Exposition - Accueil

Promenons-nous dans le Bois… tant que la sculpture y sera

Thierry Bontridder, Pli#75, 2005

© Tous droits réservés

Soyons honnêtes, sur une place ou dans un parc, qui s’arrête pour regarder précisément une sculpture ? La Fondation Boghossian y croit avec une Invitation au voyage, dans les allées du Bois de la Cambre, le poumon chic du Sud de la capitale.

Promenade au Bois de la Cambre
Promenade au Bois de la Cambre © Photocolorsteph/stock.adobe.com

On va au parc pour se détendre, flâner, pique-niquer les beaux jours et croiser, sans y prêter plus d’attention, des sculptures monumentales, autant d’éléments du décor, des " divertissements " dans le paysage ; rien de violent, agressif ou dérangeant. La sculpture dans l’espace public est le smoothie de l’art contemporain, sauf quand elle évoque un plug anal comme la sculpture Tree de Paul McCarthy (qui parle plutôt d'un sapin de Noël !) Place Vendôme à Paris. Un scandale. Et pourtant, oui, il y a souvent une intention, un discours, une symbolique, une maîtrise technique derrière ces œuvres vécues comme décoratives. Les six sculptrices et sculpteurs qui composent L’Invitation au voyage au Bois de Cambre ont des choses à nous dire.

Léopoldine Roux, Urban Paintings, 2022
Léopoldine Roux, Urban Paintings, 2022 © urban.brussels

On commence en douceur avec les rochers peints de Léopoldine Roux qui apporteront des couleurs à la vie quotidienne des gens. Citant Matisse, elle nous incite à regarder le monde avec un regard d’enfant. Les couleurs acidulées – grenadine ou chewing-gum – pourraient bien faire pousser un arc-en-ciel dans nos têtes.

Léopoldine Roux, Urban Paintings, 2022
Kaz Shirane, Prism Wall qu'on a pu expérimenter à l'expo The Light House en 2020
Kaz Shirane, Prism Wall qu'on a pu expérimenter à l'expo The Light House en 2020 © Tiffany & co
Kaz Shirane, Ensō, 2022

La japonaise Shaz Kirane est une prestigieuse designer bardée de récompenses et une artiste contemporaine qui travaille avec des miroirs sur l’idée du reflet. Du toit-terrasse de la Tokyo Tower (2019) ou une soirée anniversaire de Tik Tok (2018) à la Biennale de Venise 2022, Shaz Kirane passe du spectaculaire au discours philosophique. L’œuvre Ensō s’inspire de deux principes orientaux : le cercle, symbole Zen de l’infini et le Yin et le Yang, la complémentarité des dualités. Le reflet de la sculpture est le miroir de notre être fragmenté et, dans le même temps, il nous invite à réfléchir avec le cœur et l’esprit. On se souvient du Prism Wall et d'un Miroir de la Vérité de Shaz Kirane dans l’exposition The Light House à la Villa Empain en 2020.

Loading...

La sculpture la plus "cocasse" et pourtant directement politique de cette Invitation au voyage, est L’arc de Triomphe de l’artiste céramiste libanaise Samar Mogharbel qui entrelace céramique (son matériau de prédilection) et politique. "

Samar Mogharbel, L’arc de Triomphe, 2020
Samar Mogharbel, L’arc de Triomphe, 2020 © urban.brussels

Le Liban est une terre de conflits depuis bien longtemps. Samar Mogharbel a vécu la longue guerre civile de 1975 à 1990, les crises économiques et l’explosion du 4 août 2020 qui a dévasté le port de Beyrouth. L’arc de Triomphe "C’est la gravité, la distorsion et les tripes… La première fois que je sens l’œuvre sortir de moi, et qu’elle refuse de se tarir…

En 2005, après l’assassinat de plusieurs hommes politiques, Samar Mogharbel a réalisé 6 voitures piégées en céramique, ensuite coulées en bronze.

Samar Moghrabel, Hariri, 2006
Samar Moghrabel, Hariri, 2006 © Tous droits réservés
Ara Alekyan, Horse, 2012
Ara Alekyan, Horse, 2012 © urban.brussels

Pas de politique pour Ara Alekyan qui réalise ses sculptures en métal, émanation de son inconscient, exclusivement à partir de matériaux de récupération qu’il assemble avec une maîtrise et une minutie remarquables. Une des origines de la pratique singulière du sculpteur arménien est liée au terrible tremblement de terre qui ravagea une partie de l’Arménie en 1988. Quantité d’armatures métalliques et de morceaux de fer et d’acier émergent des immeubles en béton effondrés. Ara Aleykyan, surnommé " le maître de la soudure " présentera ses oeuvres dans le cadre d’Europalia consacré au voisin géorgien en 2023. Trois de ses sculptures animalières font partie de la collection Bhogossian.

Ara Alekyan, Horse, 2012
Ara Alekyan, Horse, 2012 © urban.brussels
Jiana Kim, Bridge, 2022
Acier corten et céramique pour cette sculpture de Jiana Kim, Bridge, 2022

Le travail de la plasticienne coréenne Jiana Kim est plus aride, qui traite de la matière dans sa vitalité intrinsèque. La matière n’est pas un corps mort. Par cette réflexion sur l’essence de la matière, elle nous incite à regarder et vivre ses œuvres en effaçant la division entre sensibilité de la vie et matière sans vie. Lauréate d’une résidence d’artistes de la Fondation Boghossian en 2019, Jiana Kim réalise généralement des peintures sur porcelaine qu’on peut découvrir encore quelques jours à la galerie bruxelloise Lee-Bauwens.

Jiana Kim réalise aussi des oeuvres monumentales
Jiana Kim réalise aussi des oeuvres monumentales © Tous droits réservés
Thierry Bontridder, Pli#75, 2005
Thierry Bontridder, Pli#75, 2005 © urban.brussels

Pour clôturer ce parcours, revenons à Pli#75, la sculpture monumentale en métal du belge Thierry Bontridder qui, dans le cas présent, a travaillé sur la spirale, omniprésente dans l’univers. Forme privilégiée du vivant, on la retrouve aussi bien dans l’infiniment petit (ADN) que dans l’infiniment grand (galaxies), nous dit le sculpteur. La légèreté, la vitalité, la beauté et la sérénité qui se dégagent de la structure ouverte [… ]en expansion contraste singulièrement avec la rigidité et la densité des matériaux dont ils sont composés, écrit le critique d’art François de Coninck. Thierry Bontridder, sculpte le mouvement qu’il décline par exemple dans ses séries Frémissement et Plissement. Œuvre de 2005, Pli#75 fait partie elle aussi de la collection Boghossian.

L’invitation au voyage – proposition de la Fondation Bogjhossian

Bois de la Cambre jusqu’au 1er décembre 2023

Jiana Kim, Red inside red, 2022
Jiana Kim, Red inside red, 2022 © Sébastien Schutyser

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous