Des poèmes écrits par Jean Dominique
A bord
Le soir adorable tremblait sur la mer.
Je regardais passer doucement le soir clair,
Entre le ciel et l'eau, dans les vents et dans l'air...
L'écume, au soleil couchant moussait, rose,
Et, fléchie au sommet des vagues les plus hautes,
Prenait la courbe circonflexe des mouettes.
Jamais je n'avais vu de si belles mouettes ;
Jamais je n'avais été si seul devant la mer,
Et je me sentais triste, pâle et fier
D'être si content, seul à seul avec la mer.
J'avais quitté mon amie, j'avais quitté mon amie !
Le vent traversait mon âme avec le soleil du soir
Et je regardais ma vie du haut de mon désespoir...
Comme un bateau qui va sur l'eau.
Va, mon Rêve, sur mes sanglots...
Il se fait tard, la mer est noire.
A droite, encor un soleil mort,
A gauche, la lune est à bord ;
Au milieu, c'est mon blanc mouchoir!
Il est trempé comme une voile
Sombrée dans la marée natale...
Où est ma mère, qu'elle pleure !
Je veux aller où l'on demeure —
La lune ronde est dans le ciel
Blonde comme un gâteau de miel.
Au galop fou des violons
Et des harpes tristes qui bêlent
Tout le long le long de ce pont,
Je tourne, en chœur, ma ritournelle
"Comme un pauvre petit bateau Qui va sur l'eau !"
Les Confidences - I
Les obscures chansons qui passent
Sous mon front, cet après-midi,
Comme les bouleaux des taillis.
Tremblent d'automne, résignées...
Et leurs sveltes corps nus s'effacent
Dans les brumes de mes pensées.
Elles s'en vont, inexprimées,
A travers l'àme toutes pures,
Et mon silence les rassure.
Ce sont de frêles épousées
Pour mon cœur banal et fidèle,
Et j'ignore presque tout d'elles,
Mais je les aime — c'est assez !...
C'est assez d'aimer et le dire
Par ce doux-pâle après-midi
A ce qui ne peut pas en rire,
Les rideaux clairs, les bouleaux gris.
Et ces chansons qui viennent, vont,
Mystérieuses, sous mon front...
Les Confidences - V
Mes mains ont perdu l'habitude
De courber leurs doigts de tristesse
Pour de consolantes promesses.
Voici le jour des solitudes!...
Mon corps a perdu l'attitude
Des passionnantes tendresses.
Voici le jour des solitudes !...
Je ne verrai plus l'attitude
De vos amoureuses promesses...
Vous avez perdu l'habitude
De me parler avec tristesse.
Voici les pieuses tendresses
Désavouées, en l'attitude
D'une machinale caresse...
Fermez mes yeux de solitude
Avec vos doigts vains, sans tristesse
Je dormirai par habitude.
Poèmes issus du recueil L'Ombre des roses (Ed. du Cyclamen, 1901). Plus de poèmes par ici.