Belgique

Publicité restreinte, pas de vente la nuit dans les stations-service… : le "plan alcool" se dessine peu à peu

Images d’illustration

© BELGA/GETTY

Le gouvernement fédéral s’est donc mis d’accord sur une nouvelle version d’un "plan alcool". Il s’agissait de s’entendre sur une série de mesures visant à réduire la consommation de boissons alcoolisées. Entre les sept partis de la coalition fédérale (la "Vivaldi"), les divergences étaient profondes. Le conseil des ministres restreint, le kern, vient toutefois de parvenir à un accord.

Un plan alcool qui est pour le moins minimaliste…

Parmi les mesures prises, le fédéral souhaite instaurer une interdiction partielle de la publicité sur l’alcool. Elle s’appliquerait aux moments de réclame diffusée durant les programmes destinés aux enfants et aux jeunes, a-t-on appris jeudi au cabinet du ministre de la Santé publique, Frank Vandenbroucke. L’exécutif pose de la sorte un jalon en vue d’un plan alcool plus large qui vise à éviter la surconsommation. Il cible plus directement la jeunesse qu’il veut davantage protéger. "Ce n'est pas de dire qu'un jeune ne peut pas boire un verre de vin ou une bière", précise le ministre. "Mais nous croyons qu'il faut protéger les jeunes d'un mauvais usage ou de la surconsommation de l'alcool."

Frank Vandenbroucke sur le plan Alcool

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Concrètement, toute publicité pour une boisson contenant de l’alcool est interdite durant une période qui court à partir de 5 minutes avant jusqu’à 5 minutes après une émission qui vise un public mineur d’âge. Mais aussi dans les journaux et périodiques, dans une salle de cinéma avec un film ou via des supports digitaux qui visent donc principalement un public mineur d’âge.

Stations-service, hôpitaux et distributeurs automatiques

A côté de cette mesure, aucun changement n’aurait été pris quant à la limite d’âge pour acheter de l’alcool : interdiction en dessous de 16 ans ; uniquement vin et bière entre 16 et 18 ans (pas d'alcools forts). Plus de restriction après 18 ans.

Pour ce qui est des restaurants d’autoroutes, la vente de bière ou de vin resterait autorisée. Pour les stations-service, une interdiction de la vente de toutes les formes d’alcool (réfrigéré et non réfrigéré) entrerait en vigueur entre 22 heures et 7 heures du matin. "C'est aussi une question de sécurité routière", explique Frank Vandenbroucke. "Nous croyons vraiment que pendant la nuit, il n'est pas indiqué de vendre de l'alcool, il faut éviter que des gens, de façon impulsive, achètent de l'alcool le long de l'autoroute."

Dans le secteur hospitalier :
- Interdiction de la vente de boissons alcoolisées réfrigérées et interdiction de la vente de spiritueux dans les magasins des hôpitaux.
- Pas d’interdiction de vente d’alcool dans les cafétérias des hôpitaux.

Il n'y aura plus d'alcool dans les distributeurs automatiques

Le fédéral devrait aussi débloquer des moyens pour un trajet de soins pour les jeunes souffrant d’un problème d’alcool.

Le gouvernement a donc arrêté sa position dans ce dossier. Le plan sera discuté avec les entités fédérées au cours d’une conférence interministérielle. Celle-ci se tiendra en principe le mois prochain.

Il faut éviter que des gens, de façon impulsive, achètent de l'alcool le long de l'autoroute

Explications en images dans notre 13 heures :

Un plan attendu

Cela fait dix ans que le secteur de la santé l’attend. Dix ans que le Plan alcool végète et échoue. Hier, le Plan semblait bien parti pour finalement voir le jour. " Enfin " soufflaient les acteurs de terrain.

Au menu, des objectifs ambitieux. Diminuer de 20% la surconsommation d’alcool à l’horizon 2028. Ou encore réduire de 50% la conduite sous influence.

"Ce plan est extrêmement attendu. La Belgique est très mauvaise élève" confiait Martin de Duve, alcoologue et directeur de l’ASBL Univers Santé (UCLouvain). "Il y avait énormément d’impatience" confirme Michel Evens, psychiatre et porte-parole des Alcooliques Anonymes.

Depuis 2013, ce Plan enchaîne en effet les échecs cuisants, rejeté à maintes reprises par le monde politique sous la pression des lobbys.

Alors, que prévoyait exactement le Plan sur la table ?

© 2022 Yiu Yu Hoi

Premier volet : interdire la vente d’alcool dans différents lieux

Tout d’abord, des mesures encadrant la vente d’alcool. Par exemple, l’interdiction de vendre des boissons alcoolisées sur les aires d’autoroute, dans les distributeurs automatiques ainsi qu’au sein des hôpitaux.

Il nous revient néanmoins que l’interdiction dans les stations-service est loin de faire l’unanimité.

L’idée d’interdire la vente d’alcool dans les magasins de nuit a, quant à elle, carrément été rayée de la note. "C’est regrettable" déplore Michel Evens, porte-parole des Alcooliques Anonymes. "On peut aller y chercher de l’alcool à tout moment, à toute heure, sur une simple envie. C’est un vrai problème".

 

Deuxième volet : limiter la publicité

Deuxième volet du Plan : la publicité. Ce que le gouvernement envisage, c’est l’interdiction de la publicité pour des boissons alcoolisées dans tous les programmes dédiés aux mineurs, que ce soit au cinéma, à la télévision, à la radio ou sur les médias numériques.

Une mesure "primordiale" pour les Alcooliques Anonymes, mais "largement insuffisante" pour Univers Santé. "C’est ridicule !" s’invective Martin de Duve. "Comment va-t-on déterminer ce qu’est un programme ‘principalement dédié aux mineurs’ ? Ça ne va absolument pas protéger les jeunes de l’omniprésence de la publicité pour l’alcool, diffusée partout !"

C’est une goutte d’eau dans l’océan

Pour mettre en place cette interdiction en matière de publicité, le gouvernement s’appuie sur une convention rédigée par l’industrie de l’alcool elle-même. Cette convention devrait servir de base à la rédaction de la loi. Un mécanisme qui, pour l’expert de l’UCLouvain, pose un vrai problème. "Une convention rédigée par les alcooliers eux-mêmes aurait force de loi ! C’est un principe absolument antidémocratique, dénué de toute responsabilité publique" dénonce Martin de Duve.

© Tous droits réservés

Troisième volet : imposer un prix minimum pour les boissons alcoolisées ?

La note du gouvernement prévoit également l’imposition d’un prix minimum sur les boissons alcoolisées. Objectif : éviter d’encourager les consommateurs à surconsommer par le biais de promotions et autres ventes de "pils" très bon marché.

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, la taxation est la mesure la plus efficace pour protéger les plus jeunes des effets néfastes de l’alcool. Une taxe de 15% permettrait d’éviter un tiers des décès dus à l’alcool.

Cette mesure est néanmoins l’objet de grosses tensions au sein du gouvernement. Plusieurs partis auraient émis un "non catégorique" en ce qui concerne l’imposition d’un prix minimum.

"Le secteur brassicole dispose visiblement d’entrées importantes auprès du gouvernement, pour que cela capote systématiquement" déplore une nouvelle fois Martin de Duve. "Les lobbys sont très puissants et sont capables de freiner beaucoup de choses" appuie Michel Evens.

De son côté, la Fédération Belge des Vins et Spiritueux assure "être un partenaire dans la lutte contre l’abus d’alcool", mais estime que des aides économiques seront nécessaires le cas échéant. "La plupart de nos membres sont des PME et ont du mal à rester à flot". Concernant l’imposition d’un prix minimum, pour la Fédération, ce serait "contreproductif et cela ne ferait qu’encourager les achats transfrontaliers".

Pouring a beer in a Rio de Janeiro bar.
Pouring a beer in a Rio de Janeiro bar. © Tous droits réservés

De nombreux points de crispation

L’une des autres mesures-phares envisagées est la généralisation de la carafe d’eau dans l’horeca et les clubs sportifs. Une mesure qui enrage le secteur, et qui a donc peu de chances d’aboutir.

L’interdiction des "happy hours" a elle aussi été rayée de la note d’intention.

Quant à l’âge minimum pour pouvoir acheter de l’alcool, il devrait rester inchangé. Il demeurerait donc fixé à 16 ans pour la bière et le vin, et 18 ans pour les autres spiritueux. Seule différence : les vins mutés (Martini, Sherry,…) deviendraient interdits en-dessous de 18 ans.

Une distinction qui continue donc à se baser sur la nature du breuvage et non le degré d’alcool. De quoi crisper les acteurs de la santé, et même la Fédération Belge des Vins et Spiritueux. "Il n’y a pas lieu de faire de différence entre un verre de vin, de spiritueux ou de bière. Ils peuvent contenir autant de grammes d’alcool pur. Il faut que les règles soient claires pour tout le monde. Pour nous, l’âge minimal devrait être de 18 ans un point c’est tout" estime la Fédération.

Nous sommes très inquiets

Le Plan prévoit par ailleurs un meilleur accompagnement des personnes souffrant de problèmes d’alcool. Mais les modalités restent pour l’instant encore floues.

"Au final, si cela reste en l’état, il ne reste quasi rien comme mesures !" dénonce Martin de Duve. "Nous sommes très inquiets car l’ambition est là mais les actions menées s’annoncent très faibles".

L’enjeu est pourtant capital en matière de santé publique. 15% des Belges ont une consommation problématique d’alcool, et 7% ont développé une dépendance. Chez les 20-39 ans, 13,5% des décès sont dus à l’alcool.

Reportage du 2 juillet dans un camp scout :

Reportage dans un camp Scouts sans alcool

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