On n'est pas des pigeons

Quand la facture d’hôpital est beaucoup plus élevée que prévu

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En chambre individuelle, les médecins peuvent multiplier leurs honoraires par trois ou quatre. Pour une hospitalisation de quelques jours, l’addition pour le patient peut s’élever à plusieurs milliers d’euros !

© Getty Images

Geneviève et Georges en ont fait l'expérience

Geneviève et Georges, un couple de pensionnés, ont tous les deux subi une colonoscopie cette année. Le même hôpital, le même médecin, le même examen, à six mois d’intervalle. "Mais pas du tout la même facture", grimace Geneviève. "Moi, j’ai payé 12 euros, après remboursement. Mon mari, 410 euros !"

Qu’est-ce qui explique cette différence ? "Mon mari avait choisi une chambre individuelle, parce qu’il croyait que son assurance hospitalisation remboursait les suppléments d’honoraires. Mais ce n’était pas le cas. Je n’ai pas commis la même erreur : j’ai choisi une chambre double."

Une facture de 2000 euros dans la boîte aux lettres

C’est ce qui est arrivé à Véronique (prénom d’emprunt), opérée récemment d’un cancer dans un hôpital de la région liégeoise. Son mari nous raconte : "Le chirurgien a téléphoné à mon épouse quelques jours avant l’hospitalisation pour lui expliquer en quoi l’intervention allait consister. Puis, il lui a demandé si elle voulait être seule dans une chambre. Il n’a pas parlé de suppléments d’honoraires. Ma femme était très inquiète pour sa santé, c’était pendant le Covid, une autre raison de s’isoler dans une chambre. Elle a dit oui, sans se rendre compte des conséquences."

C’est un abus de faiblesse.

Les conséquences sont arrivées quelques semaines plus tard dans la boîte aux lettres : une facture de 2000 euros à charge de la patiente. "C’est un abus de faiblesse", dénonce le mari de Véronique, qui conteste la facture.

Une simple petite croix sur le formulaire d’admission

Sur les formulaires d’admission à l’hôpital, pourtant, les patients doivent choisir explicitement entre les deux régimes : chambre simple ou chambre double. Et il est bien indiqué, en gras, qu’en chambre individuelle, des suppléments d’honoraires allant jusqu’à 100, 200 ou 300% peuvent être appliqués.

Paradoxalement, la plus grosse partie de ces suppléments d’honoraires ne va pas dans la poche des médecins, mais sert à financer l’hôpital. "Le budget des moyens financiers ne couvre que 75% de nos coûts", explique Sebastian Spencer, directeur médical associé aux Cliniques de l’Europe, à Bruxelles. "Les 25% restants proviennent des suppléments d’honoraires, sans lesquels nous ne pourrions pas garantir la même qualité de soins."

Dans beaucoup d’hôpitaux, cet argent est utilisé pour rester à la page sur un plan technologique.

Test Achats dénonce des abus

Nous n’avons aucun intérêt à pousser nos patients en chambre simple s’ils ne sont pas assurés.

Quand le système fonctionne normalement, il consiste à faire supporter aux compagnies d’assurances une partie du coût des hôpitaux. "Nous n’avons aucun intérêt à pousser nos patients en chambre simple s’ils ne sont pas assurés", affirme le docteur Sebastian Spencer, directeur médical associé aux Cliniques de l’Europe. "Nous demandons donc à nos médecins et à notre personnel administratif de poser clairement la question aux patients : "Etes-vous sûr que votre assurance couvre les suppléments en chambre individuelle ?"

Mais est-ce que les patient(e) s sont toujours dans de bonnes conditions quand ils signent le document ? Il n’est pas rare que ce document soit signé le premier jour de l’hospitalisation. C’est évidemment trop tard. Et quand le choix se fait dans le cadre d’une consultation avec le chirurgien, on peut craindre que le consentement soit altéré par la position de faiblesse du patient.

L’association de défense des consommateurs Test Achats constate en tout cas des dérives : "Un certain nombre d’hôpitaux et de médecins poussent les patients à prendre une chambre individuelle", déclare Julie Frère, porte-parole de l'association, "alors que ce n’est pas nécessaire pour la personne ou qu’elle n’a pas les moyens de la financer."

Bientôt un "devis" obligatoire

Les patients sont un peu pris en tenailles entre les hôpitaux qui ont intérêt à "vendre" des chambres simples et les assurances qui n’ont pas intérêt à couvrir trop généreusement ce risque. Beaucoup de polices souscrites par les employeurs pour leur personnel ne couvrent pas les suppléments en chambre individuelle, ou alors moyennant un supplément de cotisation. Beaucoup d’assurés l’ignorent.

Premier réflexe à avoir en cas d’hospitalisation : bien vérifier l’étendue de votre police d’assurance. La bonne nouvelle pour les patients, c’est qu’à partir du mois de janvier, les hôpitaux seront obligés de donner une estimation du coût de l’hospitalisation, une sorte de devis.

Certains hôpitaux, comme Saint-Pierre à Ottignies, offrent déjà ce service on line (Coût de l’hospitalisation | Clinique Saint-Pierre Ottignies (cspo.be). Le patient encode l’intervention qu’il va subir, sa mutuelle et le choix chambre/simple ou chambre double, et le système calcule les frais d’hôtellerie, les frais de médicaments et les honoraires. C’est évidemment une estimation qui ne tient pas compte des aléas éventuels de l’hospitalisation mais c’est de nature tout de même à aider les patients.

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