L’étymologie du mot remonte aux racines grecques nostos, qui évoque le retour au foyer. C’est un terme fondateur de l’œuvre d’Homère, avec l’Iliade, l’Odyssée.
Mais selon Thomas Dodman, le mot nostalgie serait un néologisme apparu à la fin du 17e siècle, dans le monde alsacien, entre Mulhouse et Bâle. Les raisons de cette nouvelle maladie, définie comme une forme de mélancolie, ne se trouvent pas dans des explications purement médicales.
Il faut plutôt aller chercher dans le contexte historique, politique et militaire de l’époque, pour comprendre pourquoi un jeune étudiant en médecine, Johannes Hofer, décide de dénommer ce mal nostalgie, inventant ainsi un néologisme médical pour sa thèse. Pour parler de cette fièvre, de cette langueur qui prend les jeunes soldats, il évoque 'les esprits animaux', c’est-à-dire tous ces fluides nerveux qui activent les différentes parties du corps et qui peuvent y créer des déséquilibres.
La nostalgie provoque une fixation de l’esprit sur les images, le souvenir du pays, le chez soi, le nostos, et crée une sorte de blocage dans la répartition des fluides du corps, menant au dépérissement. Elle engage le pronostic vital.
Pour sa thèse, Johannes Hofer étudie 3 cas, dont des soldats suisses qui se battent pour défendre Mulhouse, enclave protestante indépendante entourée de gros états catholiques, et qui souffrent de la nostalgie du pays. Ces 3 cas vont se solder par une guérison, grâce à un traitement médical, mais surtout grâce à un soutien psychologique et, cure ultime, au renvoi au pays.
Le 17e siècle vit une période d’instabilité, de développement de l’Etat-Nation, avec des guerres qui vont conduire jusqu’aux grandes guerres de l’époque révolutionnaire et napoléonienne.
C’est aussi le début de la grande transformation socio-économique du capitalisme, avec des déplacements de centres économiques et de populations. Les formes de mobilité deviennent de plus en plus longues et soumises à une contrainte. Que l’on soit soldat, ouvrier saisonnier ou esclave, on ne peut pas tout simplement quitter son poste et rentrer chez soi, explique Thomas Dodman. Il y a une forme de domination qui s’inscrit dans le déplacement dans l’espace. Ces nouvelles formes de mobilité favorisent les conditions de cette nouvelle maladie appelée nostalgie, par la perte de racines, de repères, l’aliénation, puis le dépérissement.