Le cas de l'ours blanc devrait nous alarmer car l'Arctique est un bon "baromètre", note Flavio Lehner, professeur des sciences de la terre et de l'atmosphère à l'université américaine Cornell, également de l'expédition. Depuis les années 1980, la banquise a diminué de près de 50% en été selon le National Snow And Ice Data Center. "Nous voyons ici certains des changements les plus importants" au monde, dit le scientifique suisse.
Cette région est essentielle à plus grande échelle car "c'est en quelque sorte l'air conditionné de la planète grâce à cet important mécanisme de rétroaction de la glace de mer et de la neige en général", dont le miroir blanc renvoie 80% des rayonnements du soleil procédant ainsi au refroidissement, explique-t-il.
Quand l'Arctique perd cette capacité de réflexion, cela a des conséquences sur la température globale dans son ensemble. Ainsi, lorsque la glace de mer fond, la surface océanique beaucoup plus sombre qui la remplace absorbe à l'inverse 80% des rayonnements du soleil, accélérant le réchauffement, poursuit Flavio Lehner.
Il y a quelques années, les scientifiques craignaient que la banquise d'été de l'Arctique n'atteigne rapidement un "point de basculement" climatique et disparaisse définitivement au-delà d'une certaine température. Les dernières études montrent que le phénomène serait réversible.
"Si nous parvenons un jour à faire baisser à nouveau les températures, la glace de mer reviendra", explique le scientifique.
Il n'empêche, dans la région, aujourd'hui "tous les écosystèmes, sans exception, sont touchés" par les effets du réchauffement, explique Jane Waterman, biologiste à l'université du Manitoba. Le permafrost - sol qui reste gelé en permanence deux ans consécutifs - a commencé à fondre et à Churchill, les contours des paysages ont déjà bougé, endommageant les voies ferrées et l'habitat d'espèces sauvages.
Toute la chaîne alimentaire est menacée, avec aussi l'apparition d'autres animaux comme les renards roux ou les loups, qui mettent en danger des espèces arctiques. Selon la scientifique canadienne, des virus et aux bactéries en passant par les baleines, "rien n'est épargné par le changement".