Chorégraphe, performeur et plasticien queer, Steven Cohen se décrit avec autodérision comme "pédé, juif, blanc d’Afrique du Sud". En 2016, après 20 ans de vie commune avec le danseur Elu Kieser, Steven Cohen demande à sa nounou de 96 ans :"Comment puis-je continuer à vivre et à créer après la perte de mon âme sœur ?" Elle lui répond : "Mets ton cœur sous tes pieds… et marche", et il la prend au mot.
"Put your heart under your feet… and walk !” a été créé en 2017. L’artiste a imaginé, non pas un spectacle, mais une cérémonie funéraire en hommage à son compagnon défunt, dans la vie et sur scène. Dédier une œuvre artistique à son amour perdu pour ne pas s’enfermer dans la douleur, voilà une belle forme de résilience.
Tel un rituel, avec poésie et sensibilité, Steven Cohen nous invite à célébrer avec lui l’amour, et à engager un dialogue avec la mort. Une performance puissante teintée d’engagement politique pour rendre hommage à celui qui fut enfant, passionné de ballet, dans une Afrique du Sud marquée par l’apartheid, le racisme et l’homophobie, et qui fut donc opprimé.
Comme il en a pris l’habitude, c’est tout son corps que Steven Cohen met au service de l’art. Un corps présenté comme une créature faite d’ailes de papillon et de strass, sur des talons compensés en forme de cercueils, il avance entre les paires de chaussons de pointes du défunt, comme dans le champ de mines de leur passé commun. Un émouvant requiem, intime, offert par Steven Cohen qui s’aventure dans le domaine du deuil, et s’offre à son amour perdu telle une sépulture vivante. Et qui de mieux que Marianne Faithfull et de Léonard Cohen pour poser leur voix sur les images filmées dans un abattoir ?