maman, " on faisait notre thérapie de cuisine. On débriefait tout ce qu’on avait vu ". Un peu plus tard, elle ajoute " ma fille, c’est une warrior ". Celle qui avait appris la bijouterie depuis ses quinze ans, s’apprêtait, peu avant le 22 mars, à signer un contrat dans l’une des belles bijouteries de l’avenue de la Toison d’Or à Bruxelles. Mais elle a dû renoncer à sa passion, " je cale au niveau des mains. J’ai vraiment des crampes dans les mains, elles restent bloquées et j’ai peur du chalumeau", un outil très utilisé en bijouterieMais Sabine Bourguignon n’a pas abandonné le goût pour l’art et la littérature que lui ont transmis ses parents. Elle a repris des cours à l’académie, des cours qui lui servent également d’art-thérapie. Elle ne désespère pas bientôt de pouvoir réutiliser un chalumeau.

Le lent chemin de la reconstruction

Au départ, Sabine Bourguignon ne voulait pas venir au procès, " je ne voulais même pas entendre parler du procès " puis son point de vue a évolué. A la satisfaction de son psychologue, qui l’a vue évoluer, "c’est la première fois que je vous vois droite et pas courbée", lui a-t-il dit récemment. Cela la rend confiante pour la suite mais les dégâts sont là, "sept ans de passés, quel gâchis. Tellement d’opérations, d’anesthésies".

Ils savaient où ils mettaient les pieds

A l’égard des accusés, elle dira qu’elle n’est pas en colère car elle n’a plus d’énergie à consacrer à cela. Pas plus qu’elle ne peut pardonner pour les mêmes raisons, plus d’énergie à consacrer à cela. Elle leur dira qu’en acceptant de confectionner des bombes, ils savaient où ils mettaient les pieds.

Une bouteille à la mer : retrouver celui qui m’a sortie du métro

Son véritable désir concerne les intervenants de première ligne au métro le 22 mars, elle le formulera à la fin de son témoignage, " je lance une bouteille à la mer. J’aimerais bien rencontrer la personne qui m’a sortie du métro. Lui dire que je suis toujours vivante, avec plein de stigmates mais que ça va. […] Je sais qu’ils ne vont pas bien et savoir qu’ils ont sauvé quelqu’un peut leur mettre un peu de baume au cœur".

Sur le même thème : Extrait JT (22/03/2023)

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